Guyane: « NOUS VOULONS SAUVER DES VIES »
Le collectif Mayouri Santé Guyane s’active pour la venue de médecins « amazoniens » sur le territoire. Il a remis aux différents pouvoirs publics 40 curriculum vitae de médecins prêts à venir.
« Y a-t-il des humains moins humains que d’autres ? Y a-t-il des Français moins français que d’autres ? On meurt en Guyane et on veut voir des médecins venir nous aider ». Le message d’Yvane Goua, de Trop’ Violans, association intégrée dans le collectif Mayouri Santé Guyane (MSG), est limpide. Comme la pluie qui a accueilli, mercredi matin devant l’hôtel de la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG), à Suzini, ce rassemblement de citoyens, qui s’inquiète du système médical sur le territoire.
Leur objectif : permettre à des médecins de la région de venir renforcer les effectifs. Ils ont déposé 40 CV de médecins brésiliens, vénézuéliens et cubains à la CTG, à la préfecture, à l’Agence régionale de santé et à l’Ordre des médecins. Une liste donnée par l’association Pirogue humanitaire du Docteur Bellony qui appelle de ses vœux, depuis des années, cette coopération régionale.
« Depuis 2005, nous avons une ordonnance qui permet la venue de ces médecins cubains. Ils ne sont jamais venus »* rappelle Servais Alphonsine, du Komité Drapo et du MSG. « Depuis février 2019, la CTG a enclenché le processus par des rencontres avec les autorités cubaines et cela n’aboutit à rien » renchérit Eric Louis, chef du village de Kuwano à Kourou et membre du CSG.
« Nous avons organisé cette caravane dans le but précis que les autorités arrêtent de se renvoyer la balle. Maintenant tout le monde sait, tout le monde a les ressources nécessaires pour faire venir dans la semaine ces médecins. Nous sommes dans une situation terrible et terrifiante et les réponses apportées ne sont pas assez rapides et performantes » constate Philippe Bouba, de Sud Education et l’un des porte-parole du MSG.
La Guyane encore une fois précurseure, se retrouve dépassée par les Antilles. La Guadeloupe et la Martinique n’ont eu besoin que d’un amendement en 2019, dont le décret d’application n’a été signé que le 31 mars 2020, pour mettre en place cette collaboration avec l’accord de l’ARS de Martinique. L’appartenance de cette dernière à l’Organisation des États de la Caraïbe orientale a peut-être aidé mais n’a pas été déterminante. Ce n’est donc pas une question de statut. Difficile à comprendre pour le collectif de citoyens du MSG.
« Nous faisons vite pour nous imposer des essais cliniques mais pour obtenir des médecins tout est lent ou impossible. Je n’ai strictement rien à faire des relations entre la France et Cuba ou des atermoiements de la directrice de l’ARS qui parle de traite d’êtres humains. Nous voulons sauver des vies et il faut qu’on s’en donne les moyens » remarque Yvane Goua.
Pour Xavier Yannick, porte-parole du MSG, la question du statut de la Guyane n’est pas à négliger quand même. « Encore une fois nous sommes bloqués par nos statuts. Nous réclamons depuis au moins 2001 un Centre hospitalier universitaire (CHU). Nous n’obtenons rien alors que des soignants guyanais ne demandent qu’à revenir travailler ici. Si nous possédions un statut avec plus d’autonomie, on pourrait gérer directement avec nos voisins. Ils pourraient venir renforcer notre CHU par des missions de trois mois. Là, nous devons passer par la France et attendre son bon vouloir. »
La collaboration médicale avec Cuba aurait apporté un plus à des équipes fatiguées et en manque d’effectifs. Le chiffre de 300 soignants semble faire consensus auprès des différentes parties. Mais au-delà de la crise du Covid-19, l’arrivée de médecins formés dans l’un des meilleurs systèmes de santé du monde pourrait permettre de combler en partie le désert médical que subit la Guyane et cela depuis bien plus longtemps que l’arrivée du Covid-19.
Photo de une -> De gauche à droite : Xavier Yannick, Yvane Goua, Éric Louis et Philippe Bouba du collectif MSG
*Cuba ou la diplomatie médicale
Les 50 000 médecins cubains pratiquant à l’étranger rapportent à l’État socialiste de 8 à 10 milliards de dollars par an. Le médecin ne reçoit que 20% de son revenu. 38 pays ont fait appel à Cuba lors de l’épidémie de Covid-19.
L’ordonnance de 2005 n’a jamais eu de décret d’application
« Par dérogation le représentant de l’État dans la région de Guyane peut autoriser, par arrêté, un médecin ou titulaire d’un diplôme de médecine, quel que soit le pays dans lequel ce diplôme a été obtenu, à exercer dans la région. » Voilà quasi in extenso l’article 6 de l’ordonnance du 26 janvier 2005. Donc depuis 2005, on pourrait bénéficier du soutien de médecins du monde entier. Autant recruter des médecins connaissant les maladies tropicales et le bassin amazonien. Problème, cette ordonnance n’a jamais eu de décret d’application.
« Nous accueillons aujourd’hui des médecins vénézuéliens, colombiens mais aussi d’Afrique et de l’Europe de l’Est. Concernant les Cubains, seuls deux praticiens sont présents en Guyane. Comme l’ordonnance de 2005 n’a pas été accompagnée de décrets, nous avons mis en place des garanties. Après validation de l’établissement de santé où le médecin souhaite exercer, nous vérifions les diplômes et leur équivalence. Le Conseil de l’Ordre des médecins doit valider son inscription et il doit avoir un niveau de français suffisant. Enfin, durant la première année d’exercice, le médecin étranger est chapeauté par un praticien référent qui vérifie son travail « précisait l’Agence régionale de santé au site LCI.fr … en juillet 2019.