Du côté de Mana et Saint Laurent (Guyane) pourquoi la centrale hydrogène ne verrait pas le jour?
Entre juste réaction d’un village indien qui revendique sa récupération de terres comme promis par les accords de guyane et développement d’un projet qui sera une première mondiale d’une importance considérable pour la Guyane , le projet CEOG est retardé. On serait rassuré d’avoir la certitude qu’il n’y a pas de lobby EDF ou CRE derrière ces retards…..
Accord de Guyane | CEOG | Economie | Politique | Santé / Environnement | Publié le 22/09/2020 à 07H50 | Mis à jour le 22/09/2020 à 07H53 | Par : Philippine Orefice
Le chantier de Centrale Électrique de l’Ouest Guyanais (CEOG) qui doit produire de l’électricité pour l’équivalent de 10 000 ménages doit commencer à la fin de l’année 2020. Située entre Mana et Saint-Laurent, la centrale est jugée « trop proche » par les habitants du village de Prospérité qui demandent aux industriels de la déplacer.
Il y a deux ans, Guyaweb présentait le projet de Centrale Électrique de l’Ouest Guyanais (CEOG) qui devrait permettre à « l’équivalent de 10 000 foyers de l’ouest guyanais », sur au moins 20 ans, de bénéficier d’un courant électrique « stable » et continu via un parc de panneaux photovoltaïques d’une capacité de 55MW et d’un stockage d’énergie à base d’hydrogène. Un projet ambitieux puisque « L’unité de stockage de 140 MWh dépassera la capacité de la batterie géante construite par Tesla en Australie qui permet de stocker 129 MWh » (voir Guyaweb du 13/06/2018).
L’Ouest a besoin d’électricité
Située à Mana, à quelques encablures du carrefour Margot, la centrale prévoit de produire 10 MW d’électricité le jour et 3MW la nuit. Un objectif qui s’inscrit dans la programmation pluriannuelle de l’énergie de Guyane (PPE) – une feuille de route prévue par la loi de 2015 relative à la transition énergétique – qui prévoit, « hors besoins miniers », la « mise en service d’un moyen de production d’électricité de base à puissance garantie de 20 MW dans l’ouest entre 2021 et 2023, en privilégiant les sources renouvelables fournissant des services système (1) ».
A l’Ouest, selon une note de l’Institut d’Emission des Départements d’Outre-Mer (IEDOM), 35% de la population n’a pas accès à l’électricité (2) et les coupures de courant sont légion. En 2016, le collectif des Iguanes de l’Ouest, membres du collectif « Pou Lagwiyann Dékolé », s’était d’ailleurs constitué pour dénoncer les coupures de courant récurrentes. Depuis, comme le précise la PPE, « Dans l’attente de la mise en place de moyens de production d’électricité pérennes, et suite aux coupures d’alimentation électriques observées, il est à noter que depuis janvier 2017 des moyens complémentaires ont été installés au poste de Margot afin de disposer, d’une puissance totale installée de 20 MW dans l’ouest. (3)»
La PPE prévoit également un besoin futur en énergie pour l’industrie minière en précisant que l’approvisionnement peut se faire soit de façon « autonome » directement sur les sites, soit via « un raccordement au réseau public d’électricité impliquant nécessairement la construction de nouvelles capacités de production de base sur le système électrique (principalement dans l’ouest), ainsi que la construction d’un réseau de transport de grande longueur en forêt. (4)» Un besoin auquel la CEOG – nom du projet et de la société qui le porte – ne répond pas, martèlent les industriels. Alain Cyrille, représentant de HDF et de CEOG en Guyane affirme ainsi : « CEOG n’a aucun lien opérationnel avec une quelconque énergie minière et encore, quand on parle d’énergie minière, ce ne sont même pas des projets existants. Nous on fait un projet pour répondre à des besoins existants et immédiats. »
Initialement prévu pour 2019, le chantier débutera à la fin de cette année et devrait s’étendre sur 30 mois, pour un coût de construction estimé aujourd’hui à « un peu plus de 100 millions d’euros »indique Jean-Pierre Maurand, directeur de projet sur le projet de CEOG pour le fonds d’infrastructures Meridiam, actionnaire majoritaire de CEOG (voir Guyaweb du 12/09/2018) qui précise : « on est dans la dernière ligne droite, la validation par la CRE [commission de régulation de l’énergie, nldr] du contrat de vente d’électricité entre la CEOG et EDF Guyane ».
Le projet de CEOG a été initié par la société bordelaise HDF, « spécialisée dans les infrastructures hydrogène de forte puissance » et sera financé « uniquement sur des fonds privés » explique Sylvain Charrier, son directeur développement Outre-Mer. CEOG tirera ses fonds de ses trois actionnaires : Méridiam à 60%, HDF à 10% et la SARA qui a rejoint le capital en juillet 2019 à hauteur de 30%. Une entrée que Jean-Pierre Maurand explique ainsi : « La SARA a une technicité qui lui vient de son métier opérationnel qui est intéressante pour le projet parce qu’on parle d’hydrogène sous pression, de réseau de gaz. L’expérience industrielle de la SARA est un atout pour contribuer à la maîtrise globale du projet et notamment sur l’aspect technique ».
Une centrale « trop proche » pour les habitants
Depuis un an, les 200 habitants du village de Prospérité (Atopo W+p+ en langue kali’na) font entendre, par la voix de leur chef Roland Sjabere, leur souhait de voir déplacer la centrale jugée« trop proche » des habitations. Selon les chiffres de HDF, les premiers panneaux solaires sont situés à « 1,6 km à vol d’oiseau » des habitations les plus à l’est de Prospérité et à « 870 mètres »des habitations – qui ne sont pas du village – situées sur le bord de la RN1. Le projet en lui-même occupera 140 HA dont « 80 Ha d’aménagement ».
Située entre Mana et Saint-Laurent, la Centrale Électrique de l’Ouest Guyanais (CEOG) est jugée « trop proche » par les habitants du village de Prospérité qui demandent aux industriels de la déplacer. Le chantier de la CEOG qui doit produire de l’électricité pour l’équivalent de 10 000 ménages doit commencer à la fin de l’année 2020.
Contacté, Roland Sjabere confie qu’il n’a pas « confiance » en ce projet. « Ma position est claire, on veut déplacer la centrale. Je n’ai rien contre le projet, je veux bien développer la Guyane mais pas une première mondiale derrière un petit village […] ça va être un impact autour de nous et sur notre mode de vie parce qu’ils font ce projet à 2 km, c’est tout près » explique-t-il. Concrètement, des inquiétudes et des oppositions au projet ont été portées lors de l’enquête publique menée entre le 8 juillet et le 8 août 2019 sur les dangers potentiels du projet et sur les conséquences quotidiennes que l’emplacement de l’infrastructure implique.
Des griefs existent par exemple sur l’accès à la crique Sainte-Anne, pour laquelle il faudra désormais « contourner l’installation » ou à la zone de chasse sur laquelle le projet est implanté. Les industriels affirment n’avoir eu vent d’aucune opposition au projet depuis les débuts de son développement en 2017, jusqu’à cette enquête publique, et s’être efforcés de tenir informées régulièrement les autorités coutumières. Confirmant avoir eu des échanges avec les porteurs de projet, Roland Sjabere regrette le manque de consultation en amont par les services de l’Etat sur l’implantation d’un tel projet à proximité du village. L’emplacement, lui, est justifié par les possibilités que laissent le Schéma d’Aménagement Régional et le Plan Local d’Urbanisme (PLU) de Mana, la« distance raisonnable » entre la centrale et le poste source de Margot et le fait que le terrain ait déjà fait l’objet d’une exploitation forestière, explique Alain Cyrille.
Depuis un an, les 200 habitants du village de Prospérité (Atopo W+p+ en langue kali’na) font entendre, par la voix de leur chef Roland Sjabere, leur souhait de voir déplacer la centrale jugée « trop proche » des habitations.
Dans la dynamique des Accords de Guyane et de « l’attribution de 400 000 Ha aux peuples autochtones », Roland Sjabere a déposé une demande foncière de 5 000 Ha l’année dernière – incluant la zone du projet CEOG – qui est restée sans réponse jusqu’à la tenue d’une commission d’attribution foncière (CAF) en début de semaine dernière. La demande de Prospérité a été examinée et réduite à 500 Ha nous a expliqué Roland Sjabere qui doit maintenant soumettre la nouvelle cartographie aux villageois dans les prochains jours. En face du village, Voltalia développe aussi un projet photovoltaïque pour lequel Roland Sjabere ne semble pas inquiet. « On n’est pas directement impacté » explique le chef.
Une réunion a été organisée il y a quelques semaines à la sous-préfecture pour tenter de trouver un terrain d’entente entre les deux parties. Du côté de CEOG, on évoque des « projets de codéveloppement pour faire bénéficier le village de retombées très concrètes en termes de qualité de vie et d’infrastructures » pour les habitants de Prospérité et ceux vivant au bord de la RN1, explique Jean-Pierre Maurand. Les habitants du village souhaitent développer un projet d’autonomisation – dont l’idée est antérieure à l’installation de CEOG nous a précisé Roland Sjabere – qui consiste à « créer un lieu de vie commun pour développer des activités ayant un même objectif :accéder à plus d’autonomie. » et pour lequel une cagnotte en ligne a été ouverte. Mais l’argument du codéveloppement ne convainc pas le chef, soutenu par le Grand Conseil Coutumier, déterminé à faire valoir le déplacement de la centrale. Du côté de la CEOG cette solution n’en est pas une. Pour Sylvain Charrier : « On a une autorisation sur ce site-là et pas celui d’à côté, [déplacer la centrale] ça voudrait dire mettre en l’air tout le développement. […] S’il ne se fait pas là, le projet ne se fait pas du tout ». Les discussions devraient donc se poursuivre.