Au Sénat : le débat institutionnel sur le statut de La Réunion
« Deux missions d’envergure ont été conduites sur les outre-mer au cours de ces vingt dernières années et sont éclairantes pour appréhender les termes du débat institutionnel dans ces collectivités.
Il s’agit d’abord de la mission confiée en décembre 1998 par le Premier ministre, M. Lionel Jospin au sénateur de la Martinique, M. Claude Lise, alors sénateur et président du conseil général de Martinique, et à M. Michel Tamaya, alors député de La Réunion, et dont le rapport « Les départements d’outre-mer aujourd’hui : la voie de la responsabilité » a largement préfiguré le volet institutionnel de la LOOM.
La seconde est la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer du Sénat, de 2009, présidée par M. Serge Larcher, sénateur de la Martinique, qui a donné lieu au rapport d’information « Les DOM : défi pour la République, chance pour la France » dont le rapporteur était M. Éric Doligé.
« L’enjeu du développement »
« Les deux documents confirment que la réflexion sur les institutions n’est pas détachable de l’enjeu du développement des outre-mer.
Le rapport précité au Premier ministre relève à cet égard que l’accession à un accroissement des responsabilités locales « même si elle est synonyme d’un surcroît de démocratie locale n’est pas une finalité en soi. Elle ne se conçoit qu’au service du développement de nos départements et d’une amélioration du bien-être de nos populations ».
De même, la mission commune d’information du Sénat mise en place à la suite de la crise sociale qui avait secoué l’ensemble des DOM et paralysé la Guadeloupe durant quarante-quatre jours en 2008 a également consacré une partie de ses travaux aux freins institutionnels et de gouvernance à « l’épanouissement des outre-mer dans la République », à côté des aspects économiques et sociaux.
Le lien entre institutions et développement avait du reste été préalablement affirmé politiquement avec la Déclaration de Basse-Terre signée le 1er décembre 1999 par les présidents des conseils régionaux de Guadeloupe, Mme Lucette Michaux-Chevry, alors sénatrice, de Guyane, Antoine Karam, sénateur de la Guyane et M. Alfred Marie-Jeanne pour la Martinique. Ils s’appuyaient sur les difficultés économiques et sociales des trois régions pour réclamer la création d’un « statut nouveau de région d’outre-mer doté d’un régime fiscal et social spécial » prenant notamment exemple sur les régions espagnoles dotées d’une large autonomie. »
« Complexité et antagonisme stérile » entre Département et Région
« Ces travaux ont en commun de mettre en évidence combien l’efficience des politiques publiques avait pu être mise à mal par défaut d’adaptation de la gouvernance aux réalités locales, s’ajoutant à l’inadaptation récurrente des règles applicables.
L’interprétation restrictive du Conseil constitutionnel de la faculté d’adaptation issue de la jurisprudence de 1982 censurant la mise en place d’une assemblée unique dans les DOM a en effet conduit à des aménagements limités en matière d’organisation institutionnelle. Cette décision consacra ainsi le principe selon lequel l’assimilation ou identité législative a pour corollaire en outre-mer une assimilation institutionnelle. Elle a ainsi donné naissance aux régions monodépartementales encore aujourd’hui sources de critiques.
M. Éric Doligé, rapporteur, considérait cette organisation comme une « source de complexité et d’antagonismes stériles » nécessitant la mise en question de la coexistence de ces deux entités sur des territoires exigus. Il faisait ainsi écho au constat posé dix ans plus tôt d’un « face à face permanent des deux niveaux de collectivités ».
Bien que depuis ces deux rapports le paysage institutionnel ait évolué du fait notamment de la création des deux collectivités de Guyane et de Martinique, il n’en demeure pas moins que l’objectif d’une organisation au service d’une plus grande efficience de l’action publique reste à atteindre, la création de ces deux collectivités n’ayant pas du reste automatiquement mis fin à la complexité institutionnelle. »
« Exercer davantage de compétences localement »
« Du point de vue de l’exercice des compétences, autrement dit de la définition et de la mise en oeuvre des politiques publiques et des règles applicables, la demande d’approfondissement de la décentralisation est unanime.
Si la demande d’État demeure, elle n’est plus mise en avant comme cela a pu être le cas par le passé, la revendication d’un accroissement des responsabilités locales étant désormais privilégiée.
La définition des politiques publiques au plus près des territoires est considérée par les exécutifs comme essentielle dans de nombreux domaines leviers de développement. Au cours des entretiens, ont été citées des matières telles que l’environnement, la pêche, l’agriculture, le développement des productions locales, le sport, le logement, le transport ou encore l’énergie, jusqu’à l’éducation, en vue de leur meilleure adéquation à la diversité des situations des outre-mer et de mettre fin à des décisions prises en déconnexion avec les réalités et les élus locaux.
La réflexion sur la décentralisation outre-mer s’articule autour de l’adaptation des normes en général et de la détermination de l’autorité désignée pour y procéder et met en lumière la nécessité d’une approche différenciée. Cette problématique se situe à la charnière des régimes d’identité et de spécialité législative qui s’appliquent aussi bien aux règles qu’à l’organisation institutionnelle. »