Harry Durimel, maire de Pointe àPitre (Guadeloupe): « L’ambition est de réduire l’empreinte carbone et diversifier nos sources d’alimentation »
Harry Durimel. (extrait de REPORTERRE)
Harry Durimel se souvient mieux des lieux que des époques. Le dernier atteint : la mairie de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) après sa victoire aux élections municipales de juin dernier face à Jacques Bangou — « et sa famille qui règne ici depuis 60 ans »,peste le nouvel édile de 63 ans. Le chef de file du REV Guadeloupe (Rassemblement écologiste et volontariste) se dit écolo « depuis l’enfance ». « J’ai grandi à la campagne entre Les Abymes et Morne-à-l’Eau. Puis, étudiant, j’ai été pris dans le mouvement rasta, dit le maire . Ma femme est Jamaïcaine, les rastas prônent le végétarisme, c’est une écologie instinctive. » Devenu avocat, il exerça à Paris pendant un an, avant de regagner sa terre et de basculer vers l’écologie politique, pour se rapprocher des lieux de pouvoirs. « Là où on peut impulser les changements de modes de vie, dit-il. J’avais atteint une certaine maturité, je pensais pouvoir avoir une influence. » Il plaida pendant une dizaine d’années sur son île avant de se présenter aux municipales de Pointe-à-Pitre en 2008. Premier échec.
« La pollution au chlordécone est un scandale environnemental », reconnaissait Emmanuel Macron, en septembre 2018 lors d’une visite aux Antilles. « Les gens ont attendu que “papa Macron” vienne le dire pour me croire. D’autres pensent que je suis fou depuis vingt ans que je parle du chlordécone », maugrée M. Durimel. Il s’agit d’un pesticide utilisé massivement de 1972 à 1993 dans les bananeraies antillaises pour éliminer le charançon, qui ravageait les cultures. C’est aussi un perturbateur endocrinien reconnu comme neurotoxique et cancérogène possible dès 1979 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La France ne l’a interdit qu’en 1990. Mais la molécule persistant dans l’environnement (jusqu’à 700 ans), 95 % des 800.000 Guadeloupéens sont aujourd’hui encore exposés au chlordécone. En février 2006, accompagné d’autres avocats, Harry Durimel a représenté plusieurs associations locales ayant porté plainte contre X. Depuis, ils attendent. « Après 14 années d’enquête, qu’on n’ait mis personne en examen, que les expertises et les investigations n’aboutissent à aucune conclusion, ça nous paraît relever de l’inertie volontaire », estime Harry Durimel. Huit ans après cette plainte, il se présenta à nouveau aux municipales de 2014. Mais il lui faudra attendre 2020 pour arriver à la tête de la préfecture guadeloupéenne.
À peine intronisé maire, Harry Durimel a lancé un appel à ses administrés afin qu’ils viennent nettoyer Pointe-à-Pitre. « Ce n’est pas quelque chose d’anodin. Harry, en tant que maire et avocat, est allé nettoyer, ça a choqué positivement les Pontois, qui ont pris exemple, raconte Michelle Maxo, présidente de SOS Environnement Guadeloupe. On ne peut pas dire que c’est propre partout, mais il y a déjà du mieux. » Le maire a aussi poussé pour rallumer les rues, car « la ville était très sombre le soir », tout en planchant sur des solutions pour que l’éclairage soit à terme plus écologique. Malgré ce volontarisme affiché, les difficultés sont légion, et le déficit de plus de 80 millions d’euros (selon la chambre régionale des comptes) en 2019 réduit la marge de manœuvre. L’avenir, Harry Durimel y songe en évoquant le grand port de la ville à « valoriser ». « À cause du Covid, les croisières sont à l’arrêt, mais on a prévu que, sur le port, les navires arrêteraient leurs moteurs pour s’alimenter à un réseau d’énergie produit avec le courant de la mer. L’ambition, à terme, c’est de réduire l’empreinte carbone et diversifier nos sources d’alimentation. Des toitures permettront d’installer des panneaux solaires. »Durimel observe les Verts de métropole, : il s’est écarté d’EELV en 2013. « Je ne suis pas toujours d’accord avec leurs dérives extrêmes gauchistes », argue-t-il. Selon lui, l’écologie devrait être « au-dessus des clivages, et réunir tous les “humanistes” ».