L’Alaska sous la menace d’un mégatsunami !
Publié le 25/10/2020
Dans le sud de l’Alaska, tout un pan d’une montagne menace de s’écrouler dans les eaux d’un fjord. L’événement pourrait déclencher un tsunami avec des vagues plus hautes encore que celles, gigantesques, observées en 1958 après un séisme. Les chercheurs redoutent « la plus haute vague de l’histoire moderne ».
[EN VIDÉO] La rupture spectaculaire du glacier Helheim au Groenland Spectacle impressionnant de la nature : un iceberg se détache de l’immense glacier Helheim au Groenland. Long de plus de 6 km, sa dérive vers l’océan n’est pas sans inquiéter les scientifiques qui l’observent. La fonte des glaces s’accélère au Groenland mais aussi en Antarctique.
Tout commence en juin 2019 quand Valisa Higman fait du canoë-kayak dans le fjord de Barry Arm, dans le sud de l’Alaska, à une centaine de kilomètres à vol d’oiseaud’Anchorage. Intriguée par des fissures qu’elle remarque sur les flancs de la montagne qui s’élève entre les glaciers de Cascade et Barry, elle envoie des photos à son frère géologueBretwood Higman, pour avoir son avis. Spécialiste des glissements de terrain et de leurs conséquences, les tsunamis, il se rend sur Google Maps et examine attentivement les images satellites. Il identifie des fractures, mais estime néanmoins que la situation n’est pas préoccupante. Toutefois, prudent, il l’ajoute à la liste de sites potentiels à surveiller. Bretwood Higman dira plus tard à la Nasa qu’il avait fait « une erreur de géologie 101 », qu’il n’avait pas assez dézoomé ; « j’ai raté la vue d’ensemble », a-t-il confié.
Photo de Valisa Higman à Barry Arm, en juin 2019. © Valisa Higman, Nasa
Quelque temps plus tard, Chunli Dai, chercheuse de l’État de l’Ohio, va rouvrir le dossier. Travaillant « sur un projet financé par la Nasa pour développer de nouvelles façons de détecter automatiquement les glissements de terrain dans l’Arctique », indique la Nasa, la géologue va réaliser que la menace est bien réelle et imminente. Ses premiers résultats, « époustouflants », sont sans appel : la montagne s’avance dans les eaux de Barry Arm, elle a même gagné 120 mètres entre 2010 et 2017. Les données satellitaires corroborent ses mesures, indiquant même que le processus s’est accéléré entre 2009 et 2015, concomitamment au retrait du glacier qui s’étendait autrefois à ses pieds. « Lorsque leréchauffement climatique a fait reculer cette glace, la pente était libre de se déplacer »glisse Bretwood Higman.
Image satellite de la région de Barry Arm et les glaciers qui y descendent, le 13 septembre 2013. © Nasa
« La plus haute vague de l’histoire moderne »
Ce que les scientifiques redoutent plus que tout évidemment est qu’un pan entier de cette montagne s’effondre brutalement et engendre un tsunami géant dans toute la région, comme cela est déjà arrivé dans le passé en Alaska. D’autant plus qu’ici, la forme du fjord pourrait amplifier le phénomène.
Chunli Dai et son équipe ont calculé que la masse qui menace de s’écrouler libérerait 11 fois plus d’énergie que le terrible glissement de terrain de 1958, à Lituya Bay en Alaska. Ce dernier fut à l’origine de « la plus haute vague de l’histoire moderne » : 500 mètres de hauteur ! On a peine à y croire. C’était un séisme d’une magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter qui avait provoqué l’écroulement de rochers gigantesques.
Image satellite de la région de Barry Arm, le 23 août 2019. Le retrait du glacier Barry est bien visible. La montagne menace de s’écrouler dans le fjord. © Nasa
Dans le cas de Barry Arm, les chercheurs alertent sur le risque d’un effondrement d’ici 20 ans. Le volume des débris serait 16 fois supérieur à ceux de Lituya Bay. Tout dépend de plusieurs paramètres que les chercheurs tentent de mieux connaître, comme les fonds marins de la baie, mais l’événement pourrait être responsable de vagues hautes de plusieurs centaines de mètres qui pourraient courir jusque’à des régions plus peuplées (plus de 400 000 habitants dans la métropole d’Anchorage) à une cinquantaine de kilomètres à la ronde avec une hauteur des vagues en bout de course pouvant atteindre neuf mètres ! Ce qui est considérable.
Vue satellite du fjord de Barry Arm. Toute la zone fissurée est indiquée par la ligne noire. © Nasa
Les autorités ont été averties et la région fait l’objet d’une surveillance accrue depuis lapublication de ces recherches en mai dernier. Mais rien ne saurait l’empêcher.
Les scientifiques veulent davantage explorer les liens entre reculs des glaciers et effondrement de terrains, et s’il faut s’attendre à ce qu’ils soient plus fréquents à l’avenir sous le coup du changement climatique. Les habitants doivent vivre avec cette épée de Damoclès qui menace de s’abattre, tout près d’eux.POUR EN SAVOIR PLUSArticle de Julie Kern publié le 23 mai 2020
La pente instable d’un glacier en Alaska fait planer le risque d’un tsunami dans la région. Si les millions de tonnes de matériaux tombent dans le fjord, une vague de plus de trente mètres pourrait menacer des centaines de milliers de personnes.
Le glacier Barry, en Alaska, à environ 96 kilomètres à l’est de la plus grande ville de l’État d’Anchorage, inquiète particulièrement un groupe de scientifiques. Dans une lettre,disponible ici, ils préviennent que la région est sous la menace d’un tsunami dans les vingt ans à venir. La cause ? Une pente rendue particulièrement instable par la fonte des glaces. Plus de 290.000 personnes sont menacées.
Le glissement de terrain visible sur les pentes du glacier Barry entre 2009 et 2015. © R. Tarr, M. Millet, J. Freymueller
Une vague de 30 mètres de haut
Les scientifiques ont observé l’évolution du glacier Barry entre 2009 et 2015. Durant ce court laps de temps, le glacier a doucement glissé vers le fjord Harriman. Il a parcouru plus de 180 mètres en 6 ans. Mais c’est toute la pente qui menace de s’effondrer. Les scientifiques estiment qu’un tremblement de terre, un été encore plus chaud ou un excédent de neige pourrait déstabiliser les millions de tonnes de roches et de glaces et les précipiter dans les eaux du fjord. En 1964, l’épicentre d’un tremblement de terre demagnitude 9,2 se situait dans la baie du Prince-William. VOIR AUSSINotre dossier sur les tsunamis
Selon leur estimation, une vague de plus de trente mètres de haut pourrait se former dans le fjord et déferler dans un rayon de 80 kilomètres. La zone comprend aussi Anchorage, la ville la plus peuplée de l’État. Les chercheurs sont incapables de dire quand cela est susceptible de se produire mais comme les régions nordiques, et donc l’Alaska, se réchauffent beaucoup plus vite que le reste de la Planète, le recul des glaciers et ses conséquences deviennent une préoccupation majeure.