Comment le prochain président américain peut influer sur la politique climatique internationale
Les Etats-Unis quittent l’Accord de Paris sur le climat ce 4 novembre, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle américaine. Une victoire de Joe Biden et les USA pourraient revenir dans l’Accord et s’engager dans la neutralité carbone.Gouvernance | 04 novembre 2020 | Rachida Boughriet | Actu-Environnement.com
© Andrea IzzottiLe programme du candidat démocrate Joe Biden présente des similitudes avec le Green deal européen, selon l’eurodéputé Pascal Canfin.
Ce mercredi 4 novembre, les Etats-Unis quittent officiellement l‘Accord de Paris sur le climatsigné fin 2015, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle américaine. Les deux candidats Donald Trump, le président républicain sortant, et Joe Biden, l’ex-vice-président démocrate, sont pour l’heure au coude-à-coude. Le vainqueur ne sera pas annoncé avant plusieurs heures, voire quelques jours. Parce que les deux candidats ont des positions radicalement différentes sur la politique du changement climatique, l’élection pourrait avoir d’importantes répercussions sur l’action climatique internationale.
Pour rappel, les États-Unis, qui pèsent près de 18 % des émissions mondiales de CO2, avaient ratifié l’Accord de Paris en septembre 2016, négocié sous la présidence de Barack Obama. En juin 2017, Donald Trump, climato-sceptique, avait annoncé son souhait de se désengager. Cette décision avait été notifiée le 4 août 2017 à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc) et avait fait l’objet d’une demande officielle de retrait, le 4 novembre 2019. Puis Donald Trump a dû attendre encore un an pour que les États-Unis sortent officiellement de l’Accord de Paris ce 4 novembre 2020. Date qui coïncide avec l’élection du prochain président pour les quatre ans à venir.
Si le démocrate Joe Biden l’emporte, ce dernier a annoncé son intention de revenir dans l’Accord de Paris, une fois investi à la Maison Blanche, le 20 janvier 2021. Ce qui signifie un retour américain au plus tôt un mois après, soit le 20 février 2021, à la table des négociations internationales sur le climat. Un retour qui pourrait être associé à une ambition renforcée au regard de ce que promet Joe Biden.
Des programmes climatiques opposés
Le candidat démocrate promet dans son programme qu’il « conduira un effort pour amener chaque grand pays à accroître l’ambition de ses objectifs climatiques nationaux. Il veillera à ce que ces engagements soient transparents et applicables ». Il prévoit pour cela de convoquer un sommet pour le climat réunissant les nations les plus polluantes de la planète dans les cent premiers jours de son mandat, dans le but de rehausser leurs engagements.Joe Biden conduira un effort pour amener chaque grand pays à accroître l’ambition de ses objectifs climatiques nationaux. Il veillera à ce que ces engagements soient transparents et applicables. Joe Biden
À l’inverse, Donald Trump, s’était félicité en novembre 2019 du retrait des USA de l’Accord de Paris jugé « horrible, coûteux (et) partial ». S’il reste le locataire de la Maison Blanche, ce dernier continuera à vanter les bienfaits de sa politique en matière d’écologie, après avoir mis fin à des réformes environnementales engagées par son prédécesseur. « Nous avons mis fin à la guerre contre le superbe charbon propre. J’ai abrogé le soi-disant propre « Clean Power Plan » et supprimé le moratoire fédéral d’Obama sur le charbon », avait alors déclaré Donald Trump, lors d’un meeting dans le Kentucky, le 4 novembre 2019.
En juin 2019, l’administration Trump avait assoupli la réglementation anti-pollution appliquée aux centrales à charbon américaines. Cependant, malgré la volonté de ce dernier de relancer l’industrie du charbon, cinquante centrales ont fermé sous son mandat fin 2019, tandis qu’une seule a ouvert en Alaska. Selon l’agence d’information sur l’énergie des États-Unis (EIA), la part de l’électricité produite à base de charbon est ainsi aujourd’hui tombée à 20 % dans le pays, contre 45 % il y a encore dix ans, au profit du gaz naturel dont l’utilisation a explosé, ainsi que des énergies renouvelables (éolien et solaire). Le gaz naturel compte pour plus d’un tiers de la production énergétique américaine avec l’essor de la fracturation hydraulique liée à l’exploitation du gaz de schiste. Et l’EIA prédit que le pétrole et le gaz de schiste fourniront encore la moitié des ressources énergétiques en 2050.
Joe Biden, quant à lui, a promis un plan climatique de 1 700 milliards de dollars au cours des dix prochaines années. Son plan est axé sur l’énergie propre, les emplois verts et avec un objectif d’électricité sans carbone d’ici 2035 et d’émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) nulles d’ici 2050. Le candidat démocrate a également promis de tenir tête aux pollueurs en interdisant les nouveaux forages pétroliers et gaziers sur les terres fédérales, et en exigeant des limites d’émissions de méthane pour les nouvelles opérations.
Les grandes puissances économiques engagées dans la neutralité carbone
Si les États-Unis, première puissance économique mondiale, reprenaient le leadership en matière de réduction des émissions de CO2, cela enverrait un signal fort à tous les pays encore indécis ou retardant leurs efforts au respect de l’Accord de Paris.
Certains pays, comme l’Australie, l’Arabie saoudite ou le Brésil, avaient profité de l’annonce du retrait américain de l’Accord de Paris pour revoir à la baisse leurs propres ambitions. D’autres, comme le Japon et la Corée de Sud viennent, en revanche, de s’engager à réduire à zéro leurs émissions de GES pour 2050, après la Chine pour 2060. L’Union européenne s’est aussi fixée un objectif de neutralité carbone d’ici 2050 et un objectif rehaussé pour 2030. « Les grandes économies avancées du monde n’ont pas attendu la résolution des incertitudes sur les élections américaines pour s’engager sur le chemin de la neutralité carbone », souligne Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) au journal La Croix.
Reste que la possible arrivée de Biden à la tête des États-Unis ouvre un certain espoir : « L‘accord de Paris a été écrit de façon à ce qu’Obama puisse le faire valider sans avoir à le faire ratifier par le Congrès », rappelle Pascal Canfin, député européen Renaissance et président de la commission Environnement du Parlement. Ce sera la même procédure pour Joe Biden. Le député observe aussi « de très fortes similitudes quand on regarde le Green deal européen et le programme de Biden ». Et d’ajouter : « Alors que dans la situation actuelle, il n’y a aucune coopération transatlantique sur le Green deal, on pourrait imaginer, si Joe Biden est élu, mettre en place cette coopération et unir nos forces pour aller encore plus vite dans la transition, sans ignorer les enjeux concurrentiels ».
Pascal Canfin estime également que le retour des USA dans l’Accord de Paris donnera à la Conférence de l’ONU sur le climat (COP 26) qui se tiendra l’année prochaine à Glasgow, « une énergie supplémentaire ». Et un « effet d’entraînement » des 27 États membres de l’UE qui négocient actuellement la loi climat européenne.
« Cette élection pourrait être un point décisif pour la politique climatique internationale », a également déclaré sur Twitter, Niklas Höhne, climatologue à l’Université de Wageningen aux Pays-Bas et membre du groupe Climate Action Tracker. « Le plan climatique de Biden pourrait à lui seul réduire l’augmentation des températures de l’ordre de 0,1°C. Chaque dixième de degré compte ».
Malgré la politique de Trump, les Etats-Unis avancent dans leurs objectifs climatiques
Le 12 décembre prochain, les 195 pays signataires de l’Accord doivent se réunir pour présenter leurs objectifs rehaussés nationaux de réduction des émissions (NDC) d’ici 2030. Si Joe Biden est élu, ce dernier pourrait faire « un geste politique auprès des Nations unies au moment du 12 décembre » pour marquer le retour à l’Accord de Paris, indique Pascal Canfin.
Si Donald Trump obtient un second mandat, la lutte contre le changement climatique passera par les États, les municipalités et les entreprises qui ont continué à mettre en œuvre les engagements pris par l’Accord de Paris sur le sol américain. Les initiatives des acteurs non étatiques pourraient permettre aux États-Unis de réduire leurs émissions de carbone de 37 % d’ici 2030 par rapport à 2005, avec ou sans l’aide de Washington, selon le rapport paru en septembre 2020 par l’initiative America’s Pledge. Lancée par l’ancien maire de New York Michael Boomberg, cette initiative publie des évaluations annuelles des mesures prises en dehors du gouvernement fédéral pour réduire les émissions.