L’accès à l’eau potable a-t-il progressé en Guadeloupe depuis le plan lancé en 2018 ?
Alors que la gestion de l’eau potable et de l’assainissement sera confiée fin 2021 à un syndicat unique, les financements manquent à l’appel pour mettre le réseau insulaire en état. Le point avec Ferdy Louisy, président du syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable et d’assainissement de l’île (Siaeag).
Il faut comprendre que l’on part de très loin, avec un taux de rendement du réseau de distribution de l’eau potable qui s’élève à 38%. C’est pourquoi nous avons été obligés de mettre en place, il y a deux ans, des tours d’eau. Ce mauvais état du réseau tient principalement à son manque d’entretien et à l’absence de réparations essentielles pendant des dizaines d’années, lorsque la gestion de l’eau revenait aux syndicats intercommunaux. Mais ce n’est pas la seule raison. Aucun inventaire précis du réseau n’a jamais été effectué. Les budgets des services de l’eau sont complètement exsangues et donc très insuffisants pour effectuer les investissements nécessaires. Enfin, l’organisation des compétences en matière d’eau, très segmentée, ne répondait à aucune logique ni hydraulique ni d’exploitation. Le réseau de distribution a été construit par petits bouts. Pour opérer les travaux nécessaires, il nous manque une compétence globale, au niveau du département, avec une autorité centralisatrice de pilotage.
Les travaux lancés en 2018 ont-ils permis quelques avancées ?
L’heure est au colmatage des fuites plutôt qu’à la modernisation en profondeur du réseau. C’est la conséquence du plan urgence eau qui a été lancé en mai 2020 par l’Etat et qui a déjà permis de colmater 2.500 fuites sur les 3.500 prioritaires. Ce plan doit bénéficier de 50 millions d’euros dans le cadre du plan de relance dont 10 millions pour 2020. Quant au programme d’actions prioritaires lancées le 1er février 2018, nous sommes à mi-chemin. Nous aurons terminé 28 des 38 actions à la fin de l’année. Les 10 dernières seront réalisées l’an prochain. Ce qui nous a déjà permis de réhabiliter quelques parties du réseau, de créer des unités de pompage et des réservoirs, notamment à Grande-Terre. Mais sans un grand programme de réparation, ces travaux sont insuffisants pour mettre fin aux tours d’eau comme l’a évalué une étude d’Irstea publiée en 2018[1]. Et les financements manquent à l’appel. Nous avons mobilisé un peu plus de 100 M€. Il en faut au moins 900 M€ pour une modernisation complète selon une évaluation de l’Etat faite en 2016.
La création d’un syndicat unique décidée par l’Etat vous paraît-elle adaptée ?
La mise en place d’une structure unique pour toute la Guadeloupe a l’avantage de permettre le transfert complet du personnel du Siaeg, qui sera dissout au 1er janvier, d’inclure autour de la même table les agglomérations, le département, la région et l’Etat et de bénéficier des fonds nationaux mobilisés dans le cadre du plan de relance, alors que le Siaeg doit faire face à 40 M€ de dettes, principalement à cause de factures d’eau impayées. La bonne nouvelle, c’est que 4 présidents d’agglomération sur 5 approuvent la création d’un syndicat mixte ouvert (SMO), qui nous permet d’élargir la gouvernance du syndicat et de bénéficier des aides de l’Etat contrairement à une société publique locale (SPL). Le département et la région aussi. L’Etat a décidé de forcer la main en créant le syndicat unique, par la loi, en septembre 2021. Il faut maintenant espérer que cette création, qui nécessite le vote d’une proposition ou d’un projet de loi, ne prenne pas 12 mois de retard.
Quelles seront les priorités de ce nouveau syndicat ?
En plus d’assurer le transfert du personnel et de mutualiser les opérateurs, il faudra identifier les territoires prioritaires en matière de travaux et assurer un prix unique de l’eau sur l’île. C’est un grand défi. Nous devrons aussi adapter la gouvernance de l’eau au changement climatique car nous observons des sécheresses récurrentes, entre mars et mai, depuis une dizaine d’années. Le barrage de Moreau, par exemple, qui sera bientôt livré, devra permettre de compenser les pertes liées à la baisse des débits des rivières. A l’origine, il était conçu pour les besoins de l’agriculture mais il permettra de sécuriser l’alimentation en eau potable des Guadeloupéens.
[1]http://www.guadeloupe.gouv.fr/content/download/15644/102330/file/ExpertiseGuadeloupe2018_RapportFinal_Irstea03.pdf
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