Ville durable: des nouveautés?
Un an après son lancement, Emmanuelle Wargon a présenté le 9 février 2021un premier bilan de la nouvelle feuille de route « Ville durable ». Elle a également annoncé la définition à l’été d’un nouveau référentiel du « logement de qualité » et la rédaction d’un « manifeste explicitant les fondamentaux de la ville de demain », qui se veulent une réponse à la demande forte des Français, exprimée suite à la crise sanitaire, d’un modèle d’aménagement « souvent incompatible » avec l’objectif d’une ville « plus compacte ».
Ministère chargé du logement
La ministre déléguée au Logement a dressé ce 9 février un premier bilan des dix mesures de la feuille de route vers « la ville de demain » présentée l’an passé, dix ans après le lancement du plan Ville durable – visant une ville « sobre, résiliente, inclusive et productive ». Une feuille de route dont le terme n’a pas été précisément fixé, confirmant que l’innovation est un voyage, non une destination, et qu’il ne fait que commencer.
Travail en cours
Plusieurs objectifs sont néanmoins d’ores et déjà atteints (certains l’étaient d’emblée), comme le lancement en octobre dernier d’une « place de l’innovation urbaine » (voir également sur ce sujet le programme smart city de la Banque des Territoires), la refonte en mai dernier de la plateforme Aides territoires, mise en place il y a deux ans grâce à l’appui de la Banque des Territoires, qui recense les aides financières et en ingénierie disponibles pour financer les projets des collectivités locales, ou encore le lancement par l’Ademe « d’une expérimentation de 22 quartiers à énergie positive et à faible impact carbone » (l’appel à manifestation d’intérêt avait été lancé en mars 2019).
D’autres sont en bonne voie, notamment si l’on tient compte de l’impact Covid. Ainsi, 27 premiers lauréats de l’opération « 100 quartiers fertiles » ont été désignés en décembre dernier (l’objectif était de 30 avant l’été) et plus de 60 candidatures ont à nouveau été déposées en novembre lors de la seconde vague ; les lauréats doivent être annoncés « prochainement ». Par ailleurs, dans le cadre du dispositif « Ateliers des territoires », 108 ateliers locaux et 15 « ateliers flash » ont été réalisés sur l’exercice 2019-2020 (l’objectif était d’en créer 50 nouveaux en 2020, alors que 78 sites avaient été accompagnés en douze ans). S’agissant de l’unification des démarches de ville durable dans le label écoquartiers, le ministère se prévaut de la réalisation de « guides » qui ont été utilisés sur plusieurs appels à projets « emblématiques », comme celui du fonds friches.
D’autres enfin devraient prendre véritablement leur envol ces prochains mois, à l’image de l’association France ville durable – issue de la fusion de l’Institut de la ville durable et du réseau Vivapolis –, dont le réseau compte désormais 60 adhérents. Parmi les actions qu’elle doit mettre en œuvre, le déploiement, en lien avec la Fédération nationale des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (FNCAUE) et la Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU), d’un « réseau territorial apprenant », visant à fédérer l’ensemble des réseaux et collectifs existants, et un nouveau site portail, centre de ressources pour les acteurs locaux (supports de formations, supports de marché, veille technique et juridique, etc.).
De même, la démarche visant à « structurer une filière d’excellence de la ville durable » – autour de la nouvelle université Gustave-Eiffel, officiellement lancée le 28 janvier 2020 à Marne-La-Vallée avec le regroupement de six établissements – démarrera cette année, grâce au 4e programme d’investissement d’avenir. Un programme qui prévoit notamment une « stratégie d’accélération en faveur des villes et bâtiments durables », au sein de laquelle sera notamment développé un programme « Démonstrateurs territoriaux de la ville durable » opéré par la Banque des Territoires.
Sont également attendus – pour 2022 cette fois -, les résultats de la démarche d’exemplarité environnementale (20% de terres excavées réemployées, valorisation de 30% de déchets de chantier, déploiement de quartiers E+C-, 50% des opérations intégrant des matériaux biosourcés ou géosourcés et 20% de la surface totale de l’opération favorable à la biodiversité) formalisée par les 14 établissements publics d’aménagement sous la tutelle du ministère.
Enfin, sur le plan international, le ministère relève que la France a adopté, en lien avec les ministres européens, deux documents à destination des villes et régions européennes : la nouvelle charte de Leipzig d’une part, l’agenda territorial 2030 d’autre part.
28 nouveaux écoquartiers labellisés
La ministre a également profité de l’occasion pour saluer le succès remporté par la 8e campagne de labellisation des Ecoquartiers, avec 49 candidatures, dont 14 en étape projet, 29 en étape chantier et 6 en étape livraison. Au terme de la procédure, la commission nationale Écoquartier – qui sera désormais présidée par Florian Bercault, maire de Laval – a retenu, outre les 14 de l’étape 1, 28 lauréats (22 en étape 2 et 5 en étape 3), dont deux tiers en renouvellement urbain et deux tiers en ville moyenne ou rurale.
Quand les aspirations des Français compliquent la donne
Alors que la transition vers un aménagement urbain durable a commencé son périple, la crise sanitaire est venue lui mettre quelques bâtons dans les roues. Emmanuelle Wargon relève en effet qu’elle « a fait émerger une demande forte pour des logements […] suffisamment grands, avec un espace extérieur directement accessible et si possible végétalisé ». Dit autrement, « une forme de rejet de l’habitat collectif dense avec, comme corollaire, un désir à [sic] la maison individuelle avec jardin ». Un modèle qu’elle juge « souvent incompatible avec la lutte contre l’artificialisation des sols, la recherche d’un aménagement bas-carbone et la conception de lieux qui favorisent le vivre-ensemble », qui sont autant de caractéristiques de la ville « sobre, résiliente, inclusive et productive » que le projet Ville durable cherche à mettre en œuvre. D’où selon elle la nécessité de réaffirmer « les principes simples qui fondent un aménagement sobre et humaniste ». À cette fin, elle a annoncé, d’une part, la définition « avant l’été » d’un nouveau référentiel du « logement de qualité », mission qui a été confiée à l’architecte François Leclercq et au directeur d’EpaMarne, Laurent Girometti, et, d’autre part, la rédaction d’un « manifeste explicitant les fondamentaux de la ville de demain », qui a été attribuée conjointement à France ville durable et au ministère, en précisant que les Français seront consultés « sur cette vision ».
Restera à vérifier si ces éléments seront suffisants pour « dépasser la contradiction » pointée entre l’aspiration aux grands espaces et celle à une ville « sobre, résiliente, inclusive et productive ». Des qualités qui, en outre, ne sont pas sans entrer en conflit les unes avec les autres, comme en témoigne un contentieux de plus en plus nourri (pour un exemple, voir l’écoquartier des Vaîtes de Besançon). Après l’économie circulaire, la quadrature du cercle ?