A l’heure où les actions juridiques pour inaction climatique se multiplient en France et ailleurs, l’Etat a récemment donné son feu vert au démarrage des travaux pour le projet de centrale au fioul d’EDF sur le site du Larivot, en Guyane. Un nouveau projet nuisible et risqué (classé SEVESO), fort émetteur de gaz à effet de serre, imposé malgré des avis défavorables nombreux, situé en zone forestière et inondable, nécessitant la construction d’un oléoduc de 14km… Face à l’incohérence des discours climatiques du gouvernement, Guyane Nature Environnement et France Nature Environnement déposent plusieurs recours devant le tribunal administratif de Cayenne.
Même repeint en vert, un projet toujours aussi climaticide
Alors que le gouvernement a annoncé la fin des chaudières au fioul en 2022 pour les particuliers, le projet d’EDF consiste à faire fonctionner une centrale au fioul émettant plus de 455 000 tonnes de CO2 par an : c’est l’équivalent de 455 000 allers-retours Paris-New York en avion. Cette construction est envisagée sur un site exposé au risque de submersion marine, dans une zone de forêts marécageuses et de mangroves qui abrite des espèces protégées1. Enfin, il est prévu d’y construire un oléoduc de 14 km traversant trois communes en zone urbanisée et à proximité immédiate de zones humides. Sur ce type d’infrastructure, le risque de fuites d’hydrocarbures est sérieux.
Malgré l’impact climatique et environnemental indéniable de cette centrale, la Préfecture de Guyane a accordé fin 2020 le permis de construire, l’autorisation environnementale ainsi que les autorisations administratives de l’oléoduc. La Commission de Régulation de l’Energie a par la suite pris une délibération tarifaire curieusement avantageuse pour l’énergéticien. Et ce en un temps record, alors que d’autres projets d’énergies renouvelables, plus anciens, n’ont toujours pas obtenu de feu vert.
Pour faire passer la pilule, le Ministère de la Transition Ecologique parle d’une conversion prochaine à la biomasse liquide (type huile de colza). A ce stade, seule une étude de faisabilité sur cette conversion a été demandée à EDF, sans aucune autre garantie. Guyane Nature Environnement et France Nature Environnement sont dubitatives : sans déroger au droit communautaire, la biomasse liquide ne pourrait qu’être importée, et on connaît déjà les limites de la production d’agrocarburants en métropole… Et sur le papier, il est bien question de démarrer cette centrale au fioul. Encore de fausses annonces pour dissimuler le refus de réduire nos émissions de gaz à effet de serre ?
La Guyane a le potentiel pour devenir le premier territoire autonome en énergie décarbonée
L’objectif de ce projet est de remplacer une centrale obsolète mise en service en 1982. « Pourquoi faire le choix d’un schéma fossile conventionnel, conditionné aux importations ? Déjà bien dotée en énergie renouvelable, la Guyane pourrait pourtant prendre le chemin de l’autonomie énergétique à moindre coût, tout en créant des emplois d’avenir ! réagit Rémi Girault, président de Guyane Nature Environnement. La Guyane aurait pu être le premier territoire totalement autonome en énergie décarbonée, au lieu de cela, elle voit construire sur son terrain la dernière méga-centrale thermique de France ».
L’hydroélectricité, le solaire ou encore la biomasse sont déjà bien développées sur le territoire guyanais. La Loi sur la Transition Énergétique et la Programmation Pluriannuelle de l’Energie prévoient d’ailleurs d’atteindre l’autonomie énergétique du territoire dès 2030 en développant ces énergies. Un scénario tangible de production d’électricité 100% renouvelable produite localement en Guyane moyennant des ajustements techniques est possible, tout en permettant de répondre au besoin en énergie d’une population grandissante comme le confirment des organismes tels que l’ADEME. Mais la volonté politique manque.
Condamné pour inaction climatique, l’Etat persiste : ne laissons pas faire
Afin de stopper ce projet climaticide, les associations France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement ont décidé d’attaquer en justice les différentes autorisations devant le Tribunal administratif de Cayenne, notamment en raison des atteintes aux milieux naturels et zones humides (24 hectares de zone naturelle défrichés, destruction de mangroves et d’espèces protégées), des risques d’inondation et de submersion, d’une étude des dangers insuffisante, du non-respect des règles de protection du littoral. « L’Etat vient d’être condamné pour inaction climatique mais ne semble pas remettre en question ce projet climaticide : c’est insensé ! », conclut Rémi Girault.
1 Le site abrite une biodiversité remarquable, dont de nombreuses espèces et habitats d’espèces patrimoniales et/ou protégées : Milan à long bec, Toucan toco, Loutre à longue queue…
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