Enfin, un nouveau plan protéine inspiré des savoirs faire européens
Il semblerait que quelques repères bougent. Au nom de l’agriculture durable, la France regonfle son plan protéine végétale. Déjà Stephane Le Foll avait lancé la version 2014/2020. Mais les résultats scientifiques sur les conséquences de la déforestation au profit de l’élevage et de la culture du soja s’accumulent , des voix proposent d’enrayer la désertification des sols, le déséquilibre commercial avec les États-Unis, la dépendance en protéines végétales des élevages français, et la baisse de revenus des agriculteurs ; Dans le cadre des cantines, on prône un menu végétarien par semaine et la consommation de viande est mise en cause par les lanceurs d’alerte climatique.
Le nouveau plan qui vient d’être lancé, vise à réduire la dépendance de la France aux importations de protéines végétales des pays tiers, à permettre aux éleveurs d’améliorer leur autonomie pour l’alimentation de leurs animaux, et à encourager les Français à augmenter leur consommation de protéines végétales, pour répondre aux nouvelles recommandations nutritionnelles . Le Ministère de l’agriculture a été pris de cours . Près de 15.000 dossiers ont été déposés et une nouvelle enveloppe débloquée. » Mais tant que les produits comme le soja ne seront pas taxés , les agriculteurs ne s’y retrouveront pas » revendique la Coordination Rurale. La solution sera peut être dans les cartons du GIEC ?
Il est un personnage qui n’a jamais baissé sa garde en la matière, il s’agit de Philippe Desbrosses.
Dès les années 80 , encore jeune agriculteur, il défend son plan lupin, contre la filière toute puissante du soja américain qui émerge. Artisan de la reconnaissance officielle de l’agriculture bio et de la sauvegarde des semences de légumes anciens dont il a fait un conservatoire dans sa ferme de Sainte-Marthe à Millançay (Loir-et-Cher), il a décidé de se lancer dans cet ultime défi : contribuer à bouter hors d’Europe les tourteaux de soja importés au profit des cultures de lupin, une plante parée selon lui de toutes les vertus que réclame le développement d’une agriculture durable. Dans l’Europe du Moyen âge, les lupins blancs, jaunes et pileux étaient toujours cultivés pour l’alimentation et comme engrais vert. Cette tradition survit encore en Italie, au Portugal et en Afrique du Nord . Le lupin est une merveilleuse légumineuse aux multiples espèces (plus de 450) dont certaines sont plus riches en protéines que le soja (45% contre 35%). De plus, cette plante régénère les sols pauvres par sa grande faculté de synthétiser l’azote de l’air.
Comme aujourd’hui, le President de la République en l’occurrence à cette époque François Mitterrand, se lance et lui écrit « Le développement des différentes formes d’élevage moderne a provoqué depuis plusieurs années une forte dépendance de notre pays à l’égard des grands pays producteurs de protéines végétales. Mais vous avez démontré, avec vos collègues producteurs de colza ou de tournesol, que cette dépendance pouvait être progressivement réduite. C’est pourquoi j’ai tenu à souligner à plusieurs reprises l’importance des résultats déjà obtenus et la nécessité de poursuivre l’effort avec détermination. » Le message lui semble clair, le lupin sera soutenu par le gouvernement français face au soja importé, y compris au niveau de l’Europe. Las ! Quand en Mars 1983, je participe à l’écriture du 6° dossier du canard Enchainé « »les dessous de la table, le grand business alimentaire » le soja semble gagner la partie contre le plan lupin. « « Le lobby du soja était trop puissant, admet aujourd’hui Philippe Desbrosses, les intérêts étaient ceux de grandes multinationales que l’Europe ne pouvait pas affronter. Encore moins dans un contexte où les États-Unis étaient aussi le plus puissant soutien de la République fédérale d’Allemagne… » Et puis le lupin semé avait été du lupin jaune amer qui contient de la lupuline, alcaloïde plus ou moins toxique pour les consommateurs, qu’ils soient bipèdes ou quadrupèdes .
Le temps de trouver une solution , Desbrosses a nourri ses terres en engrais vert et il plante désormais du lupin jaune exempt d’alacaloïdes. Mais lorsque l’on réalise que le lupin, non seulement, pourrait diminuer nos importations de protéagineux, barrant la route au soja américain dans l’alimentation du bétail en particulier, compliquée par la nouvelle guerre des OGM, mais pourrait aussi diminuer notre consommation agricole en engrais chimiques et en produits phytosanitaires, on comprend aisément les barrages mis en place depuis 30 ans face à cette opportunité. Pour inverser la situation et retrouver l’autonomie protéique il faudra encore du temps et les nouvelles initiatives en terme d’aquaculture ou d’elevage d’insectes méritent d’être prises en compte.
Dominique Martin Ferrari