exploitation des grands fonds marins , comment est ce déjà possible, alors que le code minier est encore attendu

Publié le 03/06/2021 17:01 | Mis à jour le 03/06/2021 21:24 LE MARIN (abonné) Carole LANZI

Alors que des industriels et États se préparent à une éventuelle exploitation des ressources minérales des grands fonds marins, plusieurs ONG, inquiètes, montent au front.

C’est une avancée notable pour le deep sea mining (exploitation minière en haute mer) : le robot Patania II de GSR (Global sea mineral resources), filiale de Deme dans le secteur, a réalisé en avril une première en extrayant des nodules polymétalliques par 4 500 mètres d’eau, dans le Pacifique. Cette campagne, qui devait s’achever le 17 mai, est menée en association avec le projet scientifique MiningImpact, qui réunit 29 instituts européens, dont l’Ifremer.

Elle vise en particulier à « évaluer l’impact du nuage de sédiments créé lors de la collecte des nodules, mal connu. Selon les modèles, ce nuage pourrait multiplier par deux à cinq la surface directement impactée », explique Lénaick Menot, cadre de recherche à l’Ifremer, institut qui apporte pour le projet ses compétences sur deux catégories de vers marins (les nématodes et les polychètes).

Inquiètes de l’impact potentiel du deep sea mining sur l’environnement, les ONG montent au front. Greenpeace s’est opposé à la campagne menée avec le Patania II. Elle fait aussi partie, aux côtés du WWF, des six ONG ayant appelé la Norvège, en avril, à mettre fin au processus qu’elle a entamé cette année pour ouvrir ses eaux au deep sea mining et, peut-être, octroyer des licences dès 2023.

Le WWF a par ailleurs appelé à un moratoire sur l’exploitation minière en haute mer auquel BMW, Volvo, Samsung et Google ont apporté leur soutien en mars.

Des acteurs en plein développement

Parallèlement, des acteurs du deep sea mining sont en plein développement. Green minerals, une filiale du spécialiste de la sismique Seabird exploration, est coté depuis mars à Oslo. Objectifs : développer un système d’exploitation minière en environnements difficiles, destiné en particulier à la Norvège, et débuter une production pilote en 2026.

De même, The metals co, né cette année de la fusion entre Deepgreen metals (qui compte Maersk supply service et Allseas parmi ses partenaires) et Sustainable opportunities acquisition corp, sera introduit en Bourse, à New York. Il envisagerait d’affréter des vraquiers transformés et de construire ou convertir une flotte.

De toutes petites entreprises planchent aussi sur le deep sea mining, à l’instar du français LWNC (Loctudy world nodules co) de l’ancien pêcheur Stéphane Pochic. LWNC met au point une drague qui, inspirée des engins de pêche de la coquille Saint-Jacques, permettrait d’exploiter des nodules polymétalliques.

LA FRANCE SERA-T-ELLE AU RENDEZ-VOUS ?

Le CMF est favorable à un moratoire conditionnel sur l’exploitation des ressources minérales des grands fonds marins (ici, des nodules polymétalliques, concrétions rocheuses riches en nickel, cobalt, manganèse et cuivre). (Photo : Deme)

En début d’année, le Cimer (Comité interministériel de la mer) a annoncé vouloir relancer la stratégie nationale d’exploitation minière en haute mer.« Pendant cinq ans, il n’y a eu aucune avancée dans cette stratégie », regrette Francis Vallat, le président du groupe de travail grands fonds marins du Cluster maritime français (CMF) qui compte, parmis ses membres, Total, Technip énergies, TechnipFMC, Abyssa, Bourbon, LDA, Eca, Centrale Nantes, le Gican ou encore Naval group. 

« Après le Cimer de janvier, poursuit-il, il est indispensable que des décisions soient prises dans les tout prochains mois, sans quoi nous ne croirons plus à la possibilité pour la France de se placer à l’avant-garde de cette nouvelle filière industrielle. » Pour ce qui est de l’identification des zones propices, Alexandre Luczkiewicz, le rapporteur du groupe de travail, ne pense pas que la France soit en retard. « Elle dispose de deux permis octroyés par l’Autorité internationale des fonds marins, dont l’un devrait être renouvelé cette année. Mais en matière de programme de recherche et industriel, elle prend un retard très inquiétant. »

Face aux inquiétudes des ONG, le CMF se dit « favorable à un moratoire conditionnel sur la production, précisant qu’aucune exploitation ne sera menée à moins d’avoir démontré qu’elle peut se faire dans le respect de l’environnement ».

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