CORAIL, ça bouge…. Mais au delà des réussites locales, l’exctinction se poursuit
La France est très bien placée pour l’état de ses recherches sur le corail . Par trois fois déjà elle a présidé l’ICCRI (International coral reef initiative), qui compte dans ses rangs l’Ifrecor, et veille à la bonne santé des récifs. Cette organisation a été créée en 1992, sous l’impulsion d’Al Gore, ex-vice-Président américain, qui était passionné des récifs.
La France doit aussi cette avance à sa position de 2° espace maritime mondial , aux territoires d’outremers qui donnent à l’hexagone une visibilité sur les trois océans mais surtout à ses instituts de recherches. L’un d’eux le CRIOBE entre Moorea et Perpignan a longtemps conduit avec l’Australie l’excellence de la recherche et fête cette année les 50 ans de sa création. En lien avec l’EPHE (école pour les hautes études) et le CNRS elle est sur tous les fronts qui comptent aujourd’hui (climat/biodiversité/santé) pour maintenir une place d’honneur à la recherche corallienne.
Un groupe d’experts internationaux co-animé par Jean-Pierre Gattuso, océanographe au CNRS, a établi dans la revue Biological Conservation les conditions nécessaires à la survie des récifs coralliens. Les scientifiques ont modélisé l’évolution future des récifs selon deux scénarios d’émissions de CO2 : le pire et l’un de ceux compatibles avec l’Accord de Paris. Le premier cas conduirait à la quasi-disparition des récifs coralliens d’ici 30 à 50 ans alors que le second laisserait le temps à certains coraux de s’adapter. Parmi 16 approches proposées dans la littérature scientifique pour limiter le déclin des récifs, une transition énergétique massive est déterminante et constitue le seul levier d’action envisageable à l’échelle mondiale. D’autres actions à l’échelle régionale ou locale (aires marines protégées, sélection des souches les plus adaptées aux nouvelles conditions), peuvent augmenter la capacité d’adaptation des coraux. Pour les auteurs, sauver les récifs coralliens nécessite donc un engagement politique d’envergure internationale similaire à ceux déployés pour lutter contre certaines maladies.
Car à échelle planétaire les clignotants sont au rouge , plus de 25% des coraux ont blanchi ou sont morts du fait de l’acidité des océans et du réchauffement des eaux . Une certitude est acquise : le corail peut se restaurer. Si on lui en laisse le temps ! Il a une forte résilience, à condition que les vagues de chaleur ne se succèdent pas trop rapidement. Les épisodes de blanchissement espacés de plusieurs années à Tahiti ont toujours été suivis d’une résilience de l’écosystème. L’identification des expériences négatives devient nécessaire pour passer à une dimension globale de la résilience et ces dernières années, outre l’analyse des effets du changement climatique, la génétique a progressé.
Désordonnées, reposant sur de bonnes volontés ou sur une série d’initiatives, les approches locales de replantation ont permis d’avancer dans la connaissance des espèces. Ces initiatives ont permis de trouver des espèces plus résistantes que d’autres, et de restaurer partiellement et localement quelques récifs. Mais on a constaté qu’une replantation de corail mono spécifique entrainait une immense fragilité de l’ensemble de l’eco système.
La recherche des éco systèmes favorables devient donc indispensable.
Au delà de l’espèce, une nouvelle étape devrait permettre de définir les zones sources de larves, d’identifier celles où des parents plus résistants sont connectés, ou encore les zones refuges plus protégées ou plus profondes ; des zones encore souvent inconnues des chercheurs spécialisés, car encore jamais inventoriées mais pour lesquelles les données satellites qui déterminent les anomalies de températures deviennent précieuses. Sur 300.000 km2, avec l’outre mer , la France aligne des milliers de kilomètres de linéaire et tous les types de récifs. Globalement aux Antilles, en zone française, la dégradation semble stabilisée après que le blanchissement soit passé de 30 à 50% . Dans l’Océan indien, à la Réunion , à Mayotte, l’ensemble est assez dévasté avec de grosses différences régionales . Enfin le Pacifique retrouve un état globalement stable.
Au Grand Port maritime de Pointe à Pitre en Guadeloupe, sous la Direction de Marie Josée Tramis, il faut faire face aux destructions pour agrandir le port. Sur l’emprise des travaux ont été prélevées plusieurs espèces de coraux pour être transplantées.
Les recherches portent sur 57 espèces emblématiques, mais le réchauffement progressif des eaux ne facilite pas la reprise. Les transplantations n’ont pas encore eu lieu. Le projet se révèle très couteux et serait pour l’instant stoppé pour raison administrative (voir encadré page suivante)
A Mooréa, en Polynésie, depuis avril 2018, une subvention a été accordée à l’ EPHE (l’école pratique des Hautes études) pour le financement d’une station d’écologie expérimentale sur le terrain. Une barge plateforme de travail pour tous les scientifiques locaux et les visiteurs servira de laboratoire de recherche. A ce jour, il n’existe que cinq stations de ce type au niveau national et celle de Moorea sera la première entièrement dédiée au développement de la recherche expérimentale sur les récifs coralliens
Retrouver le rôle du corail dans la construction d’infrastructures solides appelées à durer intéresse les assurances. Des entreprises et aquariums s’y emploient
Sur le continent européen dans la principauté de Monaco, grâce à la cryoconservation, le travail sur les banques de souches se poursuit.
Tous ces succés reposent sur des hommes extraordinaires. Parmi eux nous avons pu connaitre Bernard Salvat «
« Amis, il me revient de contrecarrer votre optimisme ce qui n’est pas mon fait habituellement : on a trop tendance a oublier le facteur essentiel des dégâts : la pression démographique qui s’accentue continuellement. Effectivement en 2008 nous parlions de 20% de disparition par rapport à 1950 . A cette époque cette destruction était due uniquement aux hommes. Aux vues des explosions démographiques, elle ne diminuera pas, et progressera quoiqu’il arrive. Pour augmenter la résilience face aux changements climatique nous avons considérablement avancé . Au delà des constats et des craintes nous envisageons des solutions impensables encore il y a trois ans, on n’aurait jamais parlé d’un conservatoire des coraux. La question des manipulations génétiques offre aussi de nouvelles ouvertures. Un foisonnement d’idées, de recherches se profilent en partenariat de celles de la protection.(…) L’acidification est grave , elle concerne tous les organismes à squelette calcaire, elle mettra du temps à opérer. Le problème le plus immédiat est celui de l’élévation permanente des températures quel que soit le scenario A échelle géologique le corail s’en remettra, mais l’homme ne sera plus là….. Au cours d’une carrière on produit beaucoup de travaux sur lesquels, à un certain âge, on peut porter un regard critique. Je ne crois pas être un mauvais chercheur. Quand je relis mes travaux, ils étaient sincères. Certes certains frisaient le catastrophisme, et certaines prédictions ne se sont pas réalisés. A cette époque on connaissait peu le monde des zooxantelles (algue vivant en symbiose avec le corail). Depuis dix ans des progrès gigantesques ont été faits en génétique et nous découvrons des interactions mille fois plus complexes que celles imaginées alors. C’est la preuve qu’il faut prendre les paroles scientifiques avec humilité. La nature est autrement plus compliquée que nous ne le croyons surtout quand il s’agit de l’étude d’un éco système. Il n’est donc pas anormal que des travaux scientifiques puissent être analysés avec un regard historique et de la sagesse…..Je constate aujourd’hui qu’il y a une régionalisation des dégradations, liée à des causes différentes. Ainsi, un rapport fait état pour le Pacifique d’une stabilité de la couverture corallienne en dehors de la Grande Barrière. Certaines espèces diminuent, d’autres prennent le dessus. On ne peut pas préjuger de ce que seront les connaissances dans 10/20/30 ans et qu’elles seront alors les technologies à notre disposition. Nous vivons une accélération du progrès des connaissances, les chercheurs se multiplient : en 1967 ils étaient une cinquantaine et au dernier congrès, ils étaient 2500 ! Ce qui compte, ce sont les scénarios d’action, l’imagination. Nos connaissances permettront peut être de résoudre les questions que nous nous posons aujourd’hui. Les chercheurs sont témoins de choses gigantesques, mais ils s’adressent beaucoup aux medias et aux administrations, ils n’ont pas assez agi auprès des politiques, et les élus d’outre mer ne défendent pas assez ce qui fait leur avenir. Ils ne forment pas un grand groupe pour sauvegarder et protéger leur milieu naturel. Or les commissions parlementaires ne suffisent pas. Il faut continuer à faire pression sur eux. La France a une responsabilité très importante notamment sur les îles basses. – »
D Martin Ferrari (Nous avons pu tourner avec lui ce film: https://www.dailymotion.com/video/x5v6qc9 )