L’hydrolienne « Ouessant passage du Fromveur » à nouveau efficiente
Aprés une première rupture l’hydrolienne de Sabella est à nouveau en place dans le passage de Fromveur et fourni un peu d’électricité. Il a fallu nombre d’experiences en labo pour y parvenir
Un laboratoire de l’Institut Carnot MERS appartenant à l’Ifremer a réalisé un essai de rupture sur une pale d’hydrolienne grandeur nature, sous un poids de plus de 16 tonnes. L’objectif était de caractériser sa résistance, un enjeu important pour réduire les coûts de fabrication dans la perspective d’une industrialisation de la filière. L’expérimentation s’inscrit dans le cadre du projet de recherche RealTide qui vise à améliorer significativement la performance, la fiabilité et la disponibilité des hydroliennes.
C’est une pale de 5 m de long, ayant la forme d’une aile d’avion. Elle est solidement arrimée dans une cage métallique, conçue au Laboratoire comportement des structures en mer (LCSM) de l’Ifremer et fabriquée spécifiquement pour cet essai. La pale est boulonnée à une plaque en acier pesant plus de 6 tonnes. Objectif : la pousser à la rupture, en lui appliquant une force pouvant atteindre 60 tonnes, soit l’équivalent du poids de 60 voitures.
Cette pale en composite à fibre de carbone a été conçue par l’entreprise Sabella, PME quimpéroise spécialisée dans la production d’énergie hydrolienne. De quoi s’agit-il ? De plonger au fond de l’eau des sortes d’éoliennes utilisant la force des courants. Sabella a déjà installé et testé une hydrolienne dans le passage du Fromveur, zone de forts courants à proximité de l’île d’Ouessant.
Pourquoi tester aujourd’hui la résistance de ces pales ? Car les courants marins les soumettent à rude épreuve. Dans le Fromveur par exemple, les courants moyens appliquent une force équivalente à 10 T. Et les efforts peuvent monter au-delà de 15 T en conditions extrêmes.
Par précaution, les fabricants surdimensionnent les pales. En connaissant mieux les efforts et la réponse des matériaux, la quantité de composite pourrait être optimisée. Un enjeu important pour réduire les coûts de fabrication dans la perspective d’une industrialisation de la filière hydrolienne.
« C’est la première fois que des essais de rupture sont menés sur ce type de pale. Ces tests grandeur nature sont essentiels pour valider les outils de calcul numérique et d’optimisation. On peut ensuite réduire le dimensionnement ou modifier les matériaux utilisés, grâce aux modèles numériques »
Peter Davies, chercheur au LCSM à l’Ifremer
Tordue, étirée, comprimée, cette pale est truffée de capteurs. Elle est par exemple traversée par des fibres optiques, implantées pendant la fabrication, qui permettent de mesurer les déformations sur des centaines de points avec une haute précision. Des capteurs acoustiques détectent les moindres craquements du matériau.
Les essais débutés en décembre se sont conclus le 14 janvier. Suite à une vingtaine de séries d’essais, l’aile a cassé sous un poids de plus de 16 tonnes. « Notre système expérimental a fait ses preuves, se réjouit Peter Davies. L’analyse des enregistrements des capteurs et des films vidéo a permis de comprendre la séquence d’endommagement menant à la rupture. » Une 2e série de tests est prévue au printemps, avec une conception de pale améliorée pour monter en charge.
Rupture de la pale d’hydrolienne en composite sous un poids de plus de 16 tonnes lors des tests.© Ifremer/Stéphane LESBATS
L’étude est menée dans le cadre du projet de recherche H2020 RealTide coordonné par le Bureau Veritas (partenaires Sabella, Ifremer, Université d’Edimbourg, EnerOcean, Ingeteam, 1-Tech). Il vise à améliorer significativement la performance, la fiabilité et la disponibilité des hydroliennes. Initié en 2018, il s’achèvera en septembre 2021.
Outre la résistance de la pale, l’Ifremer a contribué à des essais de vieillissement des matériaux. La question du recyclage des pales en fin de vie n’est pas résolue actuellement, des composites à matrices recyclables, en polyamide et polypropylène, ont donc été testées pour remplacer l’epoxy. Des essais ont également été réalisés sur des composites à renfort en fibres de lin, afin de réduire l’impact environnemental. Les essais ont consisté à immerger des centaines d’échantillons de ces matériaux dans des bacs d’eau de mer à différentes températures pour accélérer leur dégradation, suivi d’essais mécaniques. Premiers résultats : les fibres de lin offrent de bonnes perspectives, mais nécessiteront des couches plus épaisses. Avec à la clé un compromis à trouver entre la performance recherchée et l’impact environnemental.
Enfin, le bassin à houle et à courant de l’Ifremer à Boulogne-sur-Mer a été mis à contribution pour RealTide en juin 2020 afin de tester des maquettes d’hydroliennes avec un nombre de pales réduit à 3 au lieu de 5.Ces essais ont permis de mesurer les performances de l’hydrolienne mais également les efforts exercés sur les pales. Le rotor optimisé a ainsi fait ses preuves, avec de ce côté également des perspectives de gain de coût de fabrication.