covid 19: fractures et disparités des campagnes de vaccination
Infographies Covid-19 en France : fractures géographiques, disparités sociales… Visualisez les inégalités de la campagne de vaccination
Des données publiées par l’Assurance maladie permettent d’analyser l’évolution de la vaccination contre le Covid-19 en France. Cartes et graphiques à l’appui, de fortes différences se dessinent, entre le Nord et le Sud ou entre les communes riches et pauvres.
Article rédigé par Noé Bauduin – Brice Le Borgne Publié le 03/08/2021 07:59 Mis à jour le 03/08/2021 15:41
Sept mois après le début de la campagne de vaccination, plus de 50% des Français ont un schéma vaccinal complet, a annoncé le ministère de la Santé le 27 juillet. Mais derrière ces 34 millions de personnes totalement vaccinées se cachent de nombreuses disparités.
A l’aide de données nouvellement publiées par l’Assurance maladie à l’échelle des régions, intercommunalités et communes, franceinfo brosse le tableau des inégalités géographiques et sociales qui fracturent une campagne de vaccination pourtant stratégique.
Un fort clivage Nord-Sud
Au niveau national, la carte de la vaccination par intercommunalités laisse clairement apparaitre une différence Nord-Sud. En particulier, les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie sont bien moins vaccinées que le reste du territoire hexagonal. La communauté de communes des Cévennes au mont Lozère et celle de Haute Provence-Pays de Banon sont celles qui accusent le plus de retard, avec un écart de -32% et -30% par rapport à la moyenne nationale, selon un indicateur lissant les biais liés à la structure d’âge de chaque intercommunalité, élaboré par franceinfo . A l’inverse, les habitants du nord de la France sont plus en avance, notamment dans l’intercommunalité du Touquet, championne de France de la vaccination selon notre indicateur.
Cette réticence à la vaccination dans le Sud-Est n’est pas nouvelle, explique Lucie Guimier, autrice d’une thèse sur la géopolitique de la résistance aux vaccins. Et d’évoquer le rôle prépondérant des médecins dans l’avis que se font les habitants envers les vaccins. « Il y a des baromètres santé qui ont plus de dix ans et qui montraient déjà que les médecins du Sud-Est étaient plus réticents à la vaccination », détaille-t-elle.
Pour elle, l’idéologie politique joue aussi un rôle important. « Dans le Sud-Est, on a un vote écologiste et RN très fort, deux spectres politiques historiquement pourvoyeurs d’antivax en France, avec d’un côté des environnementalistes et de l’autre des électeurs frontistes. Cet électorat Rassemblement national en Paca est largement composé de professions libérales, chez qui la question de la liberté individuelle, notamment en termes de santé, est très prégnante. »
Enfin, Lucie Guimier souligne le rôle de l’identité territoriale dans la méfiance à l’égard de ce qui est imposé de l’extérieur, comme dans la région ardéchoise ou dans les Cévennes, où la chercheuse a constaté une résistance historique aux vaccins. Mais ce phénomène n’est pas propre au monde rural. A Marseille, « Didier Raoult est devenu une icône locale et cela a créé un positionnement identitaire visant à résister à ‘ce que Paris veut nous imposer’. »
Il est important de noter que les outre-mer sont de loin les territoires français les moins vaccinés. Selon les derniers chiffres de Santé publique France, 28% des habitants de La Réunion sont totalement vaccinés, et moins de 16% en Guyane, Guadeloupe, Martinique ou à Mayotte. Plusieurs facteurs, notamment logistiques, expliquent ce retard, mais l’identité locale pourrait là aussi jouer un rôle très important car ces régions abritent « beaucoup de communautés différentes et un rapport à la vaccination qui varie selon les cultures », avance Lucie Guimier.
Plus une commune est pauvre, moins elle est vaccinée
Au-delà de ces différences géographiques, les inégalités socio-économiques jouent elles un rôle ? Pour voir leur poids à l’échelle nationale, l’Assurance maladie fournit des données de vaccination par « indice de défavorisation ». Cet indice est calculé pour chaque commune et prend en compte les revenus, les niveaux de diplôme ou encore les catégories socio-professionnelles de la population. Les communes sont ensuite réparties dans dix catégories de même taille en fonction de cet indice. La couverture vaccinale baisse presque constamment lorsque l’indice de défavorisation augmente. Plus précisément, l’écart est très net entre les 10% des communes les plus aisées, vaccinées à 47,2%, et les communes les plus précaires, vaccinées à 35,3% seulement.
Ces inégalités se traduisent à des degrés d’intensité différents en fonction des régions. En Ile-de-France, le taux de vaccination des 10% des communes les plus favorisées est de 47,9%, et celui des communes les plus défavorisées est de 25%. En d’autres termes, les communes riches sont 91% plus vaccinées que les communes pauvres – c’est la région où l’écart est le plus élevé. En revanche, dans d’autres zones, cette inégalité est moins marquée : en Corse et en Pays de la Loire, cet écart n’est que de 11% et 16%.
Pour Pierre Lombrail, professeur de santé publique à Sorbonne Paris Nord, « chez les catégories populaires, il y a des obstacles à chaque niveau : pour accéder aux soins, comprendre le langage médical puis utiliser ces informations pour prendre soin de sa santé. On a moins accès au personnel médical, ce qui est pourtant important pour être convaincu de l’efficacité et de la non-dangerosité de la vaccination. » D’autres observateurs, comme le collectif « Nos services publics », mettent en avant la fracture numérique, nécessitant la mise en place de davantage de démarches d' »aller vers ».
Des inégalités très marquées dans les grandes métropoles
Les données publiées par l’Assurance maladie permettent une analyse encore plus fine, au niveau communal, pour les métropoles parisienne, lyonnaise et marseillaise. Et lorsque l’on met le pourcentage de vaccination au regard d’indicateurs socio-économiques tels que le revenu médian par commune, le constat est frappant : plus une commune est riche, plus elle est avancée dans la vaccination. Plus elle est pauvre, plus elle est retard. Alors même que les populations défavorisées étaient déjà les plus touchées par la pandémie de Covid-19.