Montée des eaux (suite) : une série de scenarios et d’articles
article de Celine Deluzarche (oct 2021)
La banquise Arctique disparait à une vitesse inquiétante La Nasa étudie depuis la fin des années 1970 la calotte polaire arctique. À l’aide d’images satellites et de graphiques, des chercheurs ont pu reconstituer l’évolution de la glace au cours des années. Il semblerait qu’elle fonde à vive allure… La banquise pourrait même disparaître en été à partir de 2016.
La montée des eaux va se poursuivre pendant des siècles, même si l’humanité parvient à limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. C’est le cri d’alarme d’une équipe de chercheurs qui ont publié une étude sur les risques encourus par les villes au cours des 200 à 2.000 prochaines années, et selon les différents scénarios de réchauffement. La plupart des estimations actuelles d’élévation du niveau de la mer courent jusqu’à la fin du siècle, mais le phénomène va se poursuivre bien au-delà de 2100 sous l’effet de l’accumulation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère et de la fonte des glaces. Au final, le niveau de la mer pourrait gagner jusqu’à 8,9 mètres dans un scénario à +4 °C. « La concentration actuelle de CO2 est de 50 % supérieure à celle de 1800 et la température moyenne à la surface de la Terre a augmenté de 1,1 °C. C’est suffisant pour faire monter le niveau des mers de près de deux mètres, que cela prenne deux siècles ou dix siècles », avance à l’AFP Benjamin Strauss, l’auteur principal de l’article publié dans la revue Environmental Research Letters.
15 % de la population mondiale sous le niveau de la mer
Les chercheurs ont modélisé l’impact de cette montée des eaux sur 50 grandes villes côtières (voir les simulations ci-dessous), et conclu que de larges portions de zones habitées se retrouveront sous le niveau de l’eau. Environ 385 millions de personnes vivent actuellement sur des terres menacées par les inondations à marée haute. Si le réchauffement est limité à 1,5 °C, 510 millions de personnes seront affectées et en cas de réchauffement à 4 degrés, la ligne de marée haute pourrait empiéter au-dessus des terres où vivent actuellement un milliard de personnes, soit 15 % de la population mondiale.
C’est l’Asie, qui compte neuf des dix mégapoles à plus haut risque, qui sera la plus durement frappée, avec en tête de liste la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Vietnam et le Bangladesh. De nombreuses petites nations insulaires sont carrément menacées de disparition totale, avertissent les chercheurs. En 2020, deux îles de Sumatra ont ainsi été englouties par les eaux, et quatre autres sont menacées dans le court terme. L’étude n’a toutefois pas pris en compte les éventuelles mesures de protection, comme les digues ou l’élévation des terrains, mais « même de monumentales mesures d’adaptation ne permettront pas d’éliminer tous les risques », expliquent les auteurs, mettant notamment en garde contre une rupture de digues.
Climate Central, une organisation indépendante de journalistes et scientifiques, a créé des simulations de la montée des eaux dans différentes villes à travers le monde, dont Nice ou Bordeaux. En bougeant le curseur, on peut ainsi voir l’eau envahir les rues au fur et à mesure du réchauffement. Toutes les villes sont à voir sur le site « Illustrons notre futur ».
Les données gratuites fournies par la Nasa, avec son programme SRTM qui a permis de cartographier 95 % de la surface de la Terre, peuvent comporter une marge d’erreur. Mais il y a environ cinq ans, Ben Strauss et Scott Kulp ont réalisé, en comparant ces éléments à des données plus fines, que le système SRTM surestimait systématiquement l’altitude des bords de mer, confondant des toits et des arbres avec le niveau du sol. « Pour la majorité des zones côtières à travers le Globe, nous ne connaissions pas la hauteur du sol sous nos pieds »
Le village de Kayakuchi dans la province d’Assam en Inde, le 16 juillet 2019. © David Talukdar, AFP
L’autre menace : les tempêtes et les ouragans
Une autre menace est constituée par les typhons, cyclones et ouragans violents qui vont devenir plus fréquents. « Il n’est pas nécessaire d’avoir une augmentation importante du niveau des mers pour causer des problèmes catastrophiques », commente Bruce Glavovic, professeur à l’université Massey en Nouvelle-Zélande, qui n’a pas pris part à l’étude.
Le nouveau système mis au point par les chercheurs, nommé CoastalDEM, et présenté dans des revues scientifiques, constitue « un progrès significatif pour comprendre les risques pour des centaines de millions de personnes, inhérents à l’élévation des océans liée au changement climatique, d’ici la fin du siècle », estime le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele, ancien vice-président du Giec.VOIR AUSSILa hausse des océans n’épargnera pas les grandes puissances mondiales
Article d’Andréa Haug publié le 21 septembre 2015
Brûler les stocks de combustibles fossiles de la Terre réchaufferait, à terme, suffisamment l’atmosphère pour engendrer la fonte totale de la glace de l’Antarctique, au pôle Sud, et engendrer une importante montée des eaux. L’élévation du niveau de la mer qui en découlerait aurait de lourdes répercussions sur les zones littorales du monde entier où vivent de nombreuses personnes.
Le réchauffement climatique accélérerait la fonde glaciaire, provoquant une hausse du niveau de la mer de 60 mètres d’ici 10.000 ans. Situé au pôle Sud, sur environ 14 millions de km², l’Antarctique est composé d’environ 98 % de glace comme ici, au lac Fryxell. © Joe Mastroianni, Wikimedia Commons, DP
D’ici 10.000 ans, New York, Londres, Rome et Tokyo pourraient être submergées, prédit une étude parue dans Science Advances. La raison ? Une élévation de 60 mètres du niveau de la mer qui immergerait durablement ces grandes villes côtières.
Si ce scénario semble issu d’un blockbuster, il est très sérieux selon les auteurs de ce rapport scientifique. De précédentes études sur les modifications de l’Antarctique ont déjà été réalisées mais elles portaient sur des périodes de temps nettement plus courtes. « Dans les années 1980, on pensait que les émissions de dioxyde de carbone ne persistaient pas dans l’air et que la glace mettait du temps à fondre », rappelle KenCaldeira, chercheur à l’université de Stanford, aux États-Unis, et coauteur de l’étude. Il est à présent admis que ces gaz à effet de serre perdurent des millénaires dans l’atmosphère.
Son équipe scientifique a donc modélisé sur le très long terme la façon dont la glace du pôle Sud pourrait répondre à un large éventail de scénarios d’émissions futures de dioxyde de carbone. À l’aide de logiciels de simulation, ils montrent que la combustion des ressources fossiles, comme le charbon et le pétrole, est suffisante pour éliminer un jour lacalotte glaciaire de l’Antarctique.
Géographie du réchauffement de l’Antarctique, de 1957 à 2006. En rouge, la plus forte hausse de changement de température par décennie, soit 0,25 °C. © Eric J. Steig et al., Wikimedia Commons, DP
Une hausse du niveau de la mer de 3 m par siècle
Dans le pire des schémas, les gaz à effet de serre, autrement dit qui réchauffent l’atmosphère en renvoyant des infrarouges vers la Terre, pourraient atteindre en cumulatif 10.000 gigatonnes de carbone relarguées dans l’air ambiant. La hausse de la température dont ils seraient responsables accélérerait la fonte glaciaire. Durant le premier millénaire, cette chaleur engendrerait une hausse du niveau de la mer de 3 mètres par siècle pour atteindre 60 mètres d’ici 10.000 ans.
« Ce que nous faisons aujourd’hui en quelques décennies à peine déclenche des changements – comme la perte de glace de l’Antarctique et l’élévation du niveau global de la mer – qui dureront des milliers d’années », déclare Ricarda Winkelmann, chercheuse à l’institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique, en Allemagne, et auteur principal de l’étude.
S’il reste possible de construire une digue de protection face à une hausse du niveau de la mer de 60 à 90 centimètres « cela sera une tout autre histoire quand nous serons forcés d’abandonner New York, Londres, Paris, Rome ou Washington », ajoute Ken Caldeira.
Pour les auteurs de l’analyse scientifique, d’autres études sont requises pour appuyer ces prédictions mais elles montrent dès à présent que le changement climatique n’est pas un phénomène anodin auquel l’Homme pourrait facilement s’adapter. Bien au contraire, selon eux, s’il se pérennise, l’actuel système énergétique pourrait changer le visage de la planète et impacter durablement les générations à venir.