texte de l’intervention de Brice Lalonde le 7 fev : la question de l’eau et du réchauffement: Il nous faut à la fois nourrir 9 milliards de Terriens (+20% ) et s’adapter au changement climatique
Il nous faut mettre en relation l’approche par droits (point d’eau à moins de 30mn aller-retour) et la réalité géographique puisque 60% population mondiale vit en Asie, où sont seulement 30% des ressources en eau, tandis que l’ Amazonie abrite o,3% de la population mondiale, mais détient 15% de l’eau du monde.
Rappelons les chiffres : 3 humains sur 10 n’ont pas accès à l’eau potable, 6 sur 10 n’ont pas accès à l’assainissement et 80% des eaux usées sont rejetées sans traitement (alerte aux zones mortes de la mer ou des cours d’eau par manque d’oxygène)..
9 pays détiennent 60% des ressources en eau : Brésil, Canada, Chine, Colombie, Inde, Indonésie, Pérou, Russie, USA) tandis que 20 pays ont moins de 1 000 m3 d’eau par habitant et par an (on considère que le stress hydrique commence à moins de 1 700 m3, les USA bénéficient de 2 500 m3, Egypte c’est moins de 500 m3). Et c’est évidemment le cas pour les petites îles, soit que les pluies sont rares, soit qu’elles n’ont pas de stockage
Comme vous le savez les ménages ne consomment que 8% de l’eau que s’approprie l’humanité. 1% de cette eau provient de 20 000 usines de dessalement.
La majeure partie est utilisée par l’agriculture. Il y a donc un défi nommé « more crop per drop »
L’Ecole française de l’eau est réputée, elle a inventé la gestion par bassin, la GIRE (gestion intégrée des ressources en eau), la délégation de service public. Toutefois nos modèles évoluent et des représentations nouvelles conduisent à de nouveaux choix de gestion, comme les solutions fondées sur la nature.
Nouvelles représentations
1 Un bon cinquième de l’eau consommée provient du commerce.
Ce qui signifie que la plupart de nos statistiques sont à revoir puisqu’elles ne considèrent que les prélèvements et les rejets à l’intérieur des frontières, et qu’elles ne font pas la différence entre prélèvement et consommation. Ainsi l’agriculture qui prélève 70% de l’eau des humains consomme réellement l’eau (qui s’évapore) tandis la centrale thermique prélève et renvoie l’eau à la rivière, certes réchauffée.
L’empreinte en eau d’une économie c’est l’addition de l’eau virtuelle incorporée dans ses achats et de toutes les eaux qu’elle consomme réellement, c’est-à-dire l’eau de pluie qu’elle utilise, l’eau qu’elle fait venir des sources à disposition, et l’eau qu’elles souille par ses rejets (eau grise). L’élément nouveau est que le calcul de l’empreinte néglige l’eau prélevée qui est rendue au milieu naturel, sauf si elle est polluée, dès lors rendue inutilisable jusqu’à dilution de la pollution. Par exemple il faut 5 litres de lait pour un kilo de fromage, mais 4 800 litres d’eau pour ces 5 litres. un kilo de steak c’est 16 000 litres.
2 LA PLUIE
Comme vous le savez, la mer fournit 80% de l’humidité de l’atmosphère, elle en récupère le gros (il pleut sur la mer) et laisse le quart restant arroser les terres. C’est la pluie.
La pluie fournit les trois quarts de l’eau consommée par les humain. En moyenne plus de la moitié de la pluie s’évapore rapidement, un quart s’écoule (formant l’eau bleue) , le dixième s’infiltre (formant l’eau verte), cette eau verte est essentielle, elle humidifie le sol, elle irrigue les plantes, les animaux, les humains. Elle avait été longtemps négligée.
Malheureusement, entre 1970 et 2000 50% de la faune aquatique et des zones humides ont disparu. Certains fleuves n’arrivent pas à la mer. Or les écosystèmes aquatiques sont indispensables à la ressource, quantité et qualité. C’est pourquoi j’estime que la convention de Ramsar est plus importante que l’attention qui lui est portée.
Il y a 260 bassins hydrographiques partagés (le Danube arrose 19 pays) et 3 000 accords juridiques de partage de la ressource, plus deux conventions des Nations unies entrées en vigueur. Pas encore de guerre, mais des tensions très fortes et des installations bombardées. Amont et aval des fleuves Nil, Tigre Euphrate, Mékong. En revanche beaucoup moins d’accords sur les eaux souterraines, premier arrivé, premier servi. Et là nous avons un gros problème puisqu’il arrive que le pompage l’emporte sur le la recharge (Ogallala en Amérique). Et certaines nappes sont fossiles au Moyen-Orient, en Afrique du Nord.
3 le NEXUS L’eau a partie liée avec l’agriculture, mais aussi avec l’énergie. Aux USA 15% de l’énergie dépensée va à l’eau. On compte 50 000 gros barrages dans le monde. Quand on cherche pétrole on trouve de l’eau, et on injecte de l’eau pour sortir les dernières gouttes. Entre 2011 et 2016, l’exploitation des hydrocarbures de schiste a augmenté sa consommation d’eau de 700%. De façon générale l’activité minière est sale (l’oxydation des roches sulfurées des stériles provoque une pollution acide). La course aux métaux de la transition énergétique risque d’être sale. Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie, la consommation de métaux par le secteur de l’énergie devra être multipliée par 6 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Le dixième de l’empreinte eau de l’Australie provient de l’exploitation des terres rares.
4 La subsidence
Villes vont chercher leur eau de plus en plus loin. Selon l’OCDE la surface foncière mobilisée pour quérir de l’eau a augmenté de 30%. A trop pomper les villes s’enfoncent, Mexico, Djakarta, Téhéran, Shanghai. Sont menacées de subsidence 8 % des terres émergées, près des zones les plus peuplées et au-dessus des aquifères les plus exploités (deltas, Golfe du Mexique, la plaine du nord de la Chine). La population exposée va augmenter aux Philippines, Irak, Indonésie, Mexique, Bangladesh, Pays-Bas. Sur le littoral, trop pomper amène l’eau de mer à pénétrer les aquifères.
Les villes sont par ailleurs non seulement des ilots de chaleur, mais aussi des ilots de sécheresse.
Le quart des habitants des villes en développement n’a pas accès à l’eau distribuée par le réseau et 800 million de Terriens vivent dans des bidonvilles dépourvus de services et exposés aux crues
la Banque mondiale alerte sur la diminution des concentrations d’oxygène dissous dans les cours d’eau, et la présence croissante d’azote et de sel. Au cours des 50 dernières années, la proportion de zones de haute mer dépourvues de tout oxygène a plus que quadruplé. Quant aux sites à faible teneur en oxygène situés près des côtes, y compris les estuaires et les mers, ils ont été multipliés par 10 depuis 1950
5 Le pillage ou gaspillage
La Banque mondiale estime que 50 millions de mètres cubes d’eau potable disparaissent des réseaux de distribution par fuite et vols, de quoi fournir de l’eau à 200 millions de personnes. Dans les pays en développement l’eau perdue et/ou volée représente de 30 à 50 % de l’eau traitée, les mafias de l’eau se servant directement dans les canalisations des villes. Même dans le sud de l’Europe, une moitié de l’eau consommée l’est illégalement, notamment par des forages non déclarés. La plupart des vols ou contrebandes s’effectue au niveau local, encore que certaines canalisations clandestines s’étendent au loin et que des camions citernes roulent des dizaines de kilomètres. Mais ce n’est qu’une question de temps pour voir apparaître une contrebande de l’eau transfrontière.
Peut-on parler de voleurs d’eau ? Quand l’accès à l’eau est un droit humain, l’exercice de ce droit n’est pas un vol. Cependant le droit de tirage n’est pas illimité. Si l’eau est un bien dont la valeur justifie qu’un prix contribue à sa bonne gestion, ceux qui ne paient pas ce prix sont des fraudeurs. L’école française considère que l’eau est certes un cadeau du ciel, mais pas le service d’aller la chercher, traiter et distribuer. Et notamment entretenir les infrastructures : une pompe dure 25 ans, une canalisation, 80 ans.
6 ALORS LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ?
Le cycle de l’eau s’accélère, la mer évapore plus d’eau, l’air plus chaud porte plus de vapeur d’eau, donc il pleut davantage. Le phénomène des Rivières atmosphériques provoque des crues soudaines très violentes (la Chine évoque la nécessité de villes éponges).
Mais il ne pleut pas partout, les épisodes de sécheresse prolongée s’installent, accentués par l’évaporation, du coup on pompe davantage, on s’enfonce davantage, 3 millions de personnes par semaine partent vivre en ville. Pour une augmentation de température de 1,5°C ou 2°C, entre 24% du 32% des terres pourront être menacées de désertification en2050. Risque politique : en 2006 la Syrie connaît une sécheresse qui pousse un million de Syriens en ville où se trouvent déjà un million de réfugiés irakiens… Il y aura des zones où l’activité en extérieur sera insoutenable car l’air saturé ne permettra pas d’évacuer la chaleur du corps. Par ailleurs il vaudrait mieux avoir de l’eau pour combattre les incendies. Souvenez-vous du Cap en 2020 : les habitants n’avaient droit qu’à 50 litres par jour.
La mer monte, En 20 ans Le Groenland a perdu 5 000 milliards de tonnes de glace contribuant à une hausse 1,2 cm, et 200 000 glaciers sont en train de fondre, la pluie remplace la neige, modifiant le régime hydrographique des fleuves, beaucoup d’eau en hiver, pas d’eau en été. Dans le Pacifique 8 îles ont disparu.
Les épisodes extrêmes sont plus violents, cyclones Irma 270 km/h, mais aussi les Médicanes en Vésubie (Méditerranée – hurricane). En 2020 il y eut 29 ouragans dans l’Atlantique, on manquait de lettres pour leur donner des prénoms.
conclusion
3 L’influence de l’eau sur le climat
On parle beaucoup de l’influence du climat sur le cycle de l’eau. Mais pas assez de l’influence de l’eau sur le climat. Il y a plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère (4%) que de CO2. Un nouveau paradigme apparaît. Quand une terre est bien arrosée et couverte de végétation, elle évapore de l’eau dont une partie retombe sur place. Ce petit cycle local est très important. On voit en Amazonie à quel point la forêt crée la pluie. Or l’évaporation, en consommant de l’énergie, rafraîchit le climat. L’énergie solaire est tamponnée. S’il n’y a pas d’eau, au lieu d’être utilisée pour l’évaporation (la chaleur latente de l’eau), elle va augmenter la température et entraîner le territoire vers l’aridité. L’objectif va donc être de conserver dans le sol, dans une région, un pays, autant d’eau qu’il en est entré.
Or nos villes imperméables, nos drainages, nos routes, nos défrichements ont conduit à assécher nos pays. Dans les 50 dernières années l’Europe a perdu des millions de mètres cube d’eau. Cet assèchement est un processus catastrophique, il doit être combattu. La pluie doit être récoltée partout où c’est possible, dans des terrasses, des mares, pour réhumidifier le sol, recharger les nappes, On doit la recycler, l’utiliser plusieurs fois, la conserver.
La GIRE par bassin versant a fait progresser la politique de l’eau et la participation de tous les acteurs. C’est une approche locale qui correspond au principe de proximité et à la spécificité des lieux.
En même temps c’est utile de mesurer l’eau virtuelle issue du commerce et de jeter un coup d’œil pour savoir si un ouragan n’est pas en chemin. La planétologie a fait des progrès. Avec les satellites on voit les déplacements de l’eau, la hauteur du niveau de la mer, l’humidité des sols, la météo. On traque même l’eau dans l’écorce terrestre.
Cette eau, on commence à la transporter. Elle fait même l’objet de spéculation sur son prix futur en Californie. Va-t-on vers un commerce de l’eau ? L’eau sera-t-elle une commodité comme une autre ou s’agit-il d’un bien commun planétaire qu’il faut apprendre à répartir, partager, vénérer ?
C’’est pourquoi chers amis, la lutte contre le changement climatique est aussi une politique de l’eau.