Et si le nucléaire sortait avec Poutine de la dissuasion?
Les ECHOS Par Anne BauerPublié le 1 mars 2022 à 19:29Mis à jour le 1 mars 2022 à 19:34
Une escalade nucléaire est-elle plausible ? A priori, l’arme nucléaire est une arme de dissuasion. Donc de non-emploi. Pour la France, la théorie paraît simple : en cas d’attaque grave, la riposte, nucléaire, peut imposer à l’agresseur des dommages irréparables, ce qui doit suffire à le dissuader. Encore faut-il être certain que le détenteur de l’arme nucléaire a des systèmes performants et disponibles.
Ainsi la France a toujours en navigation au moins un sous-marin lanceur d’engins, capable d’envoyer un missile M51 à toute heure du jour et de la nuit. Reste à savoir si cette théorie de la dissuasion, à l’origine partagée entre les puissances « dotées » des Nations unies (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Chine) est toujours bien comprise à Moscou.
Dimanche dernier, l e président de Russie a provoqué des sueurs froides en annonçant qu’il avait ordonné aux chefs militaires du pays de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat. Il a même évoqué une alerte de niveau 1. L’Otan a aussitôt dénoncé « cette rhétorique dangereuse ».
Alerte de niveau 1
La dissuasion repose forcément sur une forme d’alerte permanente. Au moins partielle : c’est l’objet en France de la permanence à la mer de sa dissuasion nucléaire, tandis qu’une partie des Rafale peut être rapidement mobilisée pour emporter son missile aéroporté ASMP. « L’alerte de niveau 1 », ne signifierait donc pas grand-chose.
Les Etats-Unis n’y ont d’ailleurs pas réagi, tandis que le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg a déclaré que l’Otan n’avait pas changé le statut de ses forces nucléaires en réponse à la décision de Vladimir Poutine de mettre sous alerte son commandement nucléaire. Et de rappeler une fois de plus que l’Otan est une alliance défensive et donc que ses forces nucléaires sont là pour prévenir toute agression.
De fait, la défense nucléaire en Europe est portée par la France et le Royaume-Uni , qui disposent de missiles balistiques intercontinentaux et de missiles de croisière potentiellement armés de têtes nucléaires, quand l’Allemagne, la Belgique et l’Italie doivent être en mesure de délivrer la bombe nucléaire américaine B-61 stockée en Europe. Une arme nucléaire obsolète, qui oblige surtout ces pays à s’équiper d’avions de chasse américains, mais qui d’un point de vue tactique, n’a guère d’intérêt.
Des missiles à têtes multiples
Car pour l’arme nucléaire, on n’est plus au temps de Hiroshima. Les missiles sont désormais « de précision », intercontinentaux et équipés de plusieurs têtes nucléaires, afin de passer les lignes de la défense antiaérienne pour pouvoir détruire plusieurs centres névralgiques à la fois. Ainsi, les dégâts seraient insupportables mais ciblés… Après de lourds investissements de modernisation, la Russie, première puissance nucléaire du monde avec quelque 6.000 têtes nucléaires placées sur des ogives terrestres, aériennes et maritimes, est à la pointe des technologies balistiques et hypersoniques.
A priori, la doctrine russe est de ne recourir à l’arme atomique que pour riposter à une attaque par des armes de destruction massive sur son territoire ou pour contrer une menace qui mettrait en danger même l’existence de la Russie. Mais si Vladimir Poutine pensait que l’Otan la menace ? Pour se rassurer, les Etats occidentaux rappellent que le président russe a bien reconduit il y a un an avec Washington le traité New Start qui limite les arsenaux des deux puissances nucléaires à un maximum de 1.550 ogives « déployées » chacun et le nombre de lanceurs et de bombardiers lourds à 800.
Un chiffre qui reste suffisant pour détruire la Terre mais le traité implique des inspections mutuelles des sites militaires, pour permettre aux deux pays de se surveiller de près. La Russie et les Etats-Unis détiennent, à eux deux, plus de 90 % des armes nucléaires dans le monde.
Anne Bauer