Tchernobyl : épuisé, le personnel du site nucléaire ne fait plus les réparations de sécurité (AIEA)
Le personnel gérant les complexes de déchets radioactifs à la centrale nucléaire de Tchernobyl a arrêté de procéder aux réparations de maintenance car ils sont épuisés, n’ayant pas été remplacés depuis que la Russie a pris le contrôle du site le mois dernier, l’Ukraine a prévenu l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).Écoutez cet articlePoweredbyETX Daily Up00:00/00:00latribune.fr14 Mars 2022, 7:36
Le personnel gérant les complexes de déchets radioactifs à la centrale nucléaire de Tchernobyl a arrêté de procéder aux réparations de maintenance car ils sont épuisés, n’ayant pas été remplacés depuis que la Russie a pris le contrôle du site le mois dernier, l’Ukraine a prévenu l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
« Le régulateur ukrainien a informé l’AIEA que le personnel à (Tchernobyl) ne procède plus aux réparations et à la maintenance de l’équipement lié à la sécurité, en partie du fait de leur fatigue physique et psychologique après avoir travaillé sans arrêt depuis trois semaines, » a indiqué l’agence dans un communiqué dimanche sans plus de détails.
Cette annonce intervient alors que l’alimentation électrique de la centrale, complètement déconnectée mercredi dernier du réseau électrique en raison des actions militaires des forces russes, a été rétablie ce dimanche.
« Aujourd’hui, grâce aux efforts incroyables des spécialistes d’Ukrenergo (l’opérateur ukrainien du site), nos ingénieurs nucléaires et nos électriciens ont réussi à rétablir l’alimentation électrique de la centrale de Tchernobyl, saisie par les occupants russes », a indiqué le ministre, Guerman Galouchtchenko, dans un communiqué publié par Energoatom, l’agence nucléaire ukrainienne.
Ces annonces interviennent alors que le directeur général de l’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) qui préside également le réseau des autorités de sûreté nucléaire d’Europe de l’Ouest (Wenra), s’inquiète de la « fragilisation » de la sûreté nucléaire dans l’Ukraine en guerre.
« La première question me paraît être la fragilisation de la sûreté, que ce soit à cause des coupures d’alimentation électrique ou à cause des difficultés éprouvées par les personnels pour exercer leur mission » estime Olivier Gupta dans un entretien accordé aux Echos.
Des lignes électriques importantes permettant d’assurer une capacité de refroidissement constante sont « détériorées » et la chaîne logistique pour l’arrivée des pièces de rechange sur les sites nucléaires ukrainiens, est « fragilisée », constate-t-il après des réunions d’experts sur le sujet. A la centrale ukrainienne de Zaporojie, bombardée le 4 mars par les Russes qui l’occupent depuis, « deux lignes » électriques sur quatre « sont toujours fonctionnelles », mais la communication « entre la centrale et l’extérieur est devenue difficile » ajoute Olivier Gupta.
Pour celle de Tchernobyl, « nous avons conclu qu’il n’y aurait pas de risques significatifs de rejets dans l’environnement » en cas de perte d’alimentation électrique sur une durée longue, a-t-il ajouté. Mais, « à Tchernobyl, il n’y a plus ni téléphone fixe, ni téléphone mobile et l’Autorité de Sureté ukrainienne n’a pas reçu d’email depuis 24 heures » a déploré le responsable.closevolume_off
A Kharkiv, il a été prévenu de « dommages sur un centre de recherche qui héberge un réacteur piloté par une source de neutrons »: « Il y a eu des dégâts sur certains bâtiments, mais à notre connaissance, les matières nucléaires n’ont pas été touchées » a-t-il dit. Selon lui, « en cas d’accident très grave » dans une des centrales ukrainiennes mais sans dommage sur le bâtiment réacteur, il pourrait « être nécessaire d’évacuer la population dans un rayon de 5 kilomètres et de mettre à l’abri celle résidant dans un rayon de 20 kilomètres ». En revanche, si une enceinte de confinement de réacteur devait être touchée, « on devrait élargir les zones à respectivement « 20 kilomètres et 100 kilomètres », selon lui. Pour Olivier Gupta, « on ne peut pas dire que les réacteurs ukrainiens sont significativement moins sûrs que les occidentaux ». De même conception que les réacteurs français à eau sous pression, ils ont subi des « stress tests » après l’accident de Fukushima. « Des travaux d’amélioration ont aussi été réalisés ».
Avec 15 réacteurs, disséminés sur quatre sites, l’Ukraine est le 7e producteur mondial d’énergie nucléaire, l’atome étant à l’origine de la moitié de son énergie, selon les données de l’AIEA.
Vendredi, les Etats-Unis ont accusé vendredi la Russie de violer les principes de sûreté nucléaire en Ukraine et lui ont demandé d’arrêter de cibler des usines nucléaires dans le pays, indiquant toutefois n’avoir pas détecté pour l’heure des signes de rejet radiologique. La secrétaire américaine à l’Energie, Jennifer Granholm, a déclaré sur Twitter que les outils de surveillance radiologique étaient toujours en état de marche en Ukraine mais que Washington était préoccupé par le manque de données en provenance des centrales nucléaires de Tchernobyl et de Zaporojie, laquelle est la plus grande d’Europe.
Les personnels de Rosatom à Zaporojie
Vendredi, onze employés du géant du nucléaire russe, Rosatom, ont débarqué dans la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporojie, la plus grande d’Europe, tombée aux mains des Russes le 4 mars dernier à l’issue d’un assaut marqué par des bombardements sur la centrale qui avaient provoqué un incendie.
Contrôler l’électricité nucléaire: l’autre champ de bataille de la guerre russo-ukrainienne
L’arrivée de ces personnels russes vise à vérifier le niveau de radiation et aider à réparer la centrale selon l’agence ukrainienne Energoatom. Ses réacteurs ont été mis en service entre 1985 et 1995. Ils sont de conception moderne comparé à Tchnernobyl, première centrale construite dans le pays, en 1970, où les réacteurs étaient bien moins sécurisés. Avec six réacteurs VVER-1000 de conception soviétique, la centrale de Zaporojie, inaugurée en 1985, dispose d’une capacité totale de près de 6.000 mégawatts, assez pour fournir en électricité environ quatre millions de foyers.
Dans un communiqué, Rosatom a confirmé l’envoi de spécialistes russes, mais a indiqué que le fonctionnement de la centrale de Zaporojie, comme celle de Tchernobyl, restait assuré par le personnel ukrainien. Les spécialistes russes sont là pour « conseiller » les équipes ukrainiennes, a-t-il ajouté. Cela inclut « la restauration de l’alimentation électrique de la centrale de Tchernobyl et le système de protection physique de la centrale de Zaporojie », avait expliqué vendredi l’opérateur russe.
« Les activités visant à garantir la sûreté de l’exploitation des centrales nucléaires ukrainiennes sont menées en contact étroit avec la direction de l’AIEA », assure Rosatom.
L’AIEA va proposer des idées pour garantir la sécurité des sites
Par ailleurs, l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA) soumettra prochainement des idées à l’Ukraine et à la Russie pour garantir la sécurité des installations nucléaires ukrainiennes, sur fond d’offensive militaire russe, et une réunion aura probablement lieu « très prochainement », a déclaré jeudi son directeur général Rafael Grossi. Ce dernier a plusieurs fois proposé de se rendre en Ukraine pour établir un cadre garantissant la sécurité des sites nucléaires pendant le conflit. Depuis le début de l’invasion russe, Rafael Grossi ne cesse de mettre en garde contre les dangers du conflit, le premier à se dérouler dans un pays doté d’un vaste programme nucléaire.
(Avec AFP et Reuters)