Le rattachement du réseau électrique ukrainien à l’Europe doit éviter son « effondrement »
La synchronisation du réseau électrique ukrainien avec celui de l’Europe doit améliorer sa stabilité et éviter son « effondrement », a détaillé jeudi RTE, le gestionnaire du réseau français.
Le réseau ukrainien, synchronisé avec la Russie jusqu’à la guerre, a ensuite fonctionné de manière isolée jusqu’à son rattachement à l’Europe continentale mercredi. Ce rapprochement, à l’étude depuis 2017, a été fortement accéléré à la demande de Kiev.
« Aujourd’hui, de Lisbonne à Kiev, toutes les machines de production fonctionnent au même rythme », « ont la même pulsation », a expliqué Jean-Paul Roubin, directeur de l’exploitation de RTE, le gestionnaire du réseau français, l’un des artisans de ce rapprochement.
« Ça permet de la solidarité: lorsqu’il y a un événement dans l’un des pays de la zone, toutes les machines de production de la zone vont venir compenser individuellement cet événement », a-t-il détaillé.
Concrètement, l’Ukraine risquait jusqu’alors un « effondrement » de son réseau électrique en cas de perte de moyens de production. Désormais, un tel aléa « sera beaucoup plus facilement géré et évitera le risque d’effondrement du système électrique ukrainien », a souligné M. Roubin.
Laurent Rosseel, cadre de RTE mais aussi de l’association des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité européens (Entso-E), a salué la performance de collègues ukrainiens « extraordinaires » et se souvient de visioconférences menées avec un fond de « bruits de bombes ».
Les techniciens ont cherché à éviter un « phénomène d’oscillation » aux extrémités du réseau, coté ukrainien d’un côté, français et espagnol de l’autre. M. Rosseel a eu recours à une image pour illustrer ce risque, celle d’un lit immense avec une couverture un peu juste: « ceux qui sont aux extrêmes tirent un peu la couverture pour être sous le lit ».
La Moldavie a également été rattachée au réseau européen mercredi. Les trois Etats baltes, actuellement arrimés au réseau russe, sont également candidats à un rattachement à l’Europe continentale, visé à l’origine en 2024/25 mais qui pourrait également être accéléré.
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L’opération menée le 16 mars a consisté à rattacher l’Ukraine (et la Moldavie) au réseau synchrone de l’Europe continentale. Au sein d’une zone synchrone, la fréquence est en permanence la même pour tout le monde (aux effets d’oscillations inter-zones près), via une propriété physique qu’on appelle le « lien synchronisant ». Si la fréquence augmente en France, elle augmente de la même manière en Pologne ; et respectivement à la baisse.
Auparavant, l’Ukraine (et la Moldavie) étaient rattachées à la zone synchrone « IPS/UPS » qui comprend la Russie, le Belarus, mais aussi les états du Caucase et d’Asie centrale). Des échanges d’énergie électrique sont possibles entre la zone « IPS/UPS » et la zone Europe continentale, via ce qu’on appelle des convertisseurs AC-DC-AC (en anglais back-to-back) que l’on peut se représenter comme des liaisons HVDC de longueur nulle). C’est le même principe que pour les échanges entre la zone Europe Continentale et la zone Scandinavie, par exemple.
Le raccordement de l’Ukraine est donc une bascule d’une zone synchrone vers une autre, comme cela s’est pratiqué dans les années 1990-200 pour les anciennes démocraties populaires qui elles aussi faisaient parti de la zone synchrone IPS/UPS.