TRIBUNE. Europe en Outre-mer: « Gagner l’avenir! » par Joël Destom
Le 9 mai, le 10 mai, le 22 mai, le 23 mai, le 27 mai … Ce « joli mois de l’Europe » en même temps « mois des mémoires » est celui des symboles, des dates, des commémorations mais également celui des solennelles interpellations à tout faire pour gagner l’avenir!
Le 9 mai 2022 est devenu emblématique avec la clôture de la Conférence sur l’avenir de l’Europe dans un contexte où les Ukrainiens, les Moldaves et les Géorgiens frappent à la porte d’une Union européenne, garante de l’ordre démocratique et des libertés publiques qui en sont indissociables.
C’est l’emblème d’une « méthode » qui, malgré ses difficultés organisationnelles, implique les citoyens dans les choix collectifs et propose un complément à la démocratie représentative. Les 325 propositions finales plaident pour un rapprochement des élus et des citoyens, pour une autre façon de « Faire l’Europe ». Entre les négociations diplomatiques du 9 mai 1950 et les délibérations citoyennes du 9 mai 2022, l’insatisfaction des populations vis-à-vis du fonctionnement de la démocratie a été croissante mais la tragédie de la guerre en Ukraine force à réfléchir au modèle de société dans lequel nous voulons vivre à l’avenir.
Dans une partie des Outre-mer français, plusieurs dates rappellent l’Histoire douloureuse et le cri déchirant des peuples. Dans un contexte électoral national, les populations ont souhaité pousser un cri d’une autre nature, incroyable tant il pourrait faire penser à une remise aux fers, à une hérésie culturelle et historique.
En faisant le choix des extrêmes opposés, entre le premier et le second tour de l’élection présidentielle, une majorité des électeurs ultramarins hausse le ton qui est amplifié par le silence assourdissant des abstentionnistes. Ceux qui connaissent ces territoires évitent l’analyse hâtive, le jugement à l’emporte-pièce. Ils reconnaissent là une expression inédite qu’il convient de considérer avec une attention toute aussi inédite. L’expression de sociétés fracturées qui pourraient tenter de préparer l’instruction de prochains procès dans la rue.
Entre la projection en avant de l’esclavage par l’adoption d’une loi, le 10 mai 2001, et la sobre commémoration du 10 mai 2022 de cette histoire commune, l’avenir s’est assombrie dans les anciennes colonies. Deux exemples : l’animation du développement économique peut souffrir de logiques archaïques; le lien social et les initiatives valorisant une citoyenneté d’engagement sont parfois insuffisants pour répondre aux ressentis de mépris ou de relégation.
L’Europe, pour les Outre-mer, pourrait être le cadre permettant de « faire un bout de chemin complémentaire ensemble » et de vivre une définition de la démocratie chère à Jacques Delors : « Un dépassement du citoyen par sa propre participation à l’œuvre collective ». N’est-ce pas là, l’aspiration des peuples réellement émancipés?
L’Europe, en Outre-mer, pourrait donner au Président Macron l’occasion de traduire une promesse démocratique du Candidat Macron pour un nouveau mode de gouvernement et de planification. Ces territoires sont réellement dans l’attente d’une « une autre façon de faire ».
Nous ne surmontons jamais les écueils de notre histoire en refermant, en rétrécissant. Pour construire des territoires meilleurs et apaisés, nous avons absolument besoin de l’humanité de tous. Nous pouvons alors sublimer nos identités afin de réconcilier toutes les mémoires et contribuer à la réflexion sur le modèle de société dans lequel nous voulons vivre à l’avenir.
En Martinique, une Conférence ministérielle des régions ultrapériphériques européennes (RUP) se tiendra du 17 au 19 mai 2022. Elle s’inscrit dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (1er janvier au 30 juin 2022) et de la Présidence Martinique de la Conférence des Présidents des Régions Ultrapériphériques (CPRUP). La Commission européenne y présentera la nouvelle stratégie RUP, traduisant le travail des territoires et de leurs Etats membres pour identifier les orientations majeures dans un contexte marqué par de nouvelles priorités (une Europe plus verte, plus numérique et plus juste dans un nouveau cadre financier pluriannuel) et par une pandémie sans précédent.
Nos concitoyens attendent simplement de ces rencontres qu’elles contribuent à faire émerger une « autre façon de Faire l’Europe », une « autre façon de Faire les Outre-mer » … pour « Gagner l’avenir »!
Joël Destom
Membre du Comité économique et social européen