Vu dans la matinale de Ouest France: legislatives et proportionnelle : à méditer
Dans certaines démocraties parlementaires, les députés sont élus avec un scrutin à un tour, suivi d’une répartition des sièges en fonction du score obtenu. Quels seraient les rapports de force entre Ensemble !, Nupes, le Rassemblement national et les autres partis si nous votions avec plus ou moins de proportionnelle en France lors des élections législatives ? Voici nos projections.Afficher le diaporamaOuest-France Erwan ALIX.Modifié le 15/06/2022 à 09h53Publié le 14/06/2022 à 19h30
Et si nous faisions un petit peu de politique-fiction ? En imaginant par exemple que les règles des élections législatives sont autres que ce qu’elles sont, et que l’on y a introduit plus ou moins de proportionnelle.
À partir des données agrégées par département du vote du 1er tour, dimanche 12 juin, nous avons calculé à combien de députés pourraient prétendre les partis avec des règles du jeu différentes.
En fonction du mode de scrutin, les représentations pourraient fortement varier. La majorité présidentielle compterait entre 149 et 275 députés selon les scénarios, Nupes entre 148 et 172 représentants, le Rassemblement national entre 33 et 108…
Bien entendu, ces calculs sont à prendre avec des pincettes : les logiques de vote au premier tour et les stratégies des partis auraient pu être différentes avec un scrutin à un seul tour, et certains scénarios impliqueraient même des listes nationales et non pas des candidatures locales. Et il ne faut pas oublier non plus que seulement celles et ceux qui seront élus lors du second tour du 19 juin siégeront à l’Assemblée.
Les projections pour le second tour
Les législatives 2022 sont un scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Dans les 577 circonscriptions, il faut pour se maintenir au second tour obtenir les voix de 12,5 % des inscrits, ou être dans les deux premiers si personne n’atteint ce quota. Au second tour, celui qui a le plus de voix est élu. Déjà cinq députés ont été élus dès le premier tour, en obtenant plus de 50 % des suffrages exprimés.
L’institut de sondage Ipsos-Sopra Stera a établi des projections en sièges à partir des résultats du premier tour, qui sont évidemment à ne considérer que comme des projections. La vérité sortira des urnes dimanche prochain. Selon Ipsos-Steria, la majorité présidentielle obtiendrait entre 255 et 295 sièges, l’alliance Nupes entre 150 et 190, LR/UDI entre 50 et 80, le RN entre 20 et 45, les divers gauche de 15 à 25 et entre 10 et 17 divers.
Voici ce que donneraient les moyennes de ces fourchettes :
Le Rassemblement national, avec 18,68 % des suffrages exprimés, aurait deux fois moins de députés que l’alliance LR-UDI, qui totalise 11,29 % des voix.
Le Rassemblement national, avec 18,68 % des suffrages exprimés, aurait deux fois moins de députés que l’alliance LR-UDI, qui totalise 11,29 % des voix.
La proportionnelle partielle
Avant chaque scrutin, l’idée d’introduire une part de proportionnelle revient dans le débat. Cela a été de nouveau le cas cette année. L’idée faisait même partie des promesses de campagne d’Emmanuel Macron en 2017, et le président s’y est redit favorable en avril dernier.
Des propositions de loi avaient été déposées en 2021 par le député MoDem Patrick Mignola en faveur d’une dose de proportionnelle. Un scénario proposé était de voter à la proportionnelle dans les départements les plus peuplés, comptant plus de douze circonscriptions, et de garder le mode de scrutin actuel dans les autres. L’idée était d’avoir une meilleure représentativité de l’opinion publique.
Concrètement, neuf départements seraient alors passés à la proportionnelle : le Nord (21 députés), Paris (18 députés), les Bouches-du-Rhône (16 députés), le Rhône (14 députés), les Hauts-de-Seine (13), la Gironde (12), le Pas-de-Calais (12), les Yvelines (12) et la Seine-Saint-Denis (12).
Nous avons imaginé quelle aurait été l’Assemblée en appliquant les votes de dimanche à la proportionnelle pour les départements ci-dessus, qui représentent 130 députés, et en reprenant la projection Ipsos-Sopra Steria au prorata pour les 447 autres députés. Il s’agit donc d’une image à gros-grain, mais qui permet d’envisager quelle différence cette proportionnelle partielle pourrait créer :
Avec l’introduction de la proportionnelle dans les départements les plus peuplés, la majorité présidentielle aurait moins de sièges : 249 contre 275 selon les projections. La mesure aurait peu d’effet pour la Nupes, avec un gain minime de deux députés (172 contre 170), idem chez Les Républicains/UDI (67 contre 65).
Le grand gagnant serait le Rassemblement national qui passerait de 33 à 48 sièges. Reconquête ! obtiendrait 7 députés, les écologistes hors Nupes, 4.
La proportionnelle intégrale
Interrogé en avril sur un passage à la proportionnelle intégrale, Emmanuel Macron s’était déclaré ouvert au sujet : Je pense qu’on peut aller jusque-là. Je n’y suis pas opposé en ce qui me concerne, avait-il répondu.
Dans la proportionnelle intégrale, chaque nuance politique reçoit un nombre de sièges en fonction de sa représentativité. Cela passerait sans doute par des listes nationales, et non plus des candidatures locales.
Si l’on prenait tels quels les résultats du premier tour agrégés par partis au niveau national pour répartir les 577 sièges, voici ce que cela donnerait :
À la proportionnelle intégrale, la majorité présidentielle et l’alliance de la gauche seraient au coude-à-coude, avec juste un député d’écart, 149 pour Ensemble ! et 148 pour la Nupes.
Le Rassemblement national serait la troisième force avec 108 représentants, devant LR/UDI avec 60 élus. Le parti Reconquête ! aurait 25 députés, la droite souverainiste 6.
La situation serait bien inconfortable pour Emmanuel Macron et le gouvernement, avec la nécessité de trouver des alliances pour être majoritaire. Une situation qui rappellerait la constitution de coalitions aux noms folkloriques chez nos voisins allemands.
Pour résumer et comparer ces trois scénarios, voici une visualisation permettant de passer en revue les différentes assemblées :