Transports, nucléaire, datacenters, agriculture… Comment ces secteurs gèrent les vagues de chaleur ?
Comment maintenir la production des centrales nucléaires, la bonne continuité des transports, garder les centres de données informatiques au frais alors que la France traverse des périodes de fortes chaleurs et pourrait bien connaître des épisodes de canicule cette semaine ?
Alors que cette semaine s’annonce extrêmement chaude à travers la France, comment s’organisent les secteurs d’activité qui participent à notre quotidien – transports, énergie, alimentation, informatique – mais dont les installations craignent particulièrement la chaleur ?
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Nucléaire : risques de ralentissement de la production
Pour faire face aux canicules, les centrales nucléaires sont équipées de systèmes de ventilation et de climatisation contrôlés et entretenus régulièrement. Elles utilisent des quantités massives d’eau (qu’elles rejettent ensuite en grande partie dans les fleuves et cours d’eau) pour refroidir leurs réacteurs, produire la vapeur qui actionne la turbine, disposer de réserves de sécurité… « Annuellement, en moyenne, le volume d’eau nécessaire au fonctionnement du circuit de refroidissement d’un réacteur est compris entre 50 millions de mètres cubes (si le refroidissement est assuré par un aéroréfrigérant) et 1 milliard de mètres cubes (si l’eau est rejetée directement dans le milieu naturel), soit respectivement un besoin de 6 à 160 litres d’eau prélevés pour produire 1 kWh », précise un rapport d’EDF.
Les périodes de fortes chaleurs et de sécheresse peuvent conduire à une baisse de la puissance, voire à l’arrêt provisoire des réacteurs. Dimanche 12 juin, EDF a averti que la production de sa centrale de Saint-Alban (Isère) pourrait être réduite ces lundi et mardi en raison de la faiblesse du débit du Rhône. De même début mai, une baisse de puissance avait été effectuée durant quelques heures sur un réacteur de la centrale du Blayais (Gironde), en bord de Garonne. EDF tente de relativiser, en indiquant que les pertes de production pour cause de températures élevées de cours d’eau n’ont représenté que 0,3 % de la production nucléaire annuelle depuis 2000. Mais elles pourraient bien se multiplier face au réchauffement climatique.
Depuis la canicule de 2003, EDF a mis en place un plan « Aléas Climatiques » et s’est doté en 2014 d’un service climatique au sein de sa R & D, composé d’une quinzaine de chercheurs climatologues, prévisionnistes, hydrauliciens. L’énergéticien planche notamment sur des technologies de refroidissement plus efficientes, pour mieux gérer le débit des rivières et les lâchers d’eau des barrages, dont il est souvent aussi l’opérateur en France.
Ferroviaire, autoroutes… Les transports sous surveillance
Les fortes chaleurs peuvent avoir des conséquences sur les infrastructures du secteur des transports. Du côté de la SNCF, un plan « fortes chaleurs » est mis sur pied chaque année à l’approche de l’été. Il inclut distribution de bouteilles d’eau dans les gares et les trains, renforcement de la climatisation dans les trains, grande opération de maintenance afin de vérifier que les équipements sont préparés aux risques de canicule et, au moment des pics, surveillance des voies et caténaires. Objectif, éviter de devoir ralentir voire annuler des trains, comme cela a pu se produire notamment en 2019.
La RATP fait de même et prévoit, lors des fortes chaleurs, des distributions massives de bouteilles d’eau dans les métros. Certaines rames sont déjà équipées de ventilation réfrigérée. La régie autonome des transports parisiens autorise ses conducteurs de bus à intégrer des bermudas ou jupes dans leurs uniformes lorsque la température dépasse les 28 degrés, entre le 1er mai et le 30 septembre.
Bitume qui fond, pneus qui éclatent, ralentissements et bouchons… Sur les autoroutes, la vigilance est également de mise. Lors de la canicule enregistrée en 2019, Vinci recommandait aux automobilistes d’éviter de rouler entre 12 heures et 16 heures et avait prévu une distribution d’eau sur les zones de péages et axes les plus fréquentés.
Refroidir coûte que coûte les datacenters
Comment refroidir les datacenters, ces gigantesques bâtiments où sont stockés des millions de serveurs pour héberger nos données Internet ? Ces équipements produisent énormément de chaleur. Durant les périodes de canicule, ils font l’objet d’une surveillance renforcée.
La plupart sont climatisés. D’autres technologies sont également expérimentées. Scaleway, la filiale de services en ligne (le « cloud ») d’Iliad/Free, a ainsi équipé un de ses datacenters d’un système de refroidissement dit adiabatique : il consiste à recourir à l’évaporation d’une eau préalablement purifiée, pour faire baisser la température à l’intérieur de la pièce où s’activent les serveurs. Cela lui a permis de consommer jusqu’à 40 % d’énergie en moins par rapport à la plupart des datacenters utilisant un système de climatisation, assurait l’entreprise au média Zdnet.
Optimiser la consommation d’eau côté agricole
Restent que tous ces dispositifs sont très consommateurs d’eau, alors que les ressources se font plus rares en raison de la sécheresse actuelle et plus globalement du réchauffement climatique.
Les agriculteurs sont ainsi confrontés à la multiplication d’arrêtés préfectoraux visant à limiter les usages de l’eau. « Sans être catastrophique, la situation demeure cependant préoccupante », estimait-on début juin à la FNSEA, alors que selon l’hydrologue et présidente de MayaneLabs, Emma Haziza, « la France s’oriente vers une sécheresse historique » qui pourrait dépasser celle de 1976. Menaçant les rendements en céréales, notamment ceux du blé, craint la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert.
Pour répondre à ces enjeux, le gouvernement a notamment doublé l’enveloppe (de 20 à 40 millions d’euros) à destination des agriculteurs désireux d’investir dans du matériel pour optimiser la consommation de l’eau, et mis 100 millions d’euros supplémentaires à disposition des agences de l’eau pour aider les filières agricoles à s’adapter ou créer des retenues d’eau.