Nucléaire : EDF pourrait abaisser à nouveau sa production à cause de la canicule
Dans un message adressé aux marchés, l’électricien français explique qu’il pourrait être contraint d’abaisser sa production nucléaire ces prochains jours, à cause des températures élevées des fleuves. Un réacteur de la centrale du Tricastin (Drôme) pourrait même être arrêté. Une production minimum sera toutefois maintenue pour la stabilité du réseau.AllemagneEDF
Par Enrique MoreiraPublié le 3 août 2022 à 14:45Mis à jour le 4 août 2022 à 7:20
La canicule affecte aussi les centrales nucléaires. Et par ricochet, la production d’EDF. L’électricien français pourrait en effet être contraint d’abaisser momentanément sa production d’électricité nucléaire, explique-t-il ce mercredi dans un message adressé aux marchés. Pis encore, un réacteur de la centrale du Tricastin pourrait même être arrêté.
« En raison des prévisions de températures élevées sur le Rhône, des restrictions de production sont susceptibles d’affecter le site de production nucléaire de Tricastin à partir du 6 août 2022 pouvant aller jusqu’à l’arrêt d’une tranche », écrit EDF. L’électricien précise toutefois qu’une production minimale de 400 mégawatts (MW) sera maintenue « avec le maintien de deux tranches couplées » afin d’assurer la stabilité du réseau. Pour rappel, la centrale nucléaire de la Drôme compte 4 réacteurs de 900 MW.
Plusieurs centrales concernées
Electricité de France avait déjà prévenu, depuis la fin de la semaine dernière, que la production de la centrale pourrait être affectée en raison de l’échauffement des cours d’eau utilisés pour refroidir les réacteurs. La réglementation française prévoit de réduire ou d’arrêter les réacteurs lorsque la température des rivières atteint certains seuils pour s’assurer que l’eau utilisée ne nuira pas à l’environnement lorsqu’elle sera rejetée dans les cours d’eau.
Canicule : EDF s’attend à de nouvelles baisses de production nucléaire cet été
« A date, seul le réacteur n°2 de Tricastin a modulé sa puissance afin de respecter son arrêté de rejets (à deux reprises durant quelques heures le 29 et le 31 juillet) », indiquait un porte-parole à l’AFP. Mais la centrale de la Drôme n’est pas la seule concernée. EDF a en effet mis également en garde sur de possibles « restrictions de production » à la centrale de Saint-Alban (Isère), elle aussi sur les bords du Rhône. Là encore, une production minimale est également prévue.
Dérogations possibles
De telles restrictions sont aussi envisagées à la centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne) en raison de prévisions de températures élevées pour un autre fleuve, la Garonne. Chaque centrale a ses propres limites réglementaires de température de rejet de l’eau à ne pas dépasser, afin de ne pas échauffer les cours d’eau environnants et d’en protéger la faune et la flore. Les centrales pompent pour le refroidissement des réacteurs, avant de la rejeter.
Canicule : pour éviter les coupures de courant, EDF pourra déroger aux règles environnementales
La réglementation prévoit de possibles dérogations temporaires sur certains sites. De telles dérogations ont été accordées récemment à quatre centrales pour qu’elles puissent fonctionner pendant les fortes chaleurs. Le gestionnaire de réseau de transport d’électricité RTE a ainsi demandé, mi-juillet, à EDF de maintenir en fonctionnement les centrales nucléaires de Golfech, du Blayais et de Saint-Alban.
RTE craignait des turbulences sur le réseau. D’autant que compte tenu des maintenances en cours sur le parc nucléaire d’EDF et du nombre de réacteurs toujours à l’arrêt pour des problèmes de corrosion, la moitié des réacteurs sont toujours indisponibles. La production d’électricité nucléaire française devrait de fait être la plus basse depuis trente ans en 2022, selon les dernières estimations de l’entreprise.
Flambée des prix
La mise à l’arrêt possible d’un réacteur du Tricastin, et les autres baisses de production devraient donc peser à nouveau lourdement sur le marché de l’électricité, à l’heure où l’Europe subit l’une des pires crises énergétiques de son histoire. Les tarifs se sont à nouveau envolés sur les marchés français et allemands. A 13 heures, mercredi, le prix spot de l’électron en France dépassait les 500 euros du mégawattheure (euros/MWh). A titre de comparaison, à la même heure du même jour l’an dernier, celui-ci s’affichait à 89 euros/MWh.
DECRYPTAGE Nucléaire : la production d’EDF au plus bas depuis 30 ans
Ces nouvelles baisses de production obligent EDF, le plus grand producteur européen d’électricité nucléaire traditionnellement exportateur, à importer encore plus d’électrons. En conséquence, l’Allemagne pourrait avoir à brûler plus de gaz pour maintenir la stabilité de son réseau et ce malgré la promesse de réduire sa dépendance à Moscou.
Pour éviter le black-out, le chancelier allemand Olaf Scholz a même ouvert mercredi la voie à une prolongation de la durée d’exploitation des trois dernières centrales nucléaires en activité dans le pays. Pour rappel, Berlin s’est fixé comme objectif de ne plus avoir du tout recours à l’atome d’ici à la fin de l’année.