exploitation minière des grands fonds (suite)
Il n’ y a pas qu’en zone Clipperton autorisée par l’AFMI qu’à lieu l’exploitation des grands fonds . La TMC remonte déjà des nodules pour batteries . Vu dans « energies de la mer »https://www.energiesdelamer.eu/2022/10/21/tmc-the-metals-company-remonte-des-nodules-pour-les-batteries/
L’exploitation minière du fond des océans pourrait démarrer dès juillet 2023, si un moratoire n’est pas adopté d’ici là. Une coalition d’ONG et de parlementaires appelle le gouvernement français à agir à la veille d’une réunion cruciale en Jamaïque.Biodiversité | 27 octobre 2022 | Laurent Radisson ACTU ENVIRONNEMENT
© samLes parlementaires et la coalition d’ONG dénoncent la position ambiguë de la France.
« Ce n’est pas un petit risque. On joue avec le feu en s’attaquant au plus grand puits de carbone ! » alerte Camille Étienne, activiste pour la justice sociale et climatique. Une douzaine d’ONG et des députés, français et européens, ont lancé, mercredi 26 octobre, un appel au gouvernement pour qu’il soutienne un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes. Cet appel, qui fait l’objet d’une proposition de résolution à l’Assemblée nationale, est lancé à la veille de la réunion du conseil de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), qui se tient du 31 octobre au 11 novembre, à Kingston, en Jamaïque.
Lors de cette réunion, sera négocié le projet de règlement sur les futures licences d’exploitation minière en eaux profondes. « En juin 2021, l’entreprise minière canadienne The Metals Company (TMC) et l’État insulaire de Nauru ont lancé un compte à rebours de deux ans à l’AIFM pour achever l’adoption des règles, règlements et procédures nécessaires afin d’ouvrir la voie à la délivrance des permis d’exploitation des grands fonds marins », explique Greenpeace France. Le conseil de l’AIFM cherche donc à finaliser les négociations sur ce règlement, afin qu’il soit opérationnel en juillet 2023. L’urgence est d’autant plus importante aux yeux des ONG qu’un permis test a été délivré à la société TMC, en septembre 2022, l’autorisant à extraire 3 600 tonnes de métaux dans la zone Clarion Clipperton, au cœur de l’océan Pacifique.
Députés et ONG demandent que le gouvernement traduise dans la réalité l’annonce d’Emmanuel Macron faite à l’occasion de la Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc), le 30 juin dernier, à Lisbonne. « Nous devons mettre en place un cadre réglementaire pour mettre un terme à l’exploitation minière en haute mer et interdire toute nouvelle activité dangereuse pour les écosystèmes océaniques », avait déclaré le président de la République. Une déclaration qui avait surpris très favorablement les ONG opposées à cette exploitation. « C’est vraiment encourageant », affirme encore aujourd’hui François Chartier, chargé de campagne océan chez Greenpeace.
« Pas un nouvel eldorado à conquérir »
« Alors que la guerre de tous contre chacun couve, et que la concurrence étend son empire sur les relations internationales, nous disons que l’éthique de responsabilité doit l’emporter et conduire l’humanité à coopérer pour assurer la protection des fonds marins. Les ressources présentes sous le plancher océanique ne sont pas un nouvel eldorado à conquérir », avertit Nicolas Thierry, député écologiste.
« Les interconnexions dans l’océan sont encore plus fortes que dans l’atmosphère », explique Christian Tamburini, directeur de recherche au CNRS. Toute perturbation au fonds de l’océan aura des conséquences sur des dizaines de kilomètres et pendant des décennies, explique le chercheur. Sans parler des pollutions occasionnées par les bateaux en surface.
Or, l’activité d’exploitation minière des gisements de métaux en eaux profondes pourrait avoir de lourdes conséquences. « C’est une activité dont les impacts potentiels sont énormes, qu’il s’agisse des effets toxiques des panaches de sédiments et des métaux lourds qui s’accumulent dans la chaîne alimentaire, de la libération des gaz à effet de serre séquestrés dans les sols océaniques ou de la destruction irréversible de la biodiversité marine », souligne la proposition de résolution signée par une petite vingtaine de députés appartenant à plusieurs groupes politiques (Ecol., Modem, Renaissance, LR, LFI, Soc., GDR, Liot). Une résolution qui devrait être examinée lors d’une niche parlementaire transpartisane, dans la semaine du 16 janvier, selon la députée Renaissance Sophie Panonacle, l’une des signataires.La connaissance très limitée du fond de l’océan, milieu très différent des écosystèmes terrestres, rend extrêmement périlleuse toute exploitation minière Nicolas Thierry, député Les connaissances restent toutefois parcellaires sur ces zones qui sont les moins accessibles de la planète. « Nous connaissons probablement mieux la surface de la lune que le fond de l’océan. La connaissance très limitée de ce milieu, très différent des écosystèmes terrestres, rend extrêmement périlleuse toute exploitation minière », souligne le député Nicolas Thierry. « Le principe de précaution doit prévaloir dès lors que l’on n’a pas la connaissance scientifique », confirme son collègue Stéphane Delautrette (Soc.). Dans son rapport publié en juin dernier, la mission d’information du Sénat sur les fonds marins avait d’ailleurs souligné la nécessité de ne précipiter ni la prospection ni l’exploitation des ressources minières des océans, en l’absence de connaissances scientifiques suffisantes.
Défendre un moratoire
La coalition d’élus et d’ONG demandent, par conséquent, au gouvernement français de défendre un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins tant qu’il n’aura pas été démontré, par des études scientifiques indépendantes, que cette activité ne dégrade pas les écosystèmes et ne provoque pas une perte de biodiversité. Plusieurs institutions, telles que le Parlement européen, la Commission européenne ou l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), se sont déjà prononcées en ce sens. C’est aussi le cas de l’industrie de la pêche, représentée au sein des conseils consultatifs de l’UE pour la pêche lointaine, pour les stocks pélagiques et pour les eaux occidentales australes, affirment les ONG. Sans oublier, ajoutent-elles, un appel commun signé par de grandes entreprises telles que Google, BMW, Renault, Volvo, Philips, Samsung ou Tesla.
Plusieurs États se sont également positionnés en faveur d’un moratoire. Les dirigeants des îles Fidji, Samoa et Palaos ont lancé une alliance en ce sens lors de la Conférence de Lisbonne et ont été rejoints, depuis, par les États fédérés de Micronésie. Quelques jours avant, le Chili avait réclamé une « pause de précaution » de quinze ans sur l’élaboration de règles autorisant l’exploitation. « Lors des récentes réunions de l’AIFM, un nombre croissant de pays, dont le Costa Rica, l’Afrique du Sud ou l’Espagne, demandent plus de temps afin de permettre une prise de décision informée par la science », rapportent également les ONG.
Les membres de la coalition demandent à l’exécutif français de se positionner dans le même sens, alors que la position de la France reste ambiguë, selon Anne-Sophie Roux, de Sustainable Ocean Alliance. « La France demande de meilleures contraintes environnementales dans le cadre légal, mais elle n’agit pas sur l’urgence de modifier ce cadre légal », explique la représentante de l’ONG. Notre pays détient, en effet, deux permis d’exploration dans les eaux internationales, à travers l’Ifremer : l’un destiné à l’étude des nodules polymétalliques dans la zone Clarion-Clipperton, celle où intervient également la société TMC ; l’autre destinée à l’étude des sulfures hydrothermaux dans la zone de la dorsale médio-Atlantique. En septembre dernier, le gouvernement a par ailleurs lancé un appel à projets en vue de déployer des solutions industrielles permettant des missions d’exploration des grands fonds marins, après avoir mis en place un comité de pilotage sur les grands fonds marins, en février 2022. Mais derrière l’exploration, l’exploitation pointe son nez, comme le prouve la stratégie présentée, en janvier 2021, par le Secrétariat général à la mer.
Bloquer le Code minier international
Tant que des garanties scientifiques ne sont pas apportées sur l’innocuité des activités extractives, les députés demandent à la France de bloquer l’adoption de toute réglementation par l’AIFM, de même que l’octroi de licences provisoires. « L’adoption du cadre réglementaire nécessite un consensus des 36 membres votants du conseil de l’AIFM », expliquent les ONG. Or, la France est membre de ce conseil. « Si la France rejoignait les pays leaders, elle aurait un vrai poids et freinerait l’octroi de contrats d’exploitation », explique Anne-Sophie Roux. « L’UE est à l’assemblée de l’AIFM, mais pas au conseil. Elle ne peut pas mettre le sujet sur la table, mais la France peut le faire », appuie également Marie Toussaint, eurodéputée écologiste, qui a lancé, avec sa collègue Caroline Roose et un élu du Vanuatu, une déclaration mondiale de parlementaires en faveur d’un moratoire.