les urgences de la COP 27 vues par le RAC (réseau action climat)
Alors qu’un tiers du Pakistan est sous les eaux, l’OCDE a annoncé que les subventions publiques aux énergies fossiles ont quasiment doublé en 2021 et devraient continuer de croître en 2022. C’est dans ce contexte que va se dérouler la COP27, du 6 au 18 novembre, en Égypte. Zoom sur les enjeux clés de ce Sommet pour le Climat.
Cette COP doit permettre de répondre aux impacts du changement climatique, qui se font de plus en plus criants : aujourd’hui, 3,3 à 3,6 milliards de personnes (quasiment la moitié de la planète) vivent dans des zones très vulnérables au changement climatique. Elle doit également apporter des signaux forts en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, qui sont trop élevées pour permettre de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C.
Priorité numéro 1 : une COP africaine qui répond aux besoins des populations les plus vulnérables
Les impacts du changement climatique sont déjà là et touchent de manière disproportionnée les communautés des pays qui en sont pourtant les moins responsables. Si les pays riches et développés ont historiquement accepté de fournir de l’argent aux pays en développement pour les aider à réduire leurs émissions et à s’adapter, ils ont toujours refusé, à l’exception récente de l’Écosse, de la Wallonie et du Danemark, d’allouer des financements spécifiques pour répondre aux impacts irréversibles provoqués par des cyclones, des sécheresses à répétition ou la montée du niveau des mers. Au-delà de l’aide humanitaire immédiate, les communautés doivent pouvoir reconstruire leurs vies de manière durable et décente suite à des événements qu’elles n’ont pas causé. Il est donc primordial que les pays développés, dont la France, acceptent lors de la COP27 de rétablir un semblant de justice climatique et de payer leur dette climatique aux pays impactés.
De plus, les questions d’adaptation au changement climatique – seront au centre de la COP 27, tant le continent africain est concerné par les impacts du changement climatique. L’année dernière à la COP 26, les pays développés se sont engagés à doubler le financement pour les projets d’adaptation pour qu’il atteigne 40 milliards de dollars par an d’ici 2025. Cela reste pourtant très éloigné des besoins, les coûts d’adaptation dans les pays en développement étant estimés entre 155 et 330 milliards de dollars d’ici à 2030 et 310 et 555 milliards de dollars d’ici à 2050. Cette promesse doit désormais se concrétiser.
L’adaptation au changement climatique, de quoi parle-t-on?
Face aux impacts des changements climatiques, au delà de réduire nos émissions pour limiter le réchauffement et ses impacts à venir, il faut s’adapter aux impacts actuels qui bouleversent déjà la vie de milliers de personnes. Il peut s’agir de construire des dunes pour freiner la montée des eaux, ou développer des systèmes d’alerte précoce pour la sécurité alimentaire. Malheureusement, tous les Etats ne disposent pas des mêmes moyens pour s’adapter: plus un pays est riche, plus il aura les moyens financiers et technologiques pour l’adaptation, alors que les pays du Sud sont souvent démunis face aux impacts, ce qui aggrave leur vulnérabilité.
Priorité numéro 2 : une COP qui continue de pousser les Etats à réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre
La crise énergétique précipitée par la guerre en Ukraine a provoqué un regain d’investissement dans les énergies fossiles. Pourtant, comme rappelé par l’Agence Internationale de l’Énergie, tout investissement dans de nouveaux projets d’énergies fossiles est incompatible avec l’Accord de Paris et son objectif de limiter le réchauffement de la planète à +1,5°C. A l’inverse, réduire nos émissions nécessite dès maintenant de stopper tout investissement dans les énergies fossiles, principales sources d’émissions de gaz à effet de serre.
Consommer les réserves d’hydrocarbures déjà en cours d’exploitation suffisent à nous faire dépasser les 1,5°C et 40 % des mines de charbon et champs pétrolier et gazier devront être fermés prématurément pour espérer les respecter. Les Etats doivent impérativement stopper tout financement aux nouveaux projets d’énergies fossiles et investir massivement dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
La tentative de décrire le gaz fossile comme une énergie de la transition, particulièrement dans les pays en développement, est un mensonge : les énergies renouvelables sont moins chères, permettent de sécuriser l’approvisionnement en énergie dans un contexte d’instabilité et de forte volatilité des marchés internationaux, et garantissent un meilleur accès à l’énergie de la population. Des engagements des pays, en particulier les plus émetteurs, sont attendus pour cette COP27 pour pallier au manque d’ambition de celle de l’an dernier, à Glasgow.
Priorité numéro 3 : une COP qui dénonce le greenwashing et les faux-semblant
Comment s’assurer que les États respectent bien leurs promesses, que ce soit dans l’atteinte de leurs objectifs de réductions d’émissions ou dans l’argent qu’ils annoncent donner et/ou recevoir pour lutter contre le changement climatique ? L’Accord de Paris avait tout prévu, c’est-à-dire un mécanisme d’évaluation, appelé Bilan Mondial, qui donnera ses résultats à la COP28 en 2023. Ce mécanisme est toujours dans une phase de préparation : il est capital que les pays le construisent de manière robuste afin qu’ils puissent rendre des comptes sur les progrès réalisés, et la COP27 a un rôle important à jouer en ce sens.
Il est important également d’assurer une COP qui ne laisse pas de place au greenwashing ni aux fausses solutions : les communautés locales et autochtones, gardiennes de nos écosystèmes, doivent être celles que l’on écoute et non les entreprises polluantes qui tentent simplement de conserver le statu-quo pour maximiser leurs profits au détriment du climat et de la biodiversité.
La protection des droits humains et la lutte contre le réchauffement climatique : deux combats indissociables
Limiter le réchauffement à +1,5°C n’est pas simplement un objectif pour la plupart des communautés impactées, mais un droit humain fondamental. Les solutions apportées pour faire face à la crise climatique ne peuvent pas aller à l’encontre des droits des personnes ou aggraver les inégalités entre les genres. Par exemple, l’agroécologie, une solution portée par la majorité des communautés paysannes dans le monde, doit être promue dans l’enceinte de la COP, plutôt que les solutions promues par l’ agrobusiness, une industrie fortement polluante.
Quel rôle pour la France ?
La France a son rôle à jouer dans ce contexte, à deux niveaux. Sur son territoire national, elle doit accélérer sa transition écologique en s’assurant de réduire ses émissions plus vite tout en garantissant la justice sociale. Cela doit se traduire par l’adoption d’un budget qui ne finance pas des dépenses néfastes au climat et à la biodiversité, , l’investissement dans la rénovation des passoires énergétiques, dans le ferroviaire ou encore l’introduction d’une taxe sur les super profits.
Elle doit également payer sa dette climatique à l’égard du reste du monde, en offrant un soutien financier de meilleure qualité aux pays du Sud les plus durement affectés par le changement climatique.
La COP27, et après?
L’année 2022 ne doit pas seulement être celle du succès de la COP climat en Egypte, mais aussi de la COP biodiversité (la COP15), qui doit se tenir du 7 au 19 décembre prochain à Montréal sous présidence chinoise. Les engagements des Etats, que ce soit pour le climat ou la biodiversité, doivent être de la plus haute ambition afin de protéger les personnes, mais aussi les écosystèmes face au changement climatique.