Colloque : L’Université de Guyane s’intéresse aux « régimes des autochtones et populations locales » des Outre-mer
Des intervenants nombreux seront présents de Guyane, Nouvelle-Calédonie, Mayotte et de France hexagonale mais aussi d’Italie et du Brésil ; des communications écrites sont prévues pour Wallis et Futuna et le Costa Rica : représentants des populations autochtones et locales, universitaires, politiques, représentants de la société civile vont débattre sur les régimes des autochtones et populations locales des outre-mers français et apporteront pour certains un regard comparatiste.
Des artistes proposeront aussi des variations littéraires et une résidence d’artistes. Avec le soutien du FEAC (ministères des Outre-mer et de la culture), des DRAC AuRA et DAC de Guyane et de nombreux partenaires, dix artistes se retrouvent pour un second temps de résidence après une première partie qui s’était tenue à Clermont-Ferrand en décembre 2021 : Copeau Marteau, Procédé Zebre et les voleurs de soleil. La résidence se déroulera sur l’ensemble de la semaine et donnera lieu le 28 octobre 2022 à une restitution à Saint-Laurent du Maroni. Certains intervenants proposeront des conférences spécifiques au cours de la semaine. Des temps d’échanges riches s’annoncent permettant rencontres et débats, sans oublier l’art et la culture comme vecteurs de mise en lien, de découverte et d’engagement.
La vision française des droits de l’Homme et de l’État de droit est celle de l’universalisme républicain. Certes, l’attachement séculaire et fondamental de la France au principe supérieur d’égalité n’a pas empêché, tout en étant constamment réitéré, le développement de l’aspiration de la nation française si diverse, à la décentralisation. La longue histoire de la France a réuni des populations étonnamment diverses, et simultanément unies dans leur destin national voué à la Patrie. Et plus les composantes des populations françaises sont distinctes, plus la demande d’égalité y fait sens. Ce dualisme au cœur de la nation a dû forger la confrontation de la France à des populations qu’elle a renoncé à englober dans un moule unique que ce soit en France hexagonale ou Outre-mer.
Outre-mer, évidemment, la question du respect des identités des populations autochtones ne pouvait que se poser de manière aigüe pendant et après la colonisation. Notons d’ailleurs que les mouvements qui, pendant la colonisation, outre-mer, défendaient les identités des populations autochtones, réclamaient non pas moins de France mais à l’inverse l’égalité authentique des Français (cf Aimé Césaire : et bien chiche) qu’ils soient ou non issus des colonies. C’est le principe fondamental instauré en 1946, lors de la fin de l’Empire colonial et la proclamation par la nouvelle Constitution de l’égalité des Français, tous citoyens dans toutes les terres françaises en Europe comme Outre-mer. Il est révélateur que dès lors, le nouveau régime des outre-mers français est traversé par une césure essentielle, distinguant les collectivités à identité législative, de droit commun, et celles faisant place à leur spécificité législative.
En effet l’absence de totale assimilation à certains égards dans certains territoires était, elle, la garantie du respect et de la protection de la France. La page de l’Empire colonial avec ses discriminations est tournée, mais cela n’implique pas le passage d’un rouleau compresseur prétendant à l’unicité des cultures rassemblées. Et c’est au nom de ce qu’on appellera plus tard l’égalité réelle, que des différences de régimes sont instaurées entre les populations des outre-mers. Il y a longtemps que nos hautes juridictions ont expliqué que l’égalité ne prévaut que dans les situations identiques.
Ce paysage juridique nuancé ne concerne plus aujourd’hui essentiellement que quatre collectivités françaises : la Guyane, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Là, la République française égalitaire a aménagé, et elle maintient des régimes spécifiques aux autochtones. Dans deux de ces collectivités, la situation se caractérise même par la présence aussi de populations locales, implantées depuis la colonisation, en plus des autochtones, « peuples premiers » : la Guyane et la Nouvelle-Calédonie.
Quelques mots ici au sujet de la Polynésie française. Notre colloque l’exclut de son champ d’analyse direct car il n’y a pas de droit coutumier polynésien en vigueur. Il n’existe pas de droit positif des coutumes polynésiennes… Nous savons bien que des usages locaux propres y existent qu’on pourrait rattacher au droit privé (comme en matière d’adoption par exemple) ou en droit public (au sujet des juridictions foncières par exemple) mais cette zone d’usages intermédiaires relève de sciences sociales étrangères à la norme juridique. En Polynésie française, il existe un peuple autochtone et une civilisation ancienne, mais pas d’institutions propres participant à la République. Ainsi n’y a-t-il qu’en Nouvelle-Calédonie et en Guyane que se trouvent, dans les deux cas, une assemblée des chefs coutumiers qui est aussi une institution de la République.
Notre colloque pose donc la question de savoir comment la France, patrie de l’égalité des populations s’acquitte de sa mission de conciliation de visées divergentes pour le respect des identités de l’ensemble national. Cette ambition mérite des analyses approfondies, tant cas par cas, dans chacune des quatre collectivités évoquées, que dans la recherche des problématiques d’ensemble susceptibles d’être dégagées. Bien évidemment, les ressources du comparatisme doivent être mises à contribution : comment procède-t-on à l’étranger ? Comment la République française unitaire elle-même procède-t-elle dans ses collectivités autres que les quatre particulièrement analysées, dans son choix pour la décentralisation et la différenciation, loin de l’uniformité ? Et quelles sont les réponses du droit international et du droit européen, particulièrement dans leur traitement des droits de la personne humaine ?
Les deux versants : spécificités et généralités, des questions en cause, forment les deux parties de nos travaux. Notre manifestation se caractérise par sa pluridisciplinarité : en effet, elle articule ses raisonnements tant sur la base des régimes juridiques en présence, résultant d’apports des différentes branches du droit, que sur l’éclairage des conditions de vie qui en sont le soubassement. Ce colloque a pour objet d’une part d’éclairer les méthodes juridiques visant à établir et pratiquer les régimes des autochtones et populations locales et, d’autre part, il veut s’appliquer à interroger tous les intéressés, sur leur point de vue à l’égard des politiques pratiquées et sur les améliorations attendues.
Patrick Chamoiseau a déclaré, le 7 septembre 2022, dans Le Monde que le « système outre-mer » est une « ténèbres d’archaïsmes et d’aberrations ». Souhaitons que nos travaux contribuent à l’éclairage de « la flambée de lucioles » qu’il appelle de ses vœux. Nous souhaitons précisément analyser les « différences fécondes » et les « singularités hautes » que la passion française de l’égalité devra savoir développer.
L’Université de Guyane et son laboratoire MINEA y procèdent grâce aux soutiens de multiples acteurs en interne et en externe que nous remercions très vivement. La manifestation est coportée avec l’Université Clermont Auvergne et son programme « Transmission, citoyenneté et engagement » avec le soutien de l’Institut d’études et de la recherche sur le droit et la justice. L’État nous accompagne au titre de ce projet spécifique et plus largement des programmes « Sociétés, cultures et politiques » et « Transmission, citoyenneté et engagement » dont les ministères des Outre-mer et de la culture et l’appui du FEAC, la DAC de Guyane et la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes.
Des collectivités territoriales s’engagent et au premier chef la collectivité territoriale de Guyane, le conseil départemental du Puy-de-Dôme, la ville de Clermont-Ferrand et son label l’égalité c’est toute l’année, mais encore les communes de Cayenne, Rémire-Montjoly, Saint-Laurent du Maroni. L’appui est aussi celui du comité du tourisme de Guyane et du CNFPT de Guyane. Des entreprises, de nombreuses associations et sans compter des établissements scolaires et d’enseignement supérieur, que nous ne saurions citer tous, sont là fortement.
Parmi ces acteurs, l’Agence universitaire de la francophonie nous permet de tisser des liens forts entre partenaires de la francophonie universitaire et de bâtir l’avenir avec une jeunesse résolument engagée. Il nous le permet dans ce colloque et au-delà à l’échelle des programmes que nous portons et qui vont se décliner toute au long des semaines à venir dans le cadre de plusieurs manifestations autour des thématiques du handicap et de la cohésion, à Saint-Laurent du Maroni, MACAPA et Sao Paulo. Parmi ces acteurs, il y a Outremers360 qui nous accompagne et va accueillir au cours des prochaines semaines une synthèse des contributions au colloque « Les régimes des autochtones et populations locales des outre-mers français. Droit et politiques comparés ».
Nous portons tous des valeurs fortes et une volonté de mailler nos territoires et d’œuvrer ensemble pour répondre aux exigences académiques et sociales. Nous y contribuons par des entrées multimodales : scientifiques, culturelles et sportives.
Florence Faberon
Le lien de connexion peut être demandé à florence.faberon@univ-guyane.fr