Hydrogène vert : L’importation moins chère que la production locale en 2030 ?
- 31.01.2023
- PHILIPPE SCHWOERER
Source : image de macrovector sur Freepik
Selon une étude de la société d’expertise-conseil Aurora Energy Research, dans certains pays européens, l’importation d’hydrogène vert en provenance du Maroc pourrait être plus avantageuse à horizon 2030 qu’une production nationale.
Fondé en 2013 par des professeurs et des économistes de l’université britannique d’Oxford, Aurora Energy Research s’active à rendre compte de la transformation mondiale des systèmes énergétiques poussée par l’actuelle situation environnementale. Elle diffuse pour cela des analyses qui décryptent les données relevées sur les marchés internationaux. Pour signaler qu’en 2030 les importations d’hydrogène vert pourraient être compétitives, et même parfois moins chères que la production nationale en Europe, l’organisme a plus particulièrement étudié le cas de l’Allemagne.
Pourquoi ce pays ? Sans doute parce que Aurora Energy Research a ouvert à Berlin un bureau particulièrement actif. Les résultats publiés s’inscrivent dans la volonté de l’UE, exprimée dans son plan REPowerEU, de réagir aux perturbations constatées sur les marchés mondiaux de l’énergie à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. De façon plus ou moins importante, l’hydrogène vert est ainsi appelé à prendre le relais du gaz naturel, du charbon et du pétrole dans les transports, ainsi que dans les industries difficiles à décarboner.
3,72 euros le kg au mieux depuis le Maroc
En se limitant aux électrolyseurs directement branchés aux énergies solaire et éolienne, mais isolés du réseau électrique national, le coût de production de l’hydrogène vert en Allemagne s’inscrirait dans une fourchette de 3,90 à 5 euros le kilogramme. Il s’agit d’une estimation actualisée et moyenne sur la durée de vie des installations. Inutile de ménager le suspense, le scénario le plus concurrentiel, hors fourniture intra-EU, serait une importation par pipeline depuis le Maroc où le coût de production locale s’élève à 3,20 euros le kg.
Selon ses propres travaux de projection, Aurora Energy Research estime que le coût de revient livré en Allemagne, en comprenant les surcoûts de transport et de conditionnement, reviendrait à 3,72 euros le kg. Sauf qu’il n’est pas prévu actuellement de développer un tel réseau d’acheminement à cette échéance. Et c’est dommage a priori, car la société d’expertise-conseil affirme qu’il permettrait de réduire d’au moins 20 % les coûts d’importation par rapport à un transport par bateau jusqu’au nord du pays, dans la ville portuaire de Wilhelmshaven. Dans ce cas, les chiffres remonteraient à 4,58 euros le kg d’hydrogène vert liquide.
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Autres pistes envisagées
L’organisme a envisagé des conditionnements alternatifs. Ainsi en passant par les LOHC (Liquid Organic Hydrogen Carrier), ces liquides organiques porteurs de la molécule H2 qui ont la faveur de la société allemande Hydrogenious LOHC Technologies depuis sa création en 2013. Ce serait un peu plus cher encore, toujours avec un transport par bateau : 4,68 euros le kg. Mais moins que de passer par l’ammoniac en incluant le coût du reconditionnement à destination de l’hydrogène dans sa forme standard : 4,72 euros. Ce qui resterait tout de même compétitif. Tout comme employer cette solution pour des importations depuis l’Australie et le Chili où le coût de production à 3,10 euros le kg est encore moins cher qu’au Maroc : respectivement 4,84 et 4,86 euros le kg tout compris. Aurora Energy Research indique d’ailleurs que, depuis ces pays, le transport sous forme d’ammoniac serait la seule intéressante pour l’Allemagne. Une simulation avec les Emirats arabes unis apporte en revanche un dissuasif 5,36 euros le kg. En local, le coût de production de 3,60 euros le kg coiffe celui des 3 autres potentiels importateurs pour l’Europe en 2030.
Mieux que le Maroc
Aurora Energy Research a toutefois trouvé mieux que le Maroc pour fournir de l’hydrogène vert à l’Allemagne. Il s’agit de l’Espagne où le coût de production à horizon 2030 serait de 3,10 euros le kg. En imaginant un très hypothétique pipeline entre les 2 pays européens, le coût en comprenant la part du transport et du conditionnement s’élèverait à 3,46 le kg, soit 0,26 euro de moins qu’en faisant venir le produit depuis le Maroc dans les mêmes conditions. Les solutions par bateau seraient d’ailleurs compétitives, selon la modélisation de l’organisme britannique : 4,35 euros le kg d’hydrogène vert liquide, 4,56 sous forme d’ammoniac, et 4,57 en LOHC.
Pourquoi envisager des importations pour un pays comme l’Allemagne ? Tout d’abord parce que les objectifs retenus par le plan REPowerEU fixent une production d’hydrogène annuel d’ici 2030 de 10 millions de tonnes, supposant que l’Europe dispose d’au moins 75 GW de capacité installée pour les électrolyseurs. Ceux-ci seront inégalement répartis sur le vaste territoire, en fonction tout particulièrement des conditions météorologiques. A ce jeu, du fait de son ensoleillement, l’Espagne est mieux placée que l’Allemagne. D’où des flux inévitables à travers l’Europe. D’autant plus que, selon les chiffres à disposition par les rédacteurs de l’étude, « 30 % des projets actuellement en développement, totalisant une capacité [d’électrolyse] de 31 GW, visent à produire de l’hydrogène pour l’exportation ».