Réchauffement climatique (suite)
Malgré une prise de conscience et des politiques croissantes, la planification et la mise en œuvre de l’adaptation ne sont pas à la hauteur des besoins. Les mesures d’adaptation ne sont pas réparties de manière égale à l’échelle mondiale et la plupart des mesures d’adaptation sont fragmentées, progressives et spécifiques à un secteur.
Dans le pire des cas, des mesures d’adaptation mal mises en œuvre (maladaptation) peuvent maintenir ou aggraver les déséquilibres de pouvoir sociétaux et économiques existants. Certaines communautés et certains écosystèmes en première ligne face au climat atteignent déjà les limites de l’adaptation. [A.3, A.3.1, A.3.3, A.3.4, A.3.5]
Les niveaux actuels des ressources financières dédiées au climat sont très insuffisants et sont encore largement dépassés par les flux de financement des énergies fossiles.
Le climat a été suffisamment modifié pour que l’adaptation soit une priorité au même titre que la réduction rapide des émissions. Or, les coûts estimés de l’adaptation dépassent largement les fonds qui lui sont actuellement alloués, en particulier pour les pays en développement. Il en va de même pour l’atténuation, où les financements sont insuffisants pour atteindre les objectifs climatiques dans tous les secteurs et toutes les régions. Les fonds publics et privés consacrés aux combustibles fossiles sont toujours plus importants que ceux destinés à l’adaptation au changement climatique et à l’atténuation de ses effets.
L’écrasante majorité des fonds affectés au climat est consacrée à l’atténuation, mais reste en deçà des niveaux nécessaires pour limiter le réchauffement à moins de 2°C ou à 1,5°C [A.2.3, A.2.4, A.2.5, A.2.5]. [A.2.3, A.3.5, A.3.6, A.4, A.4.1, A.4.5, C.2 et C.7.2].
Les plans existants et les lacunes dans leur mise en œuvre nous conduisent vers un avenir dangereux. Les politiques et les lois relatives à l’atténuation n’ont cessé de se développer depuis le Rapport d’évaluation 5 du GIEC. Les émissions de GES en 2030 prévues par les contributions déterminées au niveau national (NDC) font qu’il est probable que leréchauffement dépassera 1,5 °C au cours du XXIe siècle et qu’il sera plus difficile de limiter le réchauffement en dessous de 2 °C. Il existe un « écart de mise en œuvre » entre les politiques en place et les NDC – les politiques mises en œuvre d’ici la fin de l’année 2020 devraient entraîner des émissions mondiales de GES plus élevées en 2030 que ce que prévoient les NDC. Si cet écart n’est pas comblé, nous nous dirigeons vers un réchauffement de la planète de 3,2 °C d’ici 2100. [A.4, A.4.3, A.4.4]
Dans tous les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, à l’exception du scénario à très fortes émissions (SSP5-8.5), l’anomalie de température devrait atteindre + 1,5°C dans la première moitié des années 2030 [ENCADRÉ SPM1 TABLEAU 1, B.1.1, B.1.1 note de bas de page 29 et B.7].
Grâce aux énergies renouvelables et à d’autres mesures d’atténuation, les nouvelles ne sont pas toutes mauvaises. L’énergie solaire et éolienne, l’électrification des systèmes urbains, les ‘infrastructures urbaines vertes, l’efficacité énergétique, la gestion de la demande, l’amélioration de la gestion des forêts, des cultures et des pâturages, et la réduction des déchets et des pertes alimentaires sont tous techniquement viables, de plus en plus rentables et généralement soutenus par le public. Entre 2010 et 2019, les coûts unitaires de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne ont diminué respectivement de 85 % et de 55 %, et les coûts unitaires des batteries au lithium-ion ont chuté de 85 %. [A.4.2]
Comment limiter le réchauffement climatique ?
Limiter le réchauffement climatique d’origine humaine nécessite des émissions nettes de CO2 nulles, nous en sommes très loin.
Plus les émissions seront réduites rapidement au cours de cette décennie, plus nous aurons de chances de limiter le réchauffement à 1,5°C ou 2°C.
Or, les émissions de CO2 anticipées des infrastructures existantes d’énergies fossiles, sans réduction supplémentaire, dépassent le budget carbone restant pour 1,5°C. [B.5 et B.5.3]
Mais nous devons également réduire d’autres émissions. Pour parvenir à des émissions nettes de GES nulles, il faut avant tout réduire fortement les émissions de CO2, de méthane et d’autres gaz à effet de serre, ce qui implique des émissions nettes de CO2 négatives, c’est à dire la captation de carbone atmosphérique. Dans les scénarios modélisés qui limitent le réchauffement à 1,5 °C (>50 %) sans dépassement ou avec un dépassement limité, les émissions mondiales de méthane sont réduites de 34 [21-57] % d’ici 2030 par rapport à 2019. [B.5.1 et B.6.2]
Il n’est plus possible d’atteindre les objectifs de température fixés dans le cadre de l’Accord de Paris sans émissions négatives, mais les approches doivent être utilisées avec précaution et ne représentent qu’une petite partie de la solution. Certaines émissions résiduelles de GES difficiles à réduire (par exemple, certaines émissions provenant de l’agriculture, de l’aviation, du transport maritime et des processus industriels) subsistent et devraient être contrebalancées par le déploiement de méthodes d’élimination du dioxyde de carbone (CDR) pour parvenir à des émissions nettes de CO2 ou de GES nulles.
Les technologies d’élimination du carbone reposent sur l’idée que le CO2 déjà émis peut être éliminé de l’atmosphère à l’aide de méthodes naturelles, comme la plantation d’arbres, ou de solutions techniques, comme le « Captage et le stockage du carbone » (CSC) ou le « Captage direct dans l’air » (souvent associé au CSC sous le nom de DACCS). Les recherches menées par les Amis de la Terre International ont démontré la multitude de problèmes que posent les méthodes d’élimination « basées sur la nature ». Ces projets sont synonymes d’accaparement des terres et de violation des droits, principalement ceux des communautés vulnérables dans les pays du Sud. Ces solutions ne feront qu’aggraver la crise climatique au lieu de la résoudre.
La capture et séquestration de carbone (CSC) pourrait réduire les émissions provenant de sources d’énergie et d’industries fossiles à grande échelle, à condition que le stockage géologique soit disponible. La mise en œuvre du CSC se heurte actuellement à des obstacles technologiques, économiques, institutionnels, écologiques, environnementaux et socioculturels.
Actuellement, les taux mondiaux de déploiement du CSC sont bien inférieurs à ceux des trajectoires modélisées limitant le réchauffement de la planète à 1,5°C ou 2°C. Les méthodes biologiques de réduction des émissions de carbone, telles que le reboisement, l’amélioration de la gestion des forêts, la séquestration du carbone dans le sol, la restauration des tourbières et la gestion du carbone bleu dans les zones côtières, peuvent améliorer la biodiversité et les fonctions des écosystèmes, l’emploi et les moyens de subsistance au niveau local. Cependant, le boisement ou la production de cultures de biomasse peuvent avoir des effets socio-économiques et environnementaux négatifs, notamment sur la biodiversité, la sécurité alimentaire et hydrique, les moyens de subsistance locaux et les droits des peuples autochtones, en particulier s’ils sont mis en œuvre à grande échelle et lorsque le régime foncier n’est pas sûr [B.5.1, B.6.2, B.6.3, Note de bas de page 47, B.6.4]
Les discussions sur les aspects pratiques de 1,5°C par rapport à 2°C deviennent moins pertinentes, car l’effort nécessaire pour cette décennie est le même. Toutes les trajectoires modélisées au niveau mondial qui limitent le réchauffement à 1,5°C (> 50%) sans dépassement ou avec un dépassement limité, et celles qui limitent le réchauffement à 2°C (> 67%), impliquent des réductions rapides et profondes et, dans la plupart des cas, immédiates des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs au cours de la présente décennie.
Un monde ambitieux nous apportera de nombreux avantages. De nombreuses mesures d’atténuation auraient des effets bénéfiques sur la santé, grâce à la réduction de la pollution atmosphérique, à la mobilité active (par exemple, la marche, le vélo) et à l’adoption de régimes alimentaires durables et plus sains. Des réductions fortes, rapides et durables des émissions de méthane peuvent limiter le réchauffement à court terme et améliorer la qualité de l’air [C.2.3, C.3.7, C.4, C.4.3, C.5, C.5.3, C.6.3 et C.6.5].
D’un point de vue financier, même si l’on ne tient pas compte de tous les avantages liés à la prévention des dommages potentiels, les avantages économiques et sociaux globaux liés à la limitation du réchauffement de la planète à 2 °C dépassent le coût des mesures d’atténuation dans la plupart des documents évalués. Si l’on veut atteindre les objectifs climatiques, les financements de l’adaptation et de l’atténuation doivent être fortement augmentés. Les capitaux mondiaux sont suffisants pour combler les déficits d’investissement à l’échelle mondiale, mais il existe des obstacles à la réorientation des capitaux vers l’action climatique. Dans les scénarios modélisés qui limitent le réchauffement à 2°C ou 1,5°C, l’investissement annuel moyen nécessaire à l’atténuation pour la période 2020-2030 est trois à six fois plus élevé que les niveaux actuels [C.2.4, C.2.5, C.2.6, C.2.7]. [C.2.4, C.2.5, C.7, C.7.2, C.7.3 et C.7.4].
L’énergie solaire et éolienne, très abordables, nous permettent d’assurer cette transition, tout comme l’amélioration de l’efficacité énergétique. La diversification de la production d’énergie (éolienne, solaire, hydroélectricité à petite échelle) et la gestion de la demande (stockage et amélioration de l’efficacité énergétique) peuvent accroître la sécurité énergétique et réduire les vulnérabilités climatiques [C.3.2 et SPM FIG 7, panel A].
« Le rapport de synthèse du GIEC nous donne les preuves les plus claires à ce jour des ravages du changement climatique et de notre incapacité à nous attaquer à ses causes profondes. Il en découle clairement que nous devons agir immédiatement pour éliminer progressivement le charbon, le pétrole et le gaz. L’analyse par l’IIDD des trajectoires du GIEC vers 1,5°C montre que la production de pétrole et de gaz doit diminuer de 30 % d’ici à 2030 et de 65 % d’ici à 2050. Toute conclusion selon laquelle nous pouvons retarder la transition énergétique en capturant des quantités massives de carbone provenant des combustibles fossiles ou de l’énergie éolienne est inacceptable. Sans une forte baisse de la production et de la consommation de tous les combustibles fossiles, les progrès remarquables dans le déploiement des énergies renouvelables au cours des dernières années n’auront aucun sens pour le climat. »
Olivier Bois von Kursk, analyste politique, Institut international du développement durable (IIDD).
Changement climatique : l’adaptation
Nous devons utiliser judicieusement les terres disponibles, et la protection de la nature nous protégera également. La conservation, l’amélioration de la gestion et la restauration des forêts et autres écosystèmes offrent la plus grande part du potentiel d’atténuation économique, la réduction de la déforestation dans les régions tropicales présentant le potentiel d’atténuation total le plus élevé.
Les options d’adaptation efficaces comprennent l’amélioration des cultures, l’agroforesterie, l’adaptation communautaire, la diversification des exploitations et des paysages et l’agriculture urbaine.
Le maintien de la résilience de la biodiversité et des services écosystémiques à l’échelle mondiale dépend de la conservation efficace et équitable d’environ 30 à 50 % des terres, des eaux douces et des océans de la planète, y compris les écosystèmes actuellement proches de l’état naturel. La conservation, la protection et la restauration des écosystèmes terrestres, d’eau douce, côtiers et océaniques, associées à une gestion ciblée visant à s’adapter aux effets inévitables du changement climatique, réduisent la vulnérabilité de la biodiversité et des services écosystémiques au changement climatique, diminuent l’érosion côtière et les inondations, et pourraient accroître l’absorption et le stockage du carbone si le réchauffement de la planète est limité.
La coopération et la prise de décision inclusive avec les peuples autochtones et les communautés locales, ainsi que la reconnaissance des droits inhérents des peuples autochtones, font partie intégrante d’une adaptation et d’une atténuation réussies dans les forêts et les autres écosystèmes [C.3.5 et C.3.6].