Géopolitique des Outre-mer : Une « analyse comparée rare » et « intéressante » avec « un regard mondial sur les Outre-mer », estime Hervé Mariton (outremers 360°)
« Le dernier ouvrage de Fred Constant « Géopolitique des Outre-Mer, entre déclassement et (re)valorisation » (Le Cavalier Bleu, Ed.) mérite d’être lu et analysé », défend Hervé Mariton, ancien ministre et président de la FEDOM, dans une analyse transmise à notre rédaction. « L’actuel professeur à l’Université des Antilles propose un regard mondial sur les Outre-mer, une analyse comparée, trop rare, intéressante, sur l’ensemble de la planète, de Porto-Rico à la Martinique, de Guam à la Nouvelle-Calédonie… ».
Fred Constant constate, partout, une grande ignorance des métropoles à l’égard des Outre-mer. Cette ignorance n’exclut pas une affection, circonstancielle ou plus pérenne, individuelle ou collective, mais les hommes comme les institutions connaissent peu ces territoires, n’ont pas « le réflexe outre-mer ». Ils ne sont hélas pas véritablement intégrés aux logiciels métropolitains. La qualité de l’intégration à la Nation varie selon les pays et entre territoires dans un pays. Ainsi la très bonne intégration de Hawaï dans l’ensemble des Etats-Unis contraste avec la mise à distance de Porto-Rico. Les Portoricains sont de vrais citoyens américains ailleurs dans le monde, mais pas aux Etats-Unis !
L’intérêt stratégique est souligné par l’auteur. Il est en vérité très variable, pas toujours reconnu pour les propres alliés des puissances concernées. Quel intérêt stratégique portent les Pays-Bas ? Si Guam (Etats-Unis) et Diego Garcia (Royaume-Uni) jouent une rôle militaire important, qu’en est-il des Antilles britanniques ? La place de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie, de la Polynésie française, de La Réunion, dans l’Indopacifique est-elle tout à fait appréciée par nos alliés américains et britanniques, piliers de l’AUKUS ?
L’auteur aborde le débat de l’égalité, et de la différence, vers « l’égalité réelle » dans la voie de la différenciation. Mon constat est que les territoires ayant suivi le chemin le plus différent, par exemple dans les Antilles britanniques, sont sans doute les moins « à égalité » avec leur métropole…On savait la difficulté de la conciliation de ces deux dimensions, l’auteur aurait pu s’y attarder. Et lorsqu’il parle d’égalité en Nouvelle-Calédonie, on aurait apprécié qu’il distinguât l’inégalité économique et l’inégalité politique, aux polarisations inversées.
Les coopérations régionales sont abordées de façon très complète dans leur dimension institutionnelle mais quel effet aura sur l’économie et la société le mouvement de régionalisation de la mondialisation. Les Outre-mer étaient souvent sur la route entre la métropole et du vaste monde. Et demain ?
L’auteur aborde les enjeux environnementaux, par exemple la protection des océans, la place des régions ultrapériphériques dans la stratégie européenne du « Fit for 55 » (- 655% d’émissions de carbone d’ici 20230), véritable défi. Il énonce que les territoires sont « très faiblement pollueurs ». Ce n’est pas tout à fait vrai. La transition énergétique est en route mais le mix reste souvent très carboné, en attente de développement des énergies renouvelables et faute de nucléaire, les transports publics sont rares, la voiture très présente, le transport aérien essentiel. Surtout la plupart de ces économies sont très dépendantes d’importations contribuant à une empreinte carbone élevée. Ce sont des réalités qu’il faut gérer tant pour ancrer un tourisme durable…que pour éviter l’élévation du niveau de la mer (ou s’y adapter). C’est dire l’importance vitale de la transition écologique et énergétique dans les Outre-Mer. Il y a là, comme le dit l’auteur, matière à « bataille » pour les entreprises, pour les économies, pour toutes les sociétés ultramarines.
Enfin, l’auteur conclut sur la question de « l’autonomie ». L’histoire, les mentalités politiques font qu’elle est abordée de façon très différente selon les pays. Mais oui, il y a l’aspiration, rarement à l’indépendance, mais partout à davantage de maîtrise de « leur propre maison ». Derrière le mot, les approches institutionnelles diffèrent. Le mot « autonomie » parfois inquiète, quand il souligne l’ampleur et la limite des responsabilités respectives du territoire et de la métropole.
Sait-on concilier la liberté locale et l’égalité, les débats de principe et les dures réalités de la vie, entre autres celle des entreprises ? Fred Constant aura apporté un éclairage mondial à quelques questions que ni les ultramarins, ni leurs amis de métropole ne peuvent ignorer.
Ancien Ministre
Président de la FEDOM