Les compagnies pétrolières ne préparent pas la transition énergétique (usine à GES)
Par Stephane His
Les profits exceptionnellement élevés des producteurs d’hydrocarbures serviront avant tout à rémunérer l’actionnaire, rappelle Stéphane His.
Plusieurs informations en relation avec le monde pétrolier sont venues se télescoper récemment. Elles nous renvoient des messages essentiels sur ce secteur et son rôle dans le monde bas carbone de demain. Loin des images largement diffusées, l’avenir de l’industrie pétrogazière s’inscrit entre continuités des investissements dans les énergies fossiles, pic de la consommation de pétrole annoncée et une réorientation stratégique vers les énergies-bas carbone avortée.
Ces dernières semaines, trois éléments de communications autour de l’industrie pétrole-gazières peuvent être relevés : il s’agit de deux rapports publiés par l’Agence International de l’Energie et des récentes annonces faites par BP ou Shell sur leurs nouvelles stratégies dans un contexte 2022 ultra rémunérateur.
Comme chaque année, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié en mai dernier son rapport sur les flux d’investissements dans le secteur de l’énergie (World Energy Investment Outlook). Un chapitre de ce rapport est consacré au secteur du pétrole et la conclusion est sans appel. L’année 2022 a permis au producteur de pétrole et de gaz de générer 4 000 milliards de dollars de profit (200 miliiards de dollars pour les super major occidentales) dont seulement 0,5% ont été réinvesties dans les énergies bas carbone.
Le peak oil de la demande en 2028 ?
Comme elle le fait régulièrement, l’AIE a également posté, le 14 juin, la dernière version de son analyse moyen terme des marchés pétroliers. Une des conclusions majeures de cette publication est que le pic de la consommation de pétrole devrait arriver avant la fin de la décennie. C’est une évolution importante du discours dans le secteur. Autour des années 2000, un débat a eu lieu sur la date du « peak oil » pilotée par la limitation des réserves.
Annoncé entre 2005 et 2010, ce « peak oil » de production de pétrole conventionnel est bien apparu …mais les pétroles non conventionnels ont fait plus que compenser la baisse de production des pétroles conventionnels. Nous avons, de fait, trop de pétrole plutôt que pas assez au regard des contraintes climatiques et l’essor des ventes de véhicules électriques en cours est un indicateur d’une révolution en cours, à savoir la fin du monopole du pétrole dans le secteur des transports.
Back to business
Enfin, Shell vient de publier sa communication financière du second trimestre 2023. Retour à la normale annoncé : cap sur la hausse de la rémunération des actionnaires, les investissements dans le pétrole et le gaz repartent à la hausse (surtout pour le gaz) et une plus grande discipline sur le retour sur investissement sera appliquée notamment pour les sujets « bas carbone ».
Cette séquence nous rappelle quelques fondamentaux. Les bénéfices de l’industrie pétrolière ne servent pas à financer la transition énergétique, mais à rémunérer les actionnaires. Le pic de la demande de pétrole est annoncé avant la fin de la décennie marquant le début d’une décarbonation du secteur des transports et la fin d’un monopole.
Dans un contexte de décarbonation à marche forcée de l’économie mondiale, à quel point l’industrie pétrolière est elle capable de s’adapter et de s’inscrire dans une transformation à l’échelle et d’être utile dans ce mouvement ? Poser la question, c’est en partie y répondre.Le climat au cœur de la stratégie de défense de l’AllemagneNucléaire : l’ASN s’interroge sur le passage à 60 ans