Refus d’une minute de silence à l’AN en hommage aux migrants morts en mediterranée

Yaël Braun-Pivet a refusé la demande du député Aymeric Caron d’observer une minute de silence en hommage aux migrants morts en Méditerranée, en lui opposant les règles en vigueur dans l’hémicycle.

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, au perchoir le 12 juin. (Bertrand Guay/AFP)

par Emma Donadapublié le 21 juin 2023 à 18h16

L’hommage a tourné à la polémique. Mardi 20 juin, le député LFI Aymeric Caron a invité ses collègues à respecter une minute de silence en mémoire des victimes du naufrage meurtrier d’un navire transportant des migrants au large des côtes grecques, le 14 juin. Alors que certains parlementaires avaient commencé à se lever, la présidente de l’Assemblée nationale a coupé à court à l’initiative.

«Cette idée est formidable, mais la conférence des présidents [haute instance du Palais Bourbon qui établit notamment l’ordre du jour, ndlr] est là pour ça, pour que nous puissions décider collectivement des moments dans lesquels, dans cet hémicycle, nous honorons les personnes disparues. On ne fait pas de minute de silence de cette façon-là, vous devriez le savoir, j’en suis désolée et je suis navrée que vous m’obligiez à tenir ce genre de propos. C’est désolant parce que ce sont des moments qui doivent nous unir et pas nous désunir, et des pratiques telles que celle-là nous déshonorent, j’en suis navrée», a-t-elle justifié.Chez Pol

Les minutes de silence à géométrie variable de Yaël Braun-PivetP

Pourtant, en novembre, la présidente de l’Assemblée avait accédé à une demande spontanée dela députée Sandrine Rousseau d’observer une minute de silence en hommage à un agent des impôts tué lors d’un contrôle fiscal. Interrogés sur les règles et les pratiques relatives aux minutes de silence, les services du Palais Bourbon n’ont pas encore répondu. A noter qu’il n’existe pas de procédure explicite dans le règlement de l’Assemblée nationale concernant l’organisation de ce type d’hommage. L’article 48 précise seulement que «l‘Assemblée fixe son ordre du jour sur proposition de la conférence des présidents».

Pas de pratique immuable

Dans les faits, il ne semble pas exister de pratique immuable. Ces dernières années, les députés ont rendu hommage à des personnalités politiques décédées, aux victimes d’attentats, aux militaires morts en service, ou aux agents de l’Etat décédés dans le cadre de leurs fonctions. Ainsi, le 23 mai dernier, Yaël Braun-Pivet avait invité les parlementaires à se lever «en reconnaissance aux agents des services publics qui œuvrent au quotidien avec un dévouement exemplaire au service des citoyens et de l’intérêt général», après la mort de trois policiers dans le Nord et d’une infirmière au CHU de Reims.

Les députés ont aussi respecté, sur invitation de la présidence de l’Assemblée, une minute de silence en lien avec des évènements internationaux, comme la répression en Iran en octobre 2022 ou le séisme particulièrement meurtrier en Turquie et en Syrie, au mois de février. Plus inhabituel, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait fait observer une minute de silence aux parlementaires français lors d’une intervention retransmise à l’Assemblée et au Sénat, le 23 mars 2022.

A noter que ce n’est pas la première fois qu’une telle demande provoque la confusion au sein de l’Assemblée. En 2014, Cécile Duflot, alors députée, avait profité des questions au gouvernement pour demander une minute de silence en hommage à Rémi Fraisse, le militant écologiste tué par un tir de grenade sur le chantier du barrage de Sivens. Claude Bartolone, alors président de l’Assemblée nationale, avait décliné la requête et demandé à la députée de poursuivre sa question, arguant qu’«il est de tradition […] de saluer par une minute de silence les décès survenus parmi nos forces armées ou parmi des otages». Pourtant, comme l’avait repéré le Lab d’Europe 1 à l’époque, le 6 juin 2013, le socialiste avait lui-même invité les parlementaires à «respecter un temps d’indignation et de recueillement» en hommage au militant antifasciste Clément Méric, en état de mort de cérébrale après avoir été frappé par des skinheads.

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