De la mission Racine à la montée des eaux .Menaces sur le Languedoc Roussillon.
Ce fut mon premier papier dans l’express en 1983. On y évoquait « la nouvelle Floride » Le 13 septembre 2023 verra la sortie d’une réalisation de 52’ « menaces sur le littoral Languedoc Roussillon,de la mission RACINE à la montée des eaux »
Ayant relayé durant plus de 30 ans les grandes questions environnementales, je ne pouvais passer sous silence ce qui est en train d’advenir : la métamorphose de nos civilisations, l’accélération du réchauffement climatique et les dommages qui en découlent. Je ne pouvais « rater » l’occasion, étant désormais à Montpellier, et passer sous silence la démarche territoriale entamée aujourd’hui et qui va marquer au moins les cinquante années qui viennent.
1963 : la mission Racine
En 1963, à la demande du Général de Gaulle, il y a tout juste soixante ans, Pierre Racine , Conseiller d’état, directeur de l’ENA , lance sa mission d’aménagement du littoral avec un objectif, attirer un tourisme de plage quand la Costa-Brava espagnole captait de plus en plus de Français avides de vacances. Afin d’éviter la spéculation, le début de la mission a consisté pour l’Etat à acquérir à vil prix des terrains jusque-là non constructibles, souvent marécageux, infestés de moustiques. Ce ne sera qu’une fois la majorité du foncier acquis que l’on affichera la volonté de bâtir ici « La Floride du Languedoc« , suivant l’expression souvent reprise.
La mission Racine bouleverse le littoral, trace des routes sur des lidos fragiles. Elles vont relier les stations balnéaires et seront les premièrs aménagements humains menacés par l’érosion Sept stations balnéaires réprésentant 500.000 lits sont crées.
L’obligation de respecter les zones protégées
Dans les textes de la mission Racine, dès l’origine, des secteurs sont destinés aux stations balnéaires , tandis que d’autres doivent rester naturels. « Aujourd’hui l’action du Conservatoire s’inscrit encore dans ces espaces de coupure d’urbanisation. , nous explique Cédric Bohun , délègué de rivages au Conservatoire du Littoral-De la mission Racine, on retient surtout l’aspect on bétonne et on aménage, mais il y avait aussi un objectif de définir des espaces naturels, de les protéger d’en sortir la voiture déjà à l’époque . On s’inscrit toujours dans ces objectifs ; on peut dire qu’il y avait une préoccupation environnementale assez étonnante pour l’époque et que l’on retrouve dans la conception de station balnéaire comme celle de la Grande Motte. Malgré qu’on ait aménagé et détruit des centaines d’hectares d’espaces naturels il y avait quand même le souci de créer des espaces naturels et de les protéger en créant des sites classés sur ces espaces littoraux. Pour protéger les stations balnéaires mais aussi les infrastructures portuaires on a créé beaucoup d’aménagement en dur , d’ouvrages et de digues sur l’ensemble du linéaire Languedoc Roussillon. des épis qui protègent la partie à la fois urbanisée et aussi la route pour retenir le sable et freiner un peu l’érosion qui est très importante sur ce secteur , mais qui ont souvent accélérer l’érosion»
Ainsi de la Camargue à Perpignan on compte six zones ZNIEFF (zone naturelle à intérêt faunistique et floristique) inconstructibles qui vont permettre l’adaptation à la montée des eaux
Laisser la place à la mer ? On est loin du consensus.
Le maintien du sable sur les plages victimes de l’érosion a couté très cher aux communes . La nouvelle menace de la montée des eaux liée au réchauffement climatique appelle un changement de stratégie. Faut il ouvrir les étangs, laisser pénétrer la mer , casser les vagues au large , construire autrement ? Les propositions fleurissent et doivent être accompagnées administrativement . La région Occitanie a crée le premier Parlement de la mer chargé de mettre en musique les avis des uns et des autres , a lancé la plan littoral 21 « Il y a aujourd’hui un vrai drame qui est entrain de se passer reconnait Didier Cordoniou, maire de Gruissan, président du Parlement de la mer. On ne peut pas éradiquer les structures menacées. Souvent les gens ont investi leurs économies pour vivre au bord du littoral. Si on veut avoir une vision globale, il faut une vraie réponse adaptée, un peu comme dans la démarche du Général de Gaulle. Il faut que des moyens colossaux soient apportés pour qu’il y ait une recomposition spatiale et qu’on puisse déplacer ce qui a été construit. Ce qui va se passer demain et après demain c’est la vulnérabilité des biens. Des biens vont être dépréciés, ne pourront plus être assurés . Les propriétaires d’aujourd’hui vont demain avoir un bien qui risque de disparaitre, qui puisse être restitué à la nature puisque maintenant c’est la nature qui va prendre ses droits et c’est là que toute cette problématique il faut bien l’expliquer surtout aux nouvelles populations. »
Chacun va tenter de puiser dans la loi climat et résilience un mode d’emploi pour s’adapter et les trois prochaines années vont être réservées aux experimentations. Pendant ce temps, la menace reste encore bien abstraite pour ceux qui sont au bord de la mer et le temps de l’adaptation n’est pas celui de la vie, même si la gravité des phénomènes a tendance à accélerer.
Dominique Martin-Ferrari