AJE, voyage en Guyane, biomasse 2/2
En guyane 94% du territoire appartient à l’Etat et reste couvert de forêts protégees . Ce qui fait souvent dire que la guyane « est mise sous cloche ».
Aujourd’hui, les autorités doivent faire face à une explosion démographique et à une demande de développement comme il est du à tout territoire français .
Mais attention, prévient Ivan Martin Directeur de la DGTM « dans ce territoire il y a une culture de la sobriété, des comportements autonomes, que nous ne devons pas emmener vers le développement et le gaspillage» En d’autres mots, oui à un mieux être et aux droits à l’eau potable et à l’énergie mais sans prendre modèle sur des pays trop énergivores.
La politique énergétique de la Guyane reflète les contradictions au cœur de l’état français : d’un côté on s’engage pour un respect des accords de Paris et pour limiter les effets du réchauffement climatique, en sortant des fossiles avec plus de solaire ou de biomasse, de l’autre, les défenseurs de la nature restent farouchement opposés à la déforestation. Au centre une population, elle aussi partagée, qui manque cruellement d’électricité . L’opinion se partage donc entre les pro et anti biomasse qui avec le photovoltaïque et demain l’hydrogène devrait répondre à la fourniture d’électricité de tout le littoral , d’Est en Ouest.
La question agite les associations locales de longue date mais a pris une dimension nationale quand un texte, en préparation depuis deux ans, voit le jour. Il doit permettre aux porteurs de projets de déroger à la législation européenne sur la protection des forêts primaires, et de continuer à bénéficier de subventions publiques. Le texte permet d’utiliser du bois de coupe mais exclusivement « issu du défrichement légal » et ce, « plutôt que de le laisser brûler de manière incontrôlable ce qui n’est pas souhaitable pour le climat et l’environnement » Il permet aussi, dans le cadre d’un plafond limité à 15% de la surface agricole, d’utiliser les cultures exclusivement énergétiques pour alimenter la filière biomasse.
Des ONGs comme Wild Legal , des associations comme Maïouri Guyane s’embrasent. Elles aimeraient que le plan biomasse se limite aux déchets de bois des scieries ou du défrichage. Mais le volume est insuffisant. Il ne satisfait même pas la centrale historique de Kourou qui dépend d’une des premières scieries fonctionnant en Guyane. Or« Ce décret prévoit la possibilité de déroger aux règles visant à assurer la durabilité et la régénération des forêts », analyse Marine Calmet, juriste des associations., Cela va permettre qu’« on brûle du bois issu de la forêt tropicale qui est un puits de carbone » et de « maintenir artificiellement une filière qui n’est pas durable », ajoute cette avocate spécialisée dans les droits de la Nature.
Dans l’immédiat , seule une entreprise répond à toutes les cases du respect de l’environnement au développement guyanais, c’est la société Triton Guyane (détenue à 100% par Voltalia, rachetée en 2019) dirigée par Marc Leynaert.
Elle a acquis son savoir faire dans les lacs Canadiens en 2000. En Guyane grâce à SHARC , un appareil monté sur une barge avec un bras telescopique,un système de coupe en profondeur , autonome, – elle prélève dans le lac artificiel de Petit Saut les milliers d’arbres ennoyés au moment de la mise en eau du barrage en 1994 . Le projet est de récolter 140.000m3 par an et l’activité de l’entreprise est actuellement actée pour 25 ans.. Triton a sorti ses premières grumes en juillet 2023 et effectué sa première vente de biomasse en octobre. Une montée en puissance des opérations est prévue en 2024.
« Les bois devenaient trés polluants et émettaient du méthane. A l’air libre, ils sèchent rapidement car ils n’ont plus de sève.Quand nous sortons les troncs des zones les plus profondes de cette forêt immergée explique Pierre Brosseau, responsable de cette unité biomasse, nous ne savons pas ce qui nous attend. Parfois ce sont des bois précieux, des grumes qu’il suffit de laisser sécher. Elles seront réservées au bois d’œuvre. Elles iront ainsi rejoindre la filière bois et amélioreront la balance commerciale grâce à l’export de bois non utilisés sur le marché domestique.
D’autre fois, ce sont des troncs abimés , creux ou de mauvaise qualité, non appropriés à la transformation en scierie, ils passent au broyeur après séchage et finissent en plaquettes et alimenteront le pôle énergie »
Pour ne pas trop bouleverser une biodiversité établie depuis une trentaine d’années, on laisse les arbres inférieurs à 15cm de diamètre , les bois à proximité des berges ne sont pas collectés, ni ceux des parties oxygénées du lac qui lui confèrent « son charme esthétique « . les critères écologiques, les spot « loutre » ont été identifiés par la société biotope en lien avec le GEPOG association ornithologique. Cette production vient ainsi rejoindre la filière biomasse qui doit passer de 15MW (2018) à 40MWfin 2023,
Le pôle énergie Voltalia représente la plus grande centrale biomasse de Guyane avec une capacité de 10,5 MW soit 35 % de la puissance biomasse installée sur le territoire. Elle fournira jusqu’à 8 % de la demande d’électricité du littoral guyanais, ce qui permettra d’éviter l’utilisation de centrales électriques à combustibles fossiles à hauteur de 80 GWh.
Voltalia Guyane a été précurseur sur la biomasse avec une première centrale pionnière à Kourou en 2009 et une seconde à Cacao en 2021. Restent les agriculteurs. De ce côté , la filière se met en place. Mais le développement en est compliqué. Seuls 10 à 15 projets de défrichements ont été notifiés « les agriculteurs ne se sentent pas très motivés explique Ivan Martin directeur de la DGTM . Ils n’ont pour l’instant pas le droit de faire commerce de la défriche agricole. Nous retravaillons ce système depuis mai 2023 »
Dominique Martin Ferrari