suite du débat sur ZAN
COMMUNIQUÉ DE PRESSE (la fabrique de la Cité) 29 Novembre 2023 Zéro artificialisation nette : quelles réalités entre les modèles européens, anglais, suisses et japonais ? Nous souhaitions vous partager à nouveau ce travail de recherche alors que trois décrets relatifs au zéro artificialisation nette ont été publiés au Journal Officiel du 28 novembre. La Fabrique de la Cité, le think tank des transitions urbaines, a publié une étude comparative des politiques de sobriété foncière mises en place par l’Union européenne, l’Angleterre et la Suisse – deux pays en dehors de l’Union – et enfin le Japon, un modèle extra-européen complexe d’aménagement du territoire. C’est parce que chacun de ces territoires présente des contraintes particulières que La Fabrique de la Cité a choisi de s’intéresser à la manière dont ils abordent le sujet de la sobriété foncière : une tendance globale qui, comme le révèle l’étude, suppose pourtant une approche territoriale.Réalisée par Raphaël Languillon-Aussel, chercheur à l’Institut Français de Recherche sur le Japon à Tokyo et à l’Université de Genève, et Maxence Naudin, ingénieur d’études à l’Université de Perpignan et membre de l’Institut de Transition Foncière, cette étude s’intéresse aux particularités historiques, géographiques, politiques, sociologiques, démographiques, et économiques de chaque territoire pour mieux comprendre leur modèle d’aménagement et de sobriété foncière. Ce travail de recherche permet de mettre en perspective les politiques menées par l’Union européenne, la Suisse, l’Angleterre et le Japon, de vérifier ou d’infirmer certaines idées toutes faites et d’évaluer l’efficacité et l’impact de chaque législation pour en analyser les avantages et les inconvénients. Selon Raphaël Languillon-Aussel : « Cette note d’étude comparative a pour but de contextualiser les enjeux de sobriété foncière dans une perspective plus large et d’apporter une prise de recul nécessaire sur le sujet alors que la mise en œuvre des politiques de sobriété foncière génère actuellement des débats, notamment en France où la traduction des décrets d’application de la loi ZAN par les régions et les intercommunalités créé des frictions ». Cette note s’inscrit dans un cycle d’études plus large sur le sujet entamé par La Fabrique de la Cité en 2021 : « L’objectif zéro artificialisation nette des sols », par Vincent Le Rouzic (03.03.2022)« La politique zéro artificialisation nette des sols au service de la Stratégie Nationale Bas-Carbone », par Vincent Le Rouzic (07.04.2022)« Artificialisation des sols, quels avenirs pour les maisons individuelles ? », par Vincent Le Rouzic (26.01.2023)« Sobriété foncière et accès au logement, une nouvelle équation à inventer », synthèse du séminaire « L’art de gouverner les transitions » de David Djaïz (26.04.2023) La note d’étude « Sobriété foncière, évolutions et perspectives comparées : France, Suisse, Angleterre et Japon » est disponible ici. |
– Résumé de la note d’étude – « Sobriété foncière, évolutions et perspectives comparées : France, Suisse, Angleterre et Japon » Union européenne À travers plusieurs séries d’initiatives et de dispositifs mis en place à partir de 1972 pour limiter la consommation du foncier (« La Charte européenne des Sols », lancée par la CEE en 1972), l’Europe s’est imposée au fil des années comme un acteur majeur dans la promotion de la sobriété foncière. Néanmoins, si l’Union européenne dispose bien d’une compétence en matière d’environnement, les politiques publiques d’aménagement du territoire sont encore aujourd’hui des prérogatives régaliennes ce qui complique l’émergence d’un cadre commun et ambitieux. AngleterreL’Angleterre est à l’origine des premiers modèles de sobriété foncière avec un contrôle strict de l’étalement foncier, notamment consacré par le Green Belts Actsde 1938 qui interdira toute extension urbaine qui ne serait pas en contiguïté d’une agglomération existante. Ce sont également les Garden Cities théorisées par l’urbaniste Ebenezer Howard à la fin du XIXème siècle qui ont inspiré le concept de « banlieue-jardin », la suburb ou encore le lotissement pavillonnaire. L’Angleterre fait pourtant face à des problématiques d’acceptabilité majeures aujourd’hui. Citoyens et élus sont en effet de plus en plus nombreux à se mobiliser contre la densification urbaine au nom de la qualité de leur cadre de vie ; un phénomène qui exacerbe les écarts entre banlieues aisées et quartiers pauvres. SuissePays montagneux de plus de 40 000 km2 situé au cœur des Alpes, la Suisse présente un peuplement très concentré. En effet, plus des deux-tiers de ses 8,7 millions habitants vivent sur le Plateau suisse, portion plane qui représente seulement 30 % du territoire national. En parallèle, la Suisse a édicté un régime de sobriété foncière ambitieux dès 1979 avec la Loi d’Aménagement du Territoire, qui impose aux cantons « une utilisation mesurée du sol et le respect d’une séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire ». Cette législation couplée à la concentration de sa population au sein d’un territoire contraint par d’importants reliefs a généré l’image d’un pays économe en ressources foncières. Pourtant, la Loi d’Aménagement du Territoire a été révisée en 2022 pour répondre aux besoins en artificialisation d’un pays marqué tant par une croissance économique et démographique vigoureuse que par une crise structurelle du logement d’une ampleur inédite en Europe. La note s’intéresse également à la politique d’externalisation de l’artificialisation que mène la Suisse en dehors de ses frontières à l’image de l’étalement urbain de Genève vers la France. JaponAvec ses 377 975 km2 et ses 124,7 millions d’habitants, le Japon est le 11ème pays le plus peuplé au monde, mais ne se classe que 62ème par la taille de son territoire. En outre, pays montagneux à près de 80 %, la grande majorité de sa population se concentre dans un nombre très réduit de plaines littorales et de bassins intérieurs, accroissant la pression de l’artificialisation sur un foncier rare Pourtant, le Japon connaît de très grands contrastes de peuplement. À titre d’exemple, le département de Hokkaido, la grande île du nord, présente une densité de seulement 65 habitants par km2 et se trouve en situation de dépeuplement, tandis que celle du département de Tokyo, la plus élevée, dépasse les 6 300 habitants au km2. Ces singularités géographiques et démographiques ont largement participé au mythe du « manque de place ». L’aménagement du territoire nippon repose pourtant sur une densité étalée qui s’explique notamment en raison de la structuration de l’urbanisation autour des voies ferrées exploitées par les compagnies privées qui opèrent dans le pays. Par ailleurs, l’archipel fait face depuis plusieurs dizaines d’années à une décroissance démographique exceptionnelle que les pouvoirs publics ne parviennent pas à enrayer. Dès lors, la question de la sobriété foncière au Japon tend davantage à se confondre avec des enjeux de désartificialisation plutôt que d’expansion urbaine. Les trois décrets ZAN sont parus au Journal officiel (Actu environnement 29 nov) La territorialité des objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN), la nomenclature des surfaces artificialisées et la commission régionale de conciliation sont précisées dans trois décrets publiés ce 28 novembre au Journal officiel. Chaque année en France métropolitaine, plus de 20 000 hectares sont artificialisés. La loi Climat et résilience du 22 août 2021 fixe l’objectif d’atteindre le « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN) en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années, d’ici à 2031. Les trois décrets ZAN sont parus au Journal officiel La territorialité des objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN), la nomenclature des surfaces artificialisées et la commission régionale de conciliation sont précisées dans trois décrets publiés ce 28 novembre au Journal officiel. ZAN (1) Publié dans le Journal officiel du 28 novembre 2023, le décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 ajuste et complète les modalités d’évaluation et de suivi de l’artificialisation des sols. ZAN (2) Publié dans le Journal officiel du 28 novembre 2023, le décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 met en œuvre la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols dans les documents de planification et d’urbanisme ZAN (3) Publié dans le Journal officiel du 28 novembre 2023, le décret n° 2023-1098 du 27 novembre 2023 relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols. ET DANS LA LETTRE DES MAIRES: ZAN : les nouveaux décrets publiés, bien plus conformes aux attentes des maires Par Franck Lemarc On efface tout et on recommence. En avril 2022, le gouvernement publiait deux décrets d’application de la loi Climat et résilience sur le ZAN, l’un consacré à la nomenclature de l’artificialisation sols – c’est-à-dire, pour faire simple, quels terrains doivent être considérés comme artificialisés ou ne doivent pas l’être –, et l’autre à l’intégration des objectifs du ZAN dans les schémas régionaux (Sraddet). Ces deux décrets ont été très vivement critiqués par l’AMF qui a même, fait rarissime, saisi le Conseil d’État pour en contester la légalité. Il faut dire que ces décrets avaient de quoi surprendre sur bon nombre de points, dont le plus emblématique était, dans le décret nomenclatures, le fait de considérer les « parcs et jardins » comme des surfaces… artificialisées. Quant au décret Sraddet, il rendait opposables les décisions des régions en matière de ZAN par rapport aux documents d’urbanisme des communes et EPCI, ce qui, avait notamment dénoncé l’AMF, représentait « une forme de tutelle d’une collectivité sur une autre ». Le ministre Christophe Béchu, à l’automne dernier, avait reconnu que ces décrets « souffraient un certain nombre de remarques » et appelé les préfets à « lever les stylos », annonçant une « révision » de ces textes. Après plusieurs mois de concertation et de travaux, le gouvernement a récrit ces décrets, qui ont été présentés au Conseil national d’évaluation des normes en juillet dernier, recevant un avis favorable des représentants des élus. L’AMF avait alors salué la levée des principaux points d’achoppement et des « incertitudes juridiques ». Nomenclatures Le décret « relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols » est donc la nouvelle mouture du décret dit « nomenclature », dont il corrige les principaux défauts. Il est à présent clairement précisé dans le texte que cette nomenclature ne vise qu’à pouvoir évaluer « le solde d’artificialisation nette des sols dans le cadre de la fixation et du suivi des objectifs des documents de planification et d’urbanisme » – ce qui n’a rien à voir avec la possibilité ou non, dans le PLU, de définir la constructibilité d’une zone. Autre modification d’importance : alors que la première mouture du décret était totalement imprécise sur l’échelle à laquelle doit être mesurée l’artificialisation des sols dans les documents d’urbanisme, le nouveau décret est beaucoup plus précis. « L’occupation effective [des sols] est mesurée à l’échelle de polygones », dont la surface est cette fois clairement indiquée en annexe du décret : 50 m² pour le bâti, 2 500 m² pour les autres surfaces. Le texte précise également que « les infrastructures linéaires sont qualifiées à partir d’une largeur minimale de cinq mètres » et qu’une « surface végétalisée est qualifiée d’herbacée dès lors que moins de 25 % du couvert végétal est arboré ». Seules les surfaces supérieures à ces seuils seront décomptées au niveau national par l’observatoire de l’artificialisation des sols. Le nouveau texte corrige également l’aberration relevée dans le précédent : sont désormais considérées comme « non artificialisées » les surfaces « dont les sols sont végétalisés et à usage de parc ou de jardin public ». Schémas régionaux Le deuxième décret est « relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols » . Clairement, le gouvernement explique dans la notice du décret que ce nouveau texte vise à « mieux assurer l’équilibre entre le niveau d’intervention de la région d’une part, et du bloc communal via les documents d’urbanisme d’autre part ». Premier progrès : le texte mentionne désormais la notion « d’efforts passés », comme le demandait l’AMF. Les efforts de désartificialisation faits pendant les dix années ayant précédé la promulgation de la loi seront pris en compte dans les critères des Sraddet. Par ailleurs, le rapport d’objectifs du Sraddet devra « tenir compte de certaines spécificités locales telles que les enjeux des communes littorales ou de montagne, et plus particulièrement de ceux relevant des risques naturels prévisibles ou du recul du trait de côte ». À noter également que le décret prévoit à présent « la possibilité de mettre en place une part réservée de l’artificialisation des sols pour des projets à venir de création ou d’extension de constructions ou d’installations nécessaires aux exploitations agricoles et ce notamment pour contribuer aux objectifs et orientations prévus dans les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles ». Mais le plus central est que le gouvernement a renoncé à permettre aux Sraddet (documents régionaux) d’être directement opposables aux PLU ou aux SCoT. Le décret précédent avait donné la faculté aux régions de « déterminer une cible d’artificialisation nette des sols » à l’échelle des SCoT. Cette phrase est désormais supprimée. Et alors que l’ancien décret avait rendu obligatoire pour les régions la définition de « règles territorialisées », le nouveau a une rédaction nettement plus souple : « Des règles différenciées peuvent être définies afin d’assurer la déclinaison des objectifs entre les différentes parties du territoire en tenant compte des périmètres des schémas de cohérence territoriale ». Commissions de conciliation Le troisième décret publié ce matin, relatif « à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols » , est, lui, nouveau. Rappelons que la loi prévoit maintenant que les projets « d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur » ne seront pas intégrés dans le décompte du ZAN. Si, par l’exemple, l’État décide d’implanter une ligne de LGV, il serait en effet injuste que les surfaces artificialisées pour ce projet soient imputées aux communes et aux régions qu’il concerne. Un forfait de 12 500 hectares artificialisables a donc été prévu pour ces projets. La liste de ces projets sera prise par arrêté ministériel, après consultation des présidents de régions concernés et de la conférence régionale de gouvernance du ZAN. La loi prévoit qu’en cas de désaccord d’un président de région sur la liste proposée par l’État, il sera possible de saisir une « commission de conciliation » régionale. Le décret en fixe la composition : trois représentants de la région, trois représentants de l’État et un magistrat administratif, qui préside la commission. Le préfet de région et le directeur régional de la Dreal sont membres de droit de la commission. Reste la question de la participation des élus communaux ou intercommunaux à cette commission. Elle n’est pas de droit, mais possible « à titre consultatif dès lors qu’un projet les concerne ». L’AMF, lors de la réunion du Cnen où ce texte a été examiné, a dit « comprendre » le caractère facultatif de la présence des élus communaux et intercommunaux, dans la mesure où une ligne à grande vitesse, par exemple, vu son caractère linéaire, nécessiterait la présence de plusieurs dizaines d’élus. Néanmoins, l’arbitrage rendu par la commission de conciliation ne sera pas sans conséquence pour les communes et la disponibilité de leur foncier. L’AMF a donc demandé que la notice du décret insiste sur l’importance de solliciter les maires et présidents d’EPCI les plus concernés. Le gouvernement a donné doit à cette demande, en précisant dans la notice du texte : « La présence du maire et du président d’un EPCI est tout particulièrement recommandée dans le cas de projets ayant une implantation concentrée sur un périmètre communal et intercommunal bien circonscrit. » * * La parution de ces trois textes ne met pas fin au feuilleton – d’autres sont encore prévus. On attend notamment la publication imminente d’un décret et d’un arrêté sur les dérogations ZAN en matière de photovoltaïque. Autrement dit, les conditions que devront satisfaire les installations de panneaux photovoltaïques en zones agricoles, naturelles et forestières, pour ne pas être comptabilisées comme surface artificialisées. À suivre. |