Que penser du « suivi »
Cet article de Joseph Mornet, psy et président de Montpellier 20/50 nous conduit à réfléchir:
Les prises de position du gouvernement suite au meurtre du touriste à Paris remettent au devant de la scène la question des soins psychiatriques. Il est question partout du manque de « suivi » des personnes prises en charge à un moment de leur histoire. Plutôt que de montrer du doigt le « suivi » il faudrait mieux réfléchir à l’avant de ce suivi, c’est-à-dire à l’attention portée à la prise en charge elle-même.Comment prétendre à un « suivi » quelconque d’une personne si sa sortie n’a pas été précédée par un temps de soin convenable ? Ce temps de soin convenable peut se définir par celui nécessaire à un apaisement de la personne et à la création de nouveaux liens individuels et collectifs grâce à un milieu réparateur.Comment espérer soigner à minima une détresse psychique ou un effondrement mental par une politique de santé qui contraint les professionnels, faute de place et de moyens, à réduire le temps d’accueil intrahospitalier à un minimum de plus en plus étroit, juste le temps nécessaire d’amendement des symptômes par les seules vertus d’un traitement chimiothérapique ? La psychopathologie ne se réduira jamais à la maladie organique : elle est d’un autre ordre. Elle atteint l’être au plus profond de sa vie humaine et sociale. Son soin nécessite des approches thérapeutiques « humaines ».Les personnes en état de fragilité psychique sont, sans aucun doute, plus sensibles aux suggestions sociales et politiques. Il serait extrêmement dangereux cependant, et lâche, de faire un amalgame trop facile entre trouble psychiatrique et radicalisation islamique comme l’a laissé entendre le ministre de l’intérieur. Une telle attitude ne peut engendrer qu’une stigmatisation encore plus intolérable et dangereuse de conséquences. »Ce n’est pas en enfermant son voisin que l’on se convainc de son propre bon sens » écrivait Dostoïevski. C’est notre société entière qui doit s’interroger sur la violence qui règne actuellement dans les rapports entre humains et entre peuples. La désignation de boucs émissaires est toujours mauvaise conseillère. Elle ne fait que consacrer de nouvelles exclusions et se donner des blancheurs d’innocence hypocrite. Saisissons l’occasion, au contraire, pour rappeler combien il est urgent que nos gouvernants se penchent sur la situation de la psychiatrie en France actuellement.
Joseph Mornet