BURE: Enfouissement des déchets nucléaires : le Conseil d’Etat confirme l’utilité publique du projet Cigéo
Publié le 4 décembre 2023par Philie Marcangelo-Leos, pour Localtis
Aménagement et foncier, urbanisme, Environnement
Le Conseil d’Etat a rejeté, ce 1er décembre, le recours d’un collectif d’associations, qui lui demandait d’annuler la déclaration d’utilité publique accordée au projet de centre d’enfouissement des déchets radioactifs à Bure (Meuse) et son inscription parmi les opérations d’intérêt national. Le front d’opposants à Cigéo prépare toutefois sa contre-attaque pour les prochaines étapes de l’autorisation de création proprement dite.
© @antoine_armand
Par une décision(Lien sortant, nouvelle fenêtre) en date du 1er décembre 2023 (n° 467331, 467370), le Conseil d’État a confirmé l’utilité publique du projet Cigéo de centre d’enfouissement de déchets radioactifs prévu à Bure dans la Meuse et son inscription parmi les opérations d’intérêt national (OIN), qui peuvent déroger aux règles d’urbanisme de droit commun. Le recours formé par un collectif d’associations et de riverains (voir notre article du 8 septembre 2022) pour obtenir l’annulation pour excès de pouvoir des deux décrets du 7 juillet 2022 ayant permis de franchir cette première étape pour la réalisation du projet mis en œuvre par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) vient de faire chou blanc. L’inscription du projet Cigéo sur la liste des opérations d’intérêt national « est légale » et la procédure de déclaration d’utilité publique « a été respectée », tranche le Conseil d’Etat. Il rappelle que « plusieurs lois depuis 1991 ont posé le principe d’un stockage en grande profondeur des déchets hautement radioactifs afin d’assurer une solution pérenne de gestion de ces déchets sur le très long terme, garantissant un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé ».
Les associations estimaient entre autres que le décret inscrivant Cigéo sur la liste des OIN ne respectait pas le code de l’urbanisme (art. L.102-12) qui fixe aux collectivités territoriales des objectifs de développement durable pour leurs actions en matière d’urbanisme. La Haute juridiction juge toutefois que « ces dispositions, qui s’appliquent aux documents d’urbanisme locaux, ne s’appliquent pas à un projet inscrit sur la liste des opérations d’intérêt national, tel que Cigéo ».
Etude d’impact suffisante
Le Conseil d’État juge que le public a pu prendre connaissance du projet et présenter des observations. Il écarte en outre les arguments avancés contre l’enquête publique, estimant que le dossier « était suffisamment complet, notamment sur la faisabilité du projet et qu’il s’appuyait sur de nombreuses études scientifiques réalisées, en particulier dans le laboratoire souterrain construit en 2000 dans la commune de Bure (Meuse), afin de déterminer comment stocker les déchets radioactifs sans risque pour la santé et l’environnement », détaille le communiqué accompagnant la décision.
L’étude d’impact concernant les modalités d’implantation du centre de stockage est également « suffisante » à ses yeux. « Le dossier d’options de sûreté » de l’Andra joint à l’étude d’impact et explorant différents scénarios pour assurer la sûreté du site, « prenait en compte toutes les hypothèses de vulnérabilité du projet à des risques d’accidents ou de catastrophes », relève-t-il. Idem pour les mesures proposées destinées à éviter, réduire et compenser (ERC) les effets négatifs notables du centre de stockage Cigéo sur l’environnement et la santé humaine.
L’exigence de réversibilité du stockage prévue par la loi est elle aussi respectée. Le Conseil d’Etat s’appuie d’ailleurs sur la décision du Conseil constitutionnel – n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023 – (voir notre article du 2 novembre 2023) qui a confirmé la constitutionnalité de la loi entourant la création du projet Cigéo, et notamment au principe édicté en des termes inédits à cette occasion par les Sages « selon lequel le législateur, lorsqu’il adopte des mesures susceptibles de porter atteinte à l’environnement, veille à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ».
« Par trois lois (1991, 2006 et 2016), le législateur français a fait le choix d’un stockage en couche géologique profonde, plutôt qu’en surface, pour les déchets nucléaires à vie longue produits sur le territoire national (…) afin que ces déchets puissent être stockés dans des conditions permettant de protéger l’environnement et la santé contre les risques à long terme de dissémination de substances radioactives et que la charge de la gestion de ces déchets ne soit pas reportée sur les seules générations futures, ainsi que l’a retenu le Conseil constitutionnel (…) », reprend le Conseil d’Etat pour confirmer l’utilité publique du projet Cigéo, après avoir mis en balance avantages et inconvénients, en termes de coût notamment.
Pas synonyme d’autorisation
La validation de la DUP, qui devrait permettre de garantir la maîtrise foncière des terrains d’implantation et d’exproprier si besoin, constitue un premier jalon pour la réalisation du projet. Elle n’est en revanche pas synonyme d’autorisation pour le centre de stockage, qui devra faire l’objet d’autorisations postérieures, lors de sa création, puis préalablement à sa mise en service.
Sans présager des étapes ultérieures, l’Andra(Lien sortant, nouvelle fenêtre) se félicite de la décision du Conseil d’Etat « qui reconnait la qualité [de son] dossier et plus globalement la pertinence et les grands principes de l’approche progressive conduite depuis 30 ans par la France pour assurer la gestion à long terme des déchets les plus radioactifs ». De son côté le collectif d’associations regrette « une confirmation à l’aveugle de l’utilité publique de Cigéo et de son intérêt pour la nation », et ce « malgré toutes les incertitudes et imprécisions de l’étude d’impact ». France Nature Environnement, membre de ce collectif qui comporte une trentaine d’associations au total, pointe « une décision peu compréhensible au vu du dossier », y relevant « des lacunes importantes en matière d’impacts sur la santé et sur l’environnement, de mesures précises concernant la sécurité et la sûreté notamment en situation d’urgence ou sur le coût ». Elle s’interroge aussi sur la « survenue d’un accident durant les innombrables convois de déchets radioactifs qui seraient acheminés pendant plus de 100 ans sur ce site, [et les] capacités des couches géologiques à contenir la radioactivité durant des millions d’années, laissant planer le risque d’une contamination et ses conséquences aux générations futures ».
Les opposants au projet ont cependant réaffirmé leur détermination à poursuive la bataille juridique se disant prêts à attaquer « par tous les moyens le moment venu » les prochaines étapes de l’autorisation de création pour laquelle une demande a été soumise à l’Autorité de sûreté nucléaire en janvier dernier.