Glucksmann/Macron/. Européennes
La liste Parti socialiste/Place publique menée par Raphaël Glucksmann est troisième dans les intentions de vote pour les élections européennes de juin 2024. Dans cette nouvelle analyse réalisée grâce aux données de notre Enquête électorale française 2024, Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation, identifie les profils des électeurs « switchers » de Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron et les raisons qui les font basculer dans le camp de Raphaël Glucksmann.
Au sein d’un espace politique tripolaire, le Parti socialiste (PS) semblait depuis 2017 être pris en étau entre d’un côté Emmanuel Macron et sa posture centriste et, de l’autre, Jean-Luc Mélenchon, capable de rassembler au moment de l’élection présidentielle de 2022 les électeurs de gauche radicale et au-delà, dans une logique de vote utile.
Pourtant, ce début de campagne pour les élections européennes du 9 juin prochain semble dessiner un retournement de cette dynamique : Raphaël Glucksmann, candidat du Parti socialiste et de Place publique (PP), est crédité de 11,5% des intentions de vote, le plaçant en troisième position et seulement six points derrière Valérie Hayer, la candidate de la majorité présidentielle. Rappelons qu’en 2019, ce même Raphaël Glucksmann n’avait obtenu que 6% des suffrages exprimés.
C’est cette « dynamique Glucksmann » que nous cherchons à analyser dans cette note grâce aux données de la première vague de l’Enquête électorale française réalisée par Ipsos pour la Fondation Jean-Jaurès, Le Monde, le Cevipof et l’Institut Montaigne, sur un échantillon de 12 000 personnes1.
La candidature Glucksmann, un nouvel « en même temps » de gauche ?
Regardons tout d’abord d’où proviennent les électeurs potentiels de Raphaël Glucksmann en fonction de leur vote à l’élection présidentielle de 2022 (graphique 1).
Graphique 1. Structure de l’électorat potentiel de Raphaël Glucksmann
On le voit immédiatement, la force actuelle du candidat PS/PP est de pouvoir rassembler à la fois une partie de la gauche radicale et une partie du centre gauche. Sur 100 électeurs déclarant vouloir voter Raphaël Glucksmann aux prochaines élections européennes, 38 sont des anciens électeurs de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle et 30 sont des anciens électeurs d’Emmanuel Macron.
Comment Raphaël Glucksmann réussit-il à créer cette fusion d’électeurs déçus de Jean-Luc Mélenchon et d’électeurs déçus d’Emmanuel Macron ? Dans la suite de cette note, c’est à ces « switchers » que nous allons nous intéresser, ces électeurs étant passés d’un vote Macron ou Mélenchon à la présidentielle à une intention de vote pour le candidat PS/PP aux européennes. Dans un premier temps nous allons étudier leurs caractéristiques sociologiques et politiques, puis, dans un second temps, nous nous concentrerons sur les déterminants politiques de ce « switch ».
Les caractéristiques sociales et politiques des « switchers »
Les « switchers » de Mélenchon à Glucksmann
Nous cherchons ici à déterminer ce qui différencie, en termes de caractéristiques sociologiques et politiques, les « fidèles » de La France insoumise (ceux ayant voté pour Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle et souhaitant voter pour Manon Aubry aux élections européennes) des « switchers » (ceux ayant voté pour Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, mais souhaitant voter pour Raphaël Glucksmann aux prochaines élections européennes).
En termes de genre, les fidèles de La France insoumise (LFI) ne diffèrent pas fondamentalement des « switchers » (graphique 2).
Graphique 2. Caractéristique des fidèles de LFI et des « switchers » selon leur genre
Les « switchers » de Macron à Glucksmann
C’est à l’électorat d’Emmanuel Macron que nous nous intéressons dans cette partie, en cherchant à déterminer les différences et les similarités entre les « fidèles » du macronisme – ceux ayant voté Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle de 2022 et comptant voter Valérie Hayer aux européennes – et les « switchers » : ceux ayant voté également Emmanuel Macron au premier tour de la dernière présidentielle, mais souhaitant cette fois-ci voter Raphaël Glucksmann.
Concentrons-nous tout d’abord sur le genre des « switchers » et des fidèles du macronisme (graphique 7).