Visite de la centrale nucléaire de Gravelines (hauts de France)

GRAVELINES, une centrale nucléaire en face d’un port méthanier

GRAVELINES : 1975 un projet incroyable

Je l’avais laissé en 75 au cours d’un débat public qui annonçait sa construction. Je n’étais pas encore journaliste, mais enseignante et antinucléaire. 

Nous avions manifesté plusieurs fois, c’était avant Malville (1976  et 1977) à une époque où le nucléaire ne se discutait pas en France. Les quatre réacteurs de 900MW ont été édifiés en 1980, bientôt rejoints par deux autres en 1985.

A cette époque nous dénoncions les travaux en cours et notamment la plomberie. 

Yves Lenoir en lien avec le couple Séné et le réseau, était très informé. Je me suis lancée dans la rédaction d’une feuille de choux à destination des dunkerquois, au nom prédestiné de « fissures » en référence aux fissures trouvées dans l’acier des cuves et des soudures fragiles. 

Trente ans plus tard ces malfaçons seront à l’origine de cet incident dit « corrosion 

 sous contrainte de l’acier inoxydable» qui stoppera l’ensemble du parc nucléaire. Profitant de l’annonce générale, EDF opérera une intervention critique et inédite à la centrale nordiste dans le réacteur N°1 mis en service en 1980 afin de réparer une fissure extrêmement rare, découverte par l’ASN en 2011 ! Il faudra cinq ans pour en venir à bout, cette fissure était visible sur un des tubes soudés au fond de la cuve, au sein de laquelle se déroule la fission nucléaire, un phénomène de corrosion a provoqué une fissure de 3,9 centimètres de long. Un problème extrêmement rare – il n’existe que deux cas analogues dans le monde, recensés dans une même centrale aux États‐Unis – et loin d’être anodin. Selon une note de l’ASN, « une fuite à ce niveau serait considérée comme une brèche du circuit primaire du réacteur ». Autrement dit, un incident sérieux. Explique Pierre yves Bocquet dans médiacités (https://www.mediacites.fr/enquete/lille/2016/12/22/nucleaire-la-discrete-rustine-de-gravelines/)

De nos luttes nous tirerons une autre victoire :  grâce à l’équipe des associations réunies dans l’ ADELFA, le port méthanier prévu pour être accolé à la centrale sera finalement exporté de l’autre côté de l’ouverture du port Ouest à 5km environ. Ce qui est sans rassurer puisque comme l’expliquait le CEDRE lors du colloque port du futur, « l’expert en pollutions accidentelles des eaux sait aujourd’hui affronter une marée noire mais saura t il affronter un accident de navire carburant au méthane ou à l’ammoniac ? » (interdits en France mais déjà autorisés comme carburant à Séoul)

Une affaire marche bien , tant moqués par Cabu pour Charlie Hebdo, c’est celle des bassins d’aquaculture alimentés aux eaux chaudes de la centrale. Il parait qu’un français sur deux a mangé au moins un bar ou une daurade issus de cet élevage.

Une image contenant eau, Photographie aérienne, Vue plongeante, plein air

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1985/2024 : Et voilà un nouveau projet. 

2 EPR2 devraient jouxter le mastodonte

Malgré tous ces bemols et le fait que le port ouest et est de Dunkerque, 3) port de France soit à quelques encablures et abrite une douzaine de sites Seveso , Gravelines fut construite devenant la plus grosse centrale nucléaire d’Europe derrière Zaporijiaa en Ukraine.

La photo montage ci-dessus produite par EDF rend compte de l’importance du projet quand on compare les six réacteurs à 900mw chacun  (site actuel) avec chaque EPR2 de 1650 MW.  Un nouveau débat public vient donc de s’ouvrir et c’est à cette occasion que je viens de visiter le mastodonte au cours d’un voyage de presse organisé par les JNE. 

Sur place l’équipe EDF est très confiante, comme toujours : tout va bien, rien à signaler, alors que nous savons que cette centrale a été plus que menaçante. « vos piscines pourront elles accueillir le combustible irradié à la veille des réparations ? » « Mais de quoi parlez vous , la question des piscines ne nous a jamais été posée ? ». Quand il sera question des relations CNDP/EDF lors du débat public de Penly (1° projet de construction EPR2) nous apprendrons que des réponses ont été données à toutes les questions sauf à celles qui concernent la politique énergétique gouvernementale , notamment en termes de financement: « le financement du projet et les perspectives de coût de production », « les risques de dérives des coûts d’investissement et de fonctionnement », « les éléments relatifs aux combustibles et aux matières et déchets radioactifs » ou encore « les risques liés au dérèglement climatique et aux épisodes caniculaires de forte intensité ». Elles devront trouver réponses lors du débat public Gravelinois.

Concernant les EPR futurs qui devraient entrer en service en 2038 ou 39, EDF précise que les problèmes de l’EPR de Flamanville seront évités, que les outils doivent être plus simples et reproductibles car on envisage une série. Seront intégrées d’office de multiples innovations sécuritaires pour une durée de production de 60 ans, il faudra intégrer les conséquences du réchauffement climatique, éviter le dérapage financier de Flamanville passé de 3Md d’euros à 19 et dénoncé par la Cour des Comptes.  

Le territoire concerné par ce nouveau débat public a été étendu à plus de 20km du site : plus il y aura de monde concerné par l’emploi promis par EDF, plus seront récupérés d’avis favorables à la concertation « le salarié qui revient tous les soirs à son domicile devient un acteur de confiance sur tout le territoire » précise Antoine Ménagé, directeur du débat public EPR2 Gravelines après celui de Penly. 

Dans ces dures régions des Hauts de France un emploi a toujours primé sur la qualité de vie au travail. On travaille au cœur de la mine , ou sous la chaleur de la sidérurgie, ou dans le nucléaire. EDF mise d’ailleurs sur cette attractivité de l’emploi : formation, création de filières, création d’une université du nucléaire, suivi de l’évolution des besoins….. 

Gravelines , bientôt une île ?

Un nouveau problème voit le jour et vient d’être dénoncé par un rapport de Greenpeace publié récemment, celui des effets liés aux changements climatiques : ouragans, montée des eaux, inondations… 

Au cours de notre visite, nous longeons un très haut mur et franchissons de lourdes portes peintes en bleu, des portes qui ressemblent aux portes d’écluse. « Est-ce pour arrêter les migrants ? Nous en avons aperçu tout au long de la route ». Ceci est un autre débat…. Les portes et le mur de 5m50 (35 millions d’euros) ont été construits pour protéger la centrale, prise entre la montée des eaux promise par le réchauffement et les scénarios du GIEC, et par les inondations terriennes conséquences de la construction de Gravelines sur un polder de 100.000 ha à l’embouchure de l’AA , asséché par les watergangs  qu’il faut d’ailleurs reconstruire sur le site dédié aux EPR2. On peut vérifier tout cela avec les travaux de l’IGN. Le site nucléaire se situe dans un des territoires dits « à risque important d’inondation » (TRI) identifiés dans la cadre de la directive européenne inondations (référence n° 2007/60/CE du 23 octobre 2007).

En fait EDF revoit régulièrement sa copie et les médias se sont suffisamment faits l’écho des terribles inondations au printemps 2024 pour ne pouvoir dire qu’elle ne savait pas.

Il ne s’agira donc pas seulement de démanteler les anciens stockages de TotalEnergies, il faut également surélever la dune de 11m, reconstruire les watergangs, soit environ deux ans de travaux publics

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 Tel qu’il est présenté par EDF , le projet ne tient pas compte du dernier scenario du GIEC, d’une montée des eaux supérieure,  le pire scénario du Giec (le SSP5-8.5)

2024 avant la construction des EPR2 il fait répondre aux besoins

Bientôt Gravelines atteindra le seuil fatidique des 40 ans durée maximale pour laquelle ses matériaux de construction ont été prévus et conçus. IL faudra moderniser les réacteurs et comme le dit justement Greenpeace « EDF estime que les travaux coûteront 250 millions d’euros par réacteur. Mais l’ASN, le gendarme du nucléaire, n’a pas encore décidé des exigences qu’EDF devra appliquer pour faire fonctionner les réacteurs au-delà de 40 ans. Il est donc impossible de chiffrer le coût réel des travaux pour permettre la prolongation des réacteurs nucléaires. Une chose est sûre : il pèsera sur le coût de production de l’électricité et sera répercuté sur les consommateurs et les contribuables ! »

 Dominique Martin Ferrari  (Dominique Martin en 1975)

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