Premières Assises du droit de la mer et des solidarités à Montpellier : « réaffirmer le droit, sauver des vies, agir ensemble en Méditerranée »
Coup de maître pour ces premières assises soutenues par de nombreuses personnalités. Plus de 600 personnes se sont déplacées au parc des expositions de Montpellier. Au fil de la journée les témoignages se sont déroulés. Ils ont raconté la violence des traversées, la peur au ventre des migrants, la vie qui ne tient qu’à un fil, la naissance d’un enfant, le rôle des bénévoles- sauveteurs.
30.000 noyés, l’équivalents de la ville d’Agde, mais 40 662 vies sauvées sur les côtes méditerranéennes grâce à l’humanité des gens de mer qui ne laisseront jamais quelqu’un périr au gré des vagues quand ils peuvent agir.
Au-delà des descriptions du chaos humanitaire, un focus sur le rôle trouble des pays comme la Syrie, la Lybie et désormais l’Union Européenne elle-même, qui ferme les yeux et laisse agir la violence des passeurs préférant souvent protéger les frontières plutôt que les vies.
Les migrants, passant par la Lybie, payent entre 500 et 8000 euros un passage. Pour y parvenir ils vendent leurs biens ou bénéficient de la solidarité de leur communauté. Depuis 2016, l’Océan Viking de SOS méditerranée a effectué 425 traversées : les équipages localisent un bateau, souvent en détresse, et dès le feu vert du centre de coordination italien entreprennent le sauvetage. Comme le veut la procédure, l’Italie attribue un port de débarquement pour les réfugiés. Depuis quelques temps tout s’est durci et les autorités envoient le navire ambulance de plus en plus loin nécessitant des jours de navigation supplémentaires et l’abandon de la Méditerranée centrale là où se déroulent les naufrages . Parfois l’équipage de l’Océan Viking voit passer des cargots qui ne s’arrêtent pas pour sauver ceux qui flottent ou se noyent, et ne respectent pas le droit de la mer « au-delà de la morale, ceux qui ne se sont pas arrêtés sont en infraction. Il faut faire appliquer le droit ».
Le Parlement de la Mer est avec la région, la métropole… à l’origine de cette rencontre et soutient une plateforme des collectivités locales qui ont un rôle à jouer.
Il circule beaucoup de fausses nouvelles et même du discrédit sur les sauveteurs. On mélange trop facilement ce qui relève de l’humanitaire et le discours politique. Les organisateurs ont donc voulu jouer la transparence, donner de l’info, inviter les experts incontestables, incontestés. La plate forme des collectivités solidaires peut aider financièrement- le sauvetage en mer c’est 24.000 euros par jour-, et en terme de plaidoyer. Ainsi Montpellier a mis à disposition de la rencontre la salle Rabelais. La démarche est importante en cette période politiquement trouble..La rencontre n’a d’ailleurs pas échappée au selfie que quatre RN ont posté sur Instagram : «voilà à quoi est dépensé l’argent public. »
François Thomas qui préside SOS Méditerranée tient à rappeler les tragédies, le manquement des Etats, la nécessaire solidarité au moment où les droits humains ne sont plus respectés et où la Méditerranée reste la route migratoire la plus mortelle. Des dizaines de milliers de personnes arrivent dans des conditions invraisemblables et ces mouvements sont alimentés par les conflits en cours. L’Europe ferme les yeux et ignore les pays de première arrivée (l’Italie par exemple) comme en témoignera l’ancien maire de Palerme aujourd’hui député européen Leoluca Orlando.
L’idée est d’associer les régions aux négociations, d’où cette initiative, avec la mise en œuvre de routes, l’accueil des réfugiés. Certaines régions européennes (les euro régions) comme les Canaries ont des compétences pour accueillir les adolescents. Une loi catalane oblige à l’intégration (éducation, travail..) Une solidarité peut donc se tisser entre trois régions qui semblent prêtes : l’Occitanie, la Catalogne, les iles baléares (mais le territoire est si petit et 3000 migrants venus d’Algérie sont déjà arrivés !)
Une charte a clôturé la rencontre . Elle réclame une meilleure coordination, une meilleure distribution des rôles, une meilleure connaissance de la crise migratoire avec à la clé plus de ressources. L’Europe finance trop la Lybie : des enquêtes ont démontré la porosité entre les gardes côtes et les trafiquants d’êtres humains. Jacopo Giorgi responsable des questions de protection en mer pour la Méditerranée centrale au HCR s’y engage. Mais les assises réclament aussi l’abolition des sanctions qui pèsent sur les bateaux humanitaires, la mise en oeuvre d’une flotte de sauvetage financée par l’Europe car pour l’instant ce sont les ONGs qui font le travail des états. SOS Méditerranée interpellent l’OMI : « confiez nous une mission de sauvetage et sa confirmation en droit européen »
Il convient de préserver la mémoire de tout cela et de faire un petit pas pour plus d’humanité.
Dominique Martin-Ferrari