Inondations en Espagne : pourquoi, quelques mois après une catastrophe, la sidération cède la place à l’oubli
Cet article signe des réactions rencontrées majoritairement. Contrairement à ce que l’on croit l’horreur, la crise laissent place à l’oubli ou à l’habitude . Tous les signaux sont au rouge : l’économie va reprendre la main en Espagne, Trump imposera sa violence, et chacun se couche. Que devient l’idée de décroissance ou de respect de la limitation des ressources, que devient la lutte contre le réchauffement? Jamais les climato sceptiques n’ont relevé avec tant d’ampleur la tête?
En France, de nombreuses personnalités politiques s’émeuvent de la catastrophe qui a endeuillé la région de Valence, tout en revenant sur des engagements en faveur de la transition climatique et en rognant le fonds vert.
Des torrents de boue, des voitures entassées les unes sur les autres, des maisons détruites, des vies anéanties… Les terribles inondations qui ont ravagé la région de Valence, faisant plus de 200 morts, ont laissé place à un spectacle de désolation. A la peur a succédé la consternation. Comment expliquer un phénomène aussi brutal et soudain ? Comment un pays riche comme l’Espagne peut-il être tant meurtri ?
Il est pourtant surprenant d’être surpris. Certes, ces inondations sont les pires en plus de trois décennies. Mais ce genre d’événement est attendu : depuis trois décennies également, les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) alertent sur le dérèglement climatique qui aggrave les phénomènes météorologiques extrêmes. Si le réchauffement augmente les vagues de chaleur et les sécheresses, il intensifie dans le même temps les pluies diluviennes auxquelles sont habituées les régions méditerranéennes. Les explications relèvent de la physique : une atmosphère plus chaude peut contenir plus d’humidité. Les océans en surchauffe fournissent en outre plus d’énergie aux phénomènes de « gouttes froides », aux tempêtes et aux ouragans.
L’exposition et les vulnérabilités des populations sont également exacerbées par les choix urbanistiques. Depuis les années 1960, les villes construisent massivement dans des zones inondables, au plus près de la mer ou des rivières, bétonnent tous azimuts, imperméabilisant les sols, détruisent les zones humides qui pourraient retenir les crues… Alors les pluies, dopées par le réchauffement, déferlent et emportent tout sur leur passage.Lire aussi l’entretien | Article réservé à nos abonnés Inondations : « Le réchauffement climatique génère des épisodes de fortes précipitations encore plus violents »
Les dernières années regorgent d’exemples de tels cataclysmes. Rien qu’en septembre et octobre, l’Ardèche a été sous l’eau après l’épisode cévenol le plus intense sur deux jours jamais enregistré, le nord de la France a été inondé par la tempête Kirk, tandis que Boris faisait 22 morts en Europe centrale. Dans le sud-est des Etats-Unis, les ouragans Helene et Milton ont provoqué plus de 250 morts. Auparavant, le Pas-de-Calais a passé l’hiver les pieds dans l’eau en 2023, l’Allemagne et la Belgique ont enterré près de 230 habitants dans des inondations dantesques en 2021.
Rejet de l’écologie politique
Les pays occidentaux, qui se sentaient jusqu’à récemment protégés, s’avèrent durement touchés par la crise climatique. Mais quelques mois après une catastrophe, nous l’oublions… jusqu’à la suivante. La sidération laisse place à l’amnésie, qui permet de reprendre le cours de sa vie et de continuer à faire fonctionner l’économie.
Audrey Garric, LE MONDE