après la motion de censure et le discours d’E Macron, une analyse parmi d’autres, celle d’Ouest France
Jeudi soir 5 décembre, le président de la République a promis de nommer « dans les prochains jours » un Premier ministre, chargé de « former un gouvernement représentant toutes les forces politiques d’un arc de gouvernement qui puisse y participer ou, à tout le moins, qui s’engage à ne pas le censurer ». Il a également exclu toute démission.
Ouest-France Stéphane VERNAY, rédacteur en chef délégué, éditorialiste en charge de la politique et des affaires européennes.Publié le 06/12/2024 à 06h00
Le message est clair. Emmanuel Macron ne démissionnera pas avant 2027. Il veut nommer un Premier ministre capable de former « un gouvernement d’intérêt général », réunissant des forces politiques qui s’engageront « à ne pas le censurer ». Objectif : faire adopter avant la fin de l’année une loi de finances spéciale autorisant le fisc à prélever l’impôt et un nouveau budget en début d’année prochaine. Pour d’éventuelles élections législatives anticipées, il faudra attendre, « quoi qu’il arrive », au moins « dix mois », à savoir septembre 2025.
Il fallait le dire, pour rassurer, remettre les pendules à l’heure dans une situation inédite à plusieurs titres, et qui n’a pas fini d’inquiéter. Maintenant, il va falloir le faire. En allant vite pour choisir, mais pas trop. Il va lui falloir trouver, dans le contexte politique actuel, hautement dégradé, un conducteur d’attelage qui ne se fasse pas débarquer rapidement, comme son prédécesseur.
Emmanuel Macron avait cru trouver ce mouton à cinq pattes en la personne de Michel Barnier. Il ne pourra pas se contenter de dire « je veux », au nom de l’intérêt supérieur de la nation, en dénonçant l’irresponsabilité de ses adversaires, pour imposer quelqu’un qui tienne. Il va avoir besoin d’un peu de temps pour obtenir, cette fois, de vraies garanties. Et accepter de faire de vrais compromis de son côté. Mais avec qui ?
Sur quoi se mettre d’accord ?
Le Nouveau front populaire plaide pour que le nouveau Premier ministre soit issu de ses rangs. Il ou elle proposerait d’appliquer le programme du NFP, monté dans l’urgence à la veille des législatives anticipées, mais « sans jamais recourir au 49.3 »,de façon à laisser le parlement décider de l’adoption, la transformation ou du rejet de chaque loi présentée. Le Rassemblement national a immédiatement fait savoir qu’il censurerait. Le centre et Les Républicains (notamment par la voix de Laurent Wauquiez) ne ferment pas la porte. Problème : à part l’abrogation de la réforme des retraites, qui verra à nouveau les députés du NFP et du RN unir leurs votes, sur quoi les trois grands blocs antagonistes qui se partagent les sièges de l’Assemblée pourraient bien tomber d’accord ? Et comment, surtout, réussir à élaborer un budget qui fasse consensus ?
Deuxième piste : reprendre un Premier ministre de droite, encore plus « RN compatible » que Michel Barnier. Problème : démonstration vient d’être faite que le RN n’en a cure. À moins que le parti de Marine Le Pen ne se limite à un seul coup de poing sur la table – mais comment, désormais, lui faire confiance ? – cette voie peut briser l’alliance du socle commun et achever de révulser les électeurs qui ont voté pour faire barrage au Rassemblement national aux dernières législatives.Michel Barnier doit-il faire entrer des personnalités de gauche dans son gouvernement pour élargir sa majorité ?
Reste l’idée d’une alliance entre partis de gouvernement qui unirait les sociaux-démocrates (PS, Écologistes, voire communistes), les centristes et les LR autour de quelques grands thèmes faisant consensus. En mettant les querelles partisanes de côté, le temps d’aller jusqu’à une nouvelle dissolution… tout en espérant qu’elle permettrait de dégager une majorité à l’Assemblée.
Ce dernier scénario, qui verrait un modéré entrer à Matignon, tente une partie de la gauche. La France insoumise, qui n’aspire qu’à une seule chose – la démission d’Emmanuel Macron -, fera tout pour l’empêcher. Dont menacer ses « partenaires »du NFP de leur faire perdre les élections à venir (dont les municipales de 2026) en présentant des candidats contre eux. Argument de grand poids qui risque d’être particulièrement difficile à lever. Le plus dur continue.