Démission du Gouvernement : après des mois d’arrêt, un nouveau stop à la transition écologique
papier de Sophie FABREGAT pour actu environnement
L’instabilité politique de ces derniers mois a mis à mal de nombreux chantiers de la transition écologique. De nouveau, la censure du budget 2025 remet en pause, pour une durée indéterminée, les travaux qui reprenaient progressivement.
© dbrnjhrj – stock.adobe.comLe Premier ministre, Michel Barnier, a remis sa démission au président de la République ce matin.
La censure, par les députés, du projet de budget 2025, le 4 décembre, replonge le pays dans une période d’incertitudes. Alors que de nombreux travaux reprenaient, après une longue pause de près de quatre mois liée à la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, cette censure provoque un nouveau coup d’arrêt, dont l’issue est encore incertaine.
Du côté de la présidence, on affirme la volonté d’aller vite. En attendant, les travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat ont été suspendus.
Au Sénat, « il appartiendra à M. le président du Sénat de convoquer le Sénat ainsi qu’au préalable, la conférence des présidents, pour fixer la date de reprise des travaux », indique l’institution.
À l’Assemblée nationale, l’ordre du jour a été également suspendu. Si les travaux peuvent techniquement se poursuivre, notamment sur les propositions de loi (autrement dit les textes déposés par les députés), le secrétariat général du Gouvernement ne le verrait pas de cet œil, selon les informations de LCP. En revanche, les travaux en missions et commissions pourraient être poursuivis, du moment qu’ils ne requièrent pas l’intervention d’un ministre.
Budget : plusieurs options sur la table
« L’enjeu aujourd’hui est : comment on va de l’avant ? a réagi la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, au micro de RFI ce jeudi. Une France sans budget aujourd’hui est une France empêchée. (…) La censure ne résout pas l’urgence écologique, elle ne résout pas le problème des finances publiques. »“ La censure ne résout pas l’urgence écologique, elle ne résout pas le problème des finances publiques ”Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologiquePlusieurs hypothèses sont sur la table concernant le projet de loi de finances. Le gouvernement démissionnaire pourrait présenter un projet de loi spéciale pour pallier l’absence de PLF. Ce texte reconduit pour 2025 le budget 2024. Un nouveau gouvernement pourrait, quant à lui, poursuivre la navette parlementaire sur le projet de loi de finances, mais avec un calendrier très serré : le texte doit être publié avant le 1er janvier 2025. Dans ce cas, le projet de budget serait désormais examiné par le Sénat. Le Gouvernement pourrait également choisir de présenter un nouveau projet de loi, en déposant une loi partielle avant le 11 décembre, dans le but d’adopter une première partie avant la fin de l’année et de poursuivre les travaux en janvier. Autre hypothèse, le gouvernement fraîchement nommé pourrait, lui aussi, recourir à une loi spéciale. Enfin, en l’absence de texte abouti le 21 décembre, le budget pourrait être appliqué par ordonnances.
Cette situation plonge dans l’incertitude de nombreux secteurs qui étaient suspendus aux arbitrages sur le budget. Énergie, construction, mobilité, eau, biodiversité… Si les propositions sur la table étaient loin de faire l’unanimité, elles fixaient néanmoins des règles du jeu pour 2025. Désormais, les cartes pourraient être rebattues, pour le meilleur ou pour le pire.
Agriculture, construction : la grogne monte
La crise politique provoque également l’arrêt, plus ou moins long selon son issue, de nombreux chantiers législatifs. Ce qui provoque la colère des acteurs : « Les agriculteurs attendent depuis plus d’un an des mesures de simplification. La motion de censure signifie : pas de réponse à court terme pour les agriculteurs. Ce qui se passe est ressenti comme du mépris », a réagi sur France Info Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Et d’indiquer que les agriculteurs étaient prêts à augmenter la pression, en refusant « tous les contrôles sur les exploitations dans l’attente des promesses qui ont été faites, mais pas tenues ». La ministre de l’Agriculture a annoncé, il y a moins d’une semaine, plusieurs mesures de simplification, notamment la mise en place du contrôle unique.
Par ailleurs, une proposition de loi visant à lever les contraintes pour les agriculteursdevait être examinée mi-décembre par les sénateurs, avant le retour du projet de loi de souveraineté agricole en janvier au Sénat. Le calendrier de l’examen de ces textes est désormais suspendu.
Le secteur de la construction est également très inquiet. Alors que le marché du neuf n’est pas au beau fixe, plusieurs dossiers étaient sur la table : les aides à la rénovation (MaPrim’Renov, éco-PTZ) et la simplification du parcours, la simplification de la qualification RGE… « Les artisans du bâtiment s’impatientent devant tant d’immobilisme et attendent des responsables politiques qu’ils agissent dans un climat stable, avec cohérence et sens des réalités du terrain », déclare la Capeb. Sans mesures fortes dans le budget 2025, « des centaines de milliers de logements ne seront pas construits et des centaines de milliers de passoires thermiques resteront occupées. Cette situation menacera alors 300 000 salariés dans la filière construction », prévient la FFB. Seul soulagement : le Gouvernement a publié en urgence au Journal officiel de nombreux textes réglementaires. Parmi eux, un décret et un arrêté repoussent à 2026 l’évolution du dispositif MaPrim’Rénov.
Par ailleurs, plusieurs textes qui devaient être examinés à l’Assemblée nationale sont eux aussi suspendus : la proposition de loi sur l’assouplissement du calendrier du DPE pour les copropriétés, ainsi que celle sur les fraudes aux aides publiques (notamment aux CEE). Les députés devaient également se pencher sur la proposition de loi visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (Cat-Nat).
Sur l’énergie et le climat, le ministère indique que les travaux se poursuivent (dispositif post-Arenh par exemple) et que les consultations continuent sur les projets de SNBC, PPE et Pnacc. Mais l’avenir de ces documents et les arbitrages finaux restent suspendus à l’orientation du futur gouvernement.