Le Conseil des ministres adopte le projet de loi pour la refondation de Mayotte

En visite à Mayotte hier, le chef de l’État a présidé dans l’avion un conseil des ministres consacré aux deux projets de loi « pour la refondation de Mayotte ». Quelque 3,2 milliards d’euros sur six ans devraient y être consacrés. Mais sur place, élus et habitants dénoncent la lenteur des aides de l’État. 

© Mayotte hebdo/X: Franck Lamark

Quatre mois après les dévastations causées par le cyclone Chido, le président de la République est revenu dans l’archipel, première étape d’une tournée dans l’océan Indien qui l’a conduit, aujourd’hui, sur l’île de La Réunion. Le chef de l’État, accompagné de quatre ministres (Outre-mer, Agriculture, Santé et Francophonie) a déambulé dans plusieurs communes de Mayotte et rencontré des habitants, des chefs d’entreprise et des élus locaux. 

« Aucun euro »  pour les collectivités à ce jour

Voulant constater de visu « ce qui est bien fait et ce qui n’est pas assez bien fait » , Emmanuel Macron a été confronté à des habitants et des élus profondément désemparés, au spectacle du retour des bidonvilles qu’il avait pourtant promis d’éradiquer, à des agriculteurs « en colère »  estimant « qu’il ne s’est rien passé depuis Chido » , comme lui a lancé l’un d’entre eux. D’autres habitants ont fait part des difficultés pour percevoir les « prêts à taux zéro »  prévus par une récente loi : comme on pouvait s’y attendre, les banques « ne suivent pas », vu le manque d’assise financière d’une grande majorité des habitants de l’île. 

Quant aux aides de l’État à destination des collectivités, elles ne sont pas non plus au rendez-vous, dénonçait hier dans Le Figaro le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaila : à ce jour, explique-t-il, « aucune collectivité n’a touché aucun euro »  et « elles doivent se débrouiller par elles-mêmes ». Le maire a rappelé que les collectivités estimaient à « 600 millions d’euros »  les crédits nécessaires à la reconstruction des établissements publics et des infrastructures, et qu’aujourd’hui encore 60 % de l’éclairage public, par exemple, n’est toujours pas rétabli. Seules les écoles fonctionnent à peu près correctement, bien qu’en « mode dégradé » : « 90% des écoles sont actuellement utilisées (alors qu’) un tiers d’entre elles n’étaient pas exploitables »  après le passage de Chido.

3,2 milliards d’euros en six ans

Les choses vont-elles changer après l’adoption du nouveau projet de loi « pour la refondation de Mayotte » ? C’est en tout cas ce qu’a promis le chef de l’État, qui a annoncé hier qu’un total de 3,2 milliards d’euros allait être mis sur la table par l’État sur six ans. 

Ce sont deux textes qui ont été présentés et adoptés hier lors d’un Conseil des ministres exceptionnel que le chef de l’État a présidé depuis l’avion qui le conduisait à La Réunion : un texte ordinaire, le projet de loi pour la refondation de Mayotte, et un texte organique, consacré aux compétences de la nouvelle collectivité unique « département-région »  prévue pour l’archipel, dont l’assemblée délibérante comptera 52 élus. 

Le projet de loi de refondation, qui compte une trentaine d’articles, est consacré à plusieurs sujets : l’immigration, la sécurité, l’habitat informel, le développement économique et les questions sociales. Toutes les mesures ne sont pas détaillées dans le projet de loi : le texte inclut un « rapport annexé »  qui contient un certain nombre « d’engagements prioritaires »  de l’État, dont il faudra par la suite concrétiser la réalisation. Parmi ces engagements, la poursuite du « plan eau », la construction d’un second hôpital et d’une seconde prison, la réalisation d’un nouvel aéroport sur l’île principale de Grande-Terre, la modernisation du port de Langoni, la création d’un radar de surveillance maritime… 

Dans le domaine de l’éducation, il faudra faire preuve de patience puisque le gouvernement ne promet la fin de la rotation scolaire qu’en … 2031. Il faudra, de même, nettement plus de temps que les annonces quelque peu hâtives faites en décembre dernier pour résorber l’habitat informel, puisque le gouvernement prévoit la construction de 24 000 logements… d’ici 2035. 

L’alignement du smic mahorais sur le niveau national est également prévu pour 2031. En revanche, l’exécutif ne prévoit pas d’aligner les prestations sociales, comme le RSA, sur le niveau métropolitain, au motif de donner « la priorité au travail ». 

Afin d’aider les employeurs privés à augmenter le smic, le gouvernement prévoit d’alléger fortement la fiscalité des entreprises en transformant tout l’archipel en zone franche, mais cette fois, dès 2025. 

Pas de suppression du titre de séjour territorialisé

Le texte comprend aussi, au-delà de ce rapport annexe, des mesures législatives qui seront, elles, immédiates. Notamment sur la lutte contre l’immigration illégale, avec le durcissement prévu des conditions d’obtention des titres de séjour, et la facilitation des opérations de destruction des bidonvilles. En revanche, en l’état actuel du texte, le gouvernement a décidé de ne pas retenir la demande la plus pressante des élus mahorais : la suppression du titre de séjour territorialisé – qui interdit à des migrants ayant obtenu un titre de séjour à Mayotte de quitter l’île pour se rendre sur un autre territoire français. 

Le projet de loi prévoit également des mesures permettant d’attirer des fonctionnaires venus de métropole (priorité à la mutation au retour, bonification d’ancienneté), ainsi que la création de nouvelles unités de gendarmerie et la formation de 300 policiers et gendarmes mahorais supplémentaires. 

Le texte, pour l’installation accueilli sans grand enthousiasme par les élus mahorais, a été déposé au Sénat. Il sera examiné en commission des lois les 13 et 14 mai, puis en séance publique du 19 au 23 mai. L’examen à l’Assemblée nationale devrait avoir lieu début juin, ce qui laisse espérer à l’exécutif une adoption définitive avant l’été. 

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